Le rapport Mathiot publié mercredi 24 janvier est supposé poser les bases d’un « nouveau baccalauréat pour construire le lycée des possibles « . En vérité, il donne à voir une imitation de l’enseignement supérieur déclinée pour le Second degré et conçue pour un lycéen qui n’existe pas, à savoir l’élève qui serait autonome avant d’apprendre à l’être, une sorte d' »auto-entrepreneur  » de sa vie… Dès 15 ans.

La commission Mathiot avait pour mission de proposer des pistes pour une réforme du baccalauréat jugé trop lourd, trop coûteux, peu lisible et d’envisager les incidences sur l’organisation du lycée. Au final, ce rapport propose une réforme en profondeur du lycée et de son organisation dans lequel il appartiendrait à l’élève de construire son propre parcours en vue de se préparer pour l’enseignement supérieur : la « réforme s’inscrit dans la continuité logique du Plan étudiant et de la transformation d’APB en Parcoursup ». Renforcement de l’autonomie des établissements, suppression des séries, organisation en semestre et réduction du nombre d’épreuves terminales sont au cœur de la réflexion.

Le lycée prôné par la commission s’articule autour de 3 « unités » organisées en 6 semestres :

 une unité générale, qui relève du tronc commun pour l’ensemble des élèves :
seconde semestre 1 : Français, Maths-Info, HistGéo, « Sciences » (PhysChim + SVT), Anglais, LV2, SES, EPS, « enjeux du monde contemporain » = 25h
seconde semestre 2 : Français, Maths-Info, HistGéo, Anglais, LV2, EPS, EMC = 19h
première : Maths, Français, HistGéo, Anglais, LV2, EPS = 15h
terminale : Culture et démarche scientifique, Philosophie, HistGéo, Anglais, LV2, EPS = 12h

 une unité d’approfondissement et de complément (majeures / mineures / mineures optionnelles)
seconde semestre 1 : un enseignement optionnel parmi LCA, LV3, Arts, EPS, section euro, création et culture