Le rapport est consultable ici : [http://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/publications/rapports-missionnes/Rapport-La-force-de-l-egalite.pdf]

La FSU est intervenue lors d’une réunion présidée par la Ministre de la Fonction Publique suite à la remise du rapport sur les inégalités de rémunération et de parcours professionnel entre les femmes et les hommes dans la Fonction Publique par la députée Descamps-Crosnier. Ce rapport fait le constat de la persistance de nombreux phénomènes de discrimination alors que le Protocole d’Accord Egalité Professionnelle, signé par tous les employeurs et les organisations syndicales représentatives, fête bientôt ses quatre ans.

La FSU s’est félicitée de la publication de ce rapport concernant l’égalité professionnelle dans la Fonction Publique qui pointe les difficultés à y supprimer les inégalités salariales, de pension et de déroulement de carrière que l’on constate dans les trois versants de la fonction publique et qui aujourd’hui perdurent. Un tel rapport se veut d’autant plus nécessaire qu’ information et formation sur le sujet font encore énormément défaut et que de nombreux agents et agentes n’en n’ont pas connaissance ou les sous-estiment.

Les femmes, 62% de l’ensemble des agents publics, ont des rémunérations moyennes inférieures de 19% à celles des hommes. Les femmes sont plus nombreuses sur des emplois de contractuels, elles connaissent des interruptions de carrière qui empêchent les promotions dans les mêmes conditions que les hommes, elles sont employées dans des filières moins bien rémunérées à qualification égale (travail social par exemple), elles ont moins de primes et d’heures supplémentaires et sont moins recrutées sur les postes à responsabilité du fait d’une articulation vie professionnelle – vie personnelle plus difficile à concilier pour elles. Leurs pensions sont moins élevées du fait de carrières antérieures moins favorables, et cette situation s’aggravera fortement suite à la suppression de la bonification pour enfant né après 2004 et qui produira ses pleins effets négatifs pour les femmes fonctionnaires qui partiront à partir des années 2020.

Ce rapport définit 55 recommandations dont les effets concernent les agents de la fonction publique, leur gestion , leur formation, leur rémunération et leurs droits en général pour tendre vers plus d’égalité.

Aucune mesure ne peut se faire sans moyen spécifique, ni sans la volonté des employeurs ou des chefs de service, c’est aussi le financement qui a manqué pour la mise en œuvre concrète des guides, circulaires, décrets ou lois publiés depuis. Ce qui manque encore aujourd’hui c’est le fait que même si le sujet est reconnu important pour beaucoup, il n’est pas prioritaire et souvent relégué à la fin des débats (quand le sujet est traité par les chefs de service ou les responsables de la gestion dans les comités techniques) ou encore abordé de manière superficielle, pour faire de l’affichage : il en va ainsi de la labellisation (mesure 43). Pour la FSU, le meilleur label sera la diminution de certains écarts constatés de salaire, de prime, de nomination, de vitesse d’avancement et une meilleure mixité des métiers plutôt qu’une démarche qui vise plus à communiquer qu’à agir et qui élargit les problèmes d’inégalités à d’autres que celles qui concernent les hommes et les femmes : il est important que le sujet ne soit pas dilué même s’il est nécessaire de combattre toutes les formes d’inégalités.
Les mesures contraignantes concernant les nominations équilibrées dans la haute fonction publique ont été mesurables et ont respecté les objectifs fixés par la loi (avec contrainte financière il est vrai en cas de non-conformité). Mais c’est précisément un reproche qu’on peut faire à la politique suivie en matière d’égalité femmes hommes que de se cantonner souvent à la haute fonction publique.
Si bien sûr des ministères, certains employeurs d’établissements publics ou territoriaux affichent cette volonté d’égalité de traitement et de carrière et y oeuvrent, la déclinaison au niveau local tarde à se mettre en œuvre.

