WOERTH nie l’effet retraite pour expliquer les inégalités de pension entre les hommes et les femmes. La FSU répond.

Une tribune signée de Messieurs Woerth et Tron et de trois de leurs consœurs dans le Monde du 4 octobre affirme que le projet de réforme des retraites serait neutre au regard des inégalités de pensions entre femmes et hommes et que celles-ci sont appelées à se réduire dans l’avenir. Ce discours est significatif des lunettes déformantes avec lesquelles on prétend nous faire voir la réalité.

S’il est vrai que les inégalités de genre se sont réduites depuis 40 ans sur le marché du travail, cette diminution s’est interrompue depuis le milieu des années 90, sous l’effet concomitant de l’envolée du temps partiel et de l’arrêt de la diminution des écarts de salaire.

Messieurs les ministres, vous faites l’impasse sur le développement des emplois précaires, à temps partiel, sur le chômage récurrent, l’enfermement de nombreuses femmes dans des emplois mal payés, la stigmatisation de la maternité par les employeurs, sans parler de l’impact de la division sexuée du travail sur les carrières féminines.

Vous avez amplifié dans la fonction publique des politiques défavorables aux femmes comme l’encouragement aux heures supplémentaires, au développement des primes. Vous savez bien que les femmes y occupent les emplois les moins rémunérés.

Vous déclarez la réforme des retraites innocente au regard des inégalités de genre. Les précédentes réformes, ont pourtant eu un impact important sur ces inégalités, comme l’a montré une étude de l’INED (Bonnet, Buffeteau, Godefroy, 2006) : sans les réformes, les hommes des générations 1965-1974 percevraient une pension 1,47 fois plus élevée que celles des femmes. Avec la réforme de 1993, le ratio s’établit à 1,54 et avec celle de 2003 à 1,59.

Vous vous félicitez du maintien (relatif) de la majoration de durée d’assurance de deux ans par enfant dans le régime général, mais vous êtes muet sur l’injustice faite aux femmes fonctionnaires avec la quasi disparition de la bonification d’une année depuis la réforme de 2003 dans la Fonction publique, comme vous êtes muet sur la suppression du droit au départ en retraite anticipée des fonctionnaires mères de trois enfants, qui poussera hors de l’emploi des milliers d’entre elles.

Maintenant que les inégalités de pensions sont dénoncées dans le débat social, vous vous réfugiez dans le déni du réel. Vous affirmez que beaucoup de femmes auront tous leurs trimestres, mais vous savez très bien qu’une caissière d’hypermarché à temps partiel durant sa carrière aura dans le régime général tous ses trimestres, mais une retraite de misère, car plombée par le salaire de référence (les fameuses 25 meilleures années).

En réalité si les pensions des femmes partant aujourd’hui en retraite enregistrent des évolutions favorables du passé lointain, les pensions futures subiront l’impact des évolutions défavorables d’aujourd’hui : les inégalités de pensions entre femmes et hommes sont appelées à perdurer à un niveau élevé, puisque le sixième rapport du COR estime que la pension moyenne des femmes ne représenterait que 63 % de celle des hommes pour les générations 1965 à 1974. Les réformes en cours pénalisent davantage les carrières courtes, chaotiques, à temps partiel, et la vôtre aggrave encore plus la situation des femmes, notamment du fait du report de l’âge sans décote à 67 ans. Or la part des femmes parmi les nouveaux retraités concernés par la décote est passée de 41 % en 2004 à 51 % en 2007.

En annonçant le maintien à 65 ans de l’âge sans décote pour les mères d’au moins 3 enfants nées au début des années 50 et s’étant au moins arrêtées au moins un an, le président de la République concède qu’il y a un problème, mais il passe à côté en excluant les femmes qui ont poursuivi leur carrière et les générations futures qui seront les plus pénalisées du fait de l’allongement de la durée de cotisation et de l’entrée plus tardive dans la vie professionnelle.

Les injustices faites aux femmes disqualifient l’ensemble de la réforme dont la FSU demande le retrait. Des aménagements à la marge du projet ne pourraient régler la question.