Quelques analyses dans le détail des mesures sur les quatre axes de travail proposés dans le rapport :

I sur le plan d’action à partir de statistiques : la loi existe mais n’est pas respectée et ne concerne pas les petites structures

 nous sommes en accord avec la recommandation de produire des statistiques exploitables, affinées et complétées par des suivis de cohorte (Mesure 1) y compris dans les collectivité de petite taille.

 créer des plans d’action par versant de la Fonction Publique est une proposition très intéressante mais qui nécessite surtout après d’être déclinée au niveau local. C’est à ce niveau là que les promotions se font, que les nominations sur certains postes sont décidées…

 le bilan obligatoire devant le CT des avancements de grade ou d’échelon (mesure 27) va aussi dans le bon sens mais ces mesures se heurtent à l’absence de volonté nette de certains employeurs

 En revanche, la mesure 9 qui demande aux employeurs de justifier l’absence de statistiques sexuées ne va pas dans le bon sens. Les employeurs qui ne les fournissent pas ont de « bonnes raisons » : pas les personnels, pas les outils, incapacité des services à produire ces statistiques, et cela n’est pas acceptable. (à noter que les données fournies aux délégués du personnel sous certains formats (image) les empêchent de faire le travail lorsque les tableaux d’avancement leur sont fournis. Il s’agit bien d’en faire une obligation respectée par tous).

II Métiers revalorisés, mobilité facilitée
La revalorisation de métiers ou de filières féminines (mesure 3-50-51-52) : mesure prioritaire et incontournable pour la FSU mais quelle mise en œuvre ? Quel calendrier ? Ces écarts de salaires ont pour effet de renforcer les inégalités existantes et à qualification ou diplôme égal, à travail de valeur égale, le traitement indiciaire comme les primes et indemnités sont moindres, le déroulé et les perspectives de carrière également. La sous-rémunération a aussi pour effet de ne pas rendre attractifs pour les hommes les métiers concernés.

Conséquence directe de la non-reconnaissance des qualifications professionnelles : la non prise en compte de la pénibilité (pour l’instant prise en compte uniquement dans le privé). La notion de pénibilité au travail s’est construite au « masculin » et des outils/indicateurs ont été crées pour y remédier dans les emplois majoritairement investis par les hommes. La répartition sexuée des emplois qui implique une invisibilité des risques et de la pénibilité liés aux métiers et accuse un retard important quant aux mesures de protection puisque les métiers féminins sont toujours imaginés moins pénibles (lever des patient-es toutes la journée, porter et se baisser pour les élèves de maternelles est toujours imaginé moins dangereux et moins pénibles que le maniement de certaines machines, de produits dangereux…
Donc dans le même temps qu’un travail sur les salaires et les qualifications, il est indispensable de penser en parallèle (par une démarche intégrée) cette question et ne pas la traiter à part. Certaines études sont en ce sens révélatrices : Les maladies professionnelles dont sont victimes les femmes augmentent deux fois plus vite que celles des hommes et dépassent celles des hommes depuis 2010. 58% des TMS reconnus concernent les femmes (enquête SUMER, surveillance médicale des expositions aux risques professionnels). Selon l’ANACT, les accidents du travail touchant les femmes sont en augmentation de 21,8% tandis que ceux touchant aux hommes sont en baisse de 18,6%. Le nombre d’accidents de trajet est stable pour les hommes et en augmentation de 28% pour les femmes ; ils dépassent ceux des hommes depuis 2009.

Une autre mesure indispensable est la reconnaissance du temps partiel comme du temps plein dans la Fonction publique territoriale (mesure 49). En matière d’avancement, c’est déjà la règle -théorique- dans la Fonction publique de l’Etat.
L’amélioration de la mobilité (mesures 4 12 13 14 53) sans obligation de mobilité géographique avec prévention de six mois au moins devrait être développée
La connaissance des postes (mesure 21 22 23 ) y compris entre les versants, la transparence des rémunérations (mesure 24,25) sont autant de mesures effectivement nécessaires

IV Evaluation avec grilles « neutres » (mesures 15 et 16 )
Le problème existe mais grille ou pas grille, la sensibilisation et la formation des évaluateurs sont indispensables et doivent faire partie de la formation initiale et de tout agent amené à porter des avis ou à mener des entretiens professionnels. L’analyse également comparative des avis portés peut également être utile à la prise de conscience des inégalités générées mais méconnues

L’idée d’une marge inexpliquée dans les écarts de rémunération est également à rapprocher du problème de l’évaluation et nécessiterait aussi la préconisation des recherches comparatives y compris par les suivis de cohortes. Une fois neutralisés tout ce qui peut s’expliquer : interruption ou réduction d’activité liée aux enfants, « choix » de ne pas exercer certaines fonctions, il reste donc cette marge inexpliquée. C’est donc bien cet élément qu’il faudrait creuser car l’évaluation joue un rôle important dans le déroulement des carrières qui y est le plus souvent connecté le plus souvent parfois dans les changements d’échelon, toujours dans les changements de grades ).

Ainsi, il conviendrait de mieux prendre en compte tout ce que les promotions en fonction d’un pseudo mérite comportent actuellement de biais discriminatoires. De même les recrutements sans concours (de contractuels ou de titulaires) ainsi que le « profilage » excessif des postes sont des facteurs de discrimination comme l’a montré le rapport L’Horty.

Une autre mesure que la FSU rejette serait le développement d’évaluation « à 180° » ou pire « à 360° » : mesure issue du secteur privé et du new public management , déjà en application dans certaines collectivités ou ministères (défense, culture) au vu de la pièce en lien ci dessous ne nous semble pas être une réponse ni un atout pour rendre égalitaire la promotion des femmes à certains postes ; bien au contraire, recours à l’autoévaluation, à des évaluations multiples de collègues (hommes le plus souvent si on est dans des postes à responsabilité..) ce n’est sûrement pas là une mesure qui favorisera l’adhésion des femmes à des projets de carrière. un ex de définition de ce type d’évaluation en lien [http://passages-pro.fr/wp-content/uploads/2014/02/Evaluations-360-et-180.pdf]

Faut il rappeler que ce type d’évaluation est surtout source de risques psycho-sociaux et que les femmes y sont parfois plus exposées ? Que des entretiens soient possibles en matière d’accompagnement, de proposition de formation, d’orientation et de projet professionnels peut être positif si cela débouche sur de vraies propositions.

III Pensions dans la fonction publique
Ce rapport propose des mesures que la FSU revendique. Mais pour nous, la mesure prioritaire serait la suppression de la décote… qui touche plus les femmes que les hommes, et qui va les toucher de plus en plus ; les femmes qui partent à la retraite aujourd’hui sont encore peu touchées par la suppression de la bonification décidée en 2003.

Le rétablissement des bonifications pour enfants est donc nécessaire : quatre trimestres pour maternité (mesure 7) et il faut y ajouter les quatre trimestres pour éducation des enfants, ce sont huit trimestres qui doivent être attribués comme dans le régime général (aujourd’hui les deux trimestres existants dans la FP depuis la loi de 2003 n’ont pour seul effet que de réduire la décote.)

« Forfaitiser la majoration de pension à budget constant » (mesure 6) aurait pour effet de réduire les pensions qui jusqu’ici étaient majorées pour avoir élevé au moins trois enfants : de diminuer les pensions des femmes concernées qui ont réussi à concilier famille et activité et dans une plus forte proportion de diminuer la pension des hommes ; l’objectif est de revaloriser les pensions, pas de diminuer certaines et en augmenter d’autres…la réflexion sur ce sujet est à poursuivre mais une telle proposition n’est pas acceptable car l’alignement se ferait par le bas et risquerait de se traduire par un saupoudrage du fait « du budget constant »…c’est l’une des rares mesures de ce rapport que la FSU rejette
Une réflexion est nécessaire aussi pour les pensions de réversion d’une façon générale (mesure 8 : supprimer les conditions de remariage) ; d’autres mesures comme l’élargissement au PACS sont également, pour la FSU, à étudier et seraient tout autant légitimes pour les personnels concernés.

IV articulation vie privée vie professionnelle

 La charte des temps (mesure 10 ) préconisée au moins depuis 2013 dans le cadre du protocole est une mesure qui peut être intéressante mais elle n’est pas applicable dans beaucoup de métiers (horaires imposés, décalés…)
Le télétravail pour femmes enceintes (mesures 29) est une mesure à prendre avec une grande prudence car il ne faudrait pas qu’il devienne une contrainte. Par ailleurs, il y a éloignement du poste de travail et de ce fait peu de communication avec les collègues de travail. Il peut présenter un intérêt effectivement lorsqu’il permet la poursuite du travail jusqu’au début du congé de maternité et surtout s’il évite un arrêt de travail. La législation existe sur l’aménagement des postes de travail ou des modifications d’affectation mais elle est méconnue et peu souvent respectée.
La procédure d’accompagnement après un congé de maternité ou d’adoption (mesure 31) ne doit se faire que si l’agent-e le demande et à la condition que cet entretien permette de proposer des éléments qui permette d’améliorer les conditions de travail, les perspectives de carrière ou l’aménagement du temps de travail. Les OS n’y étaient pas particulièrement favorables.

La multiplication du nombre de places en crèches est une nécessité portée depuis plusieurs années par les gouvernements successifs mais d’autres choix budgétaires ont été faits et le nombre de places créées est loin des objectifs fixés.
Supprimer le seuil plancher de la période des six mois du congé parental (mesure 32) est nécessaire et faciliterait également la prise de ce type de congé (ex impossibilité de reprendre à la rentrée scolaire pour les enseignant-es du 1er degré par ex) est plutot positif

La nouvelle loi sur le congé parental (un peu hors sujet mais qui est une conséquence directe de la loi sur le CP) avec partage entre les deux parents mais un maximum de 2,5 ans de congé chacun met en difficulté les parents notamment quand ils travaillent à temps partiel jusqu’aux trois ans de l’enfant car il n’y a plus d’allocation versée jusq’aux trois ans de l’enfant ! Cette mesure qui visait à partager le CP a pour effet d’empêcher les parents employés à temps partiels de percevoir la prestation partagée d’éducation du jeune enfant jusqu’aux trois ans de l’enfant mettant en difficulté financière des familles ou contraignant à reprendre plus tôt l’activité alors que l’école ne scolarise pas la grande majorité des enfants de moins de trois ans, ni même ceux qui ont trois ans en cours d’année scolaire et alors que le nombre de places en crèche reste extrêmement faible (préconisation proposée d’ailleurs par le rapport mais qui faute de moyens ne peut être mis en œuvre) ; cette mesure prise par la CAF (aligner le temps de versement de la Prepare ) pénalise les parents notamment les mères à être privée d’allocation au-delà des deux ans et demi de l’enfant.

V La prévention de la pénibilité est à renvoyer au compte de pénibilité qui n’existe toujours pas dans la Fonction publique alors que les catégories actives concernent de moins en moins de personnels et que seule la pénibilité physique est reconnue ; or de nombreux métiers féminins sont pénibles avec un impact sur la santé, sur les congés maladies et les accidents de travail . Là aussi, la création de ce type de compte est nécessaire mais surtout a besoin d’être étendue et de créer plus de droits que ne le fait le secteur

Ce rapport permet de mettre en lumière le rôle d’impulsion majeure que peut avoir la DGAFP (direction générale d’administration de la fonction publique) et rappelle qu’elle a effectivement ce rôle à remplir et surtout à amplifier pour que l’État soit bien l’employeur exemplaire qu’il se dit être.

Des textes réglementaires existent : il faut les renforcer par la loi et les décrets quand de simples circulaires ne suffisent pas et pourquoi ne pas les assortir de sanctions pour les employeurs quand ils ne respectent ni la loi, ni la demande des organisations syndicales, ni la demande de leur ministre; élargir le principe des nominations équilibrées à d’autres catégories de postes (mesure 54 au-delà même des fonctions juridictionnelles et mesure 40) peut être utile et efficace. L’idée de la création d’un fonds spécial va dans le bon sens.

Bien sûr qu’il faudra du temps pour faire évoluer mentalités et stéréotypes encore trop présents dans nos fonctionnements, mais si certaines mesures préconisées il y a maintenant quatre ans avaient été appliquées, nous aurions beaucoup plus progressé en matière d’égalité dans la Fonction publique. Il s’agit maintenant de faire de ce rapport un support pour multiplier les actions préconisées et qu’il reste une référence en matière d’égalité y compris au-delà des élections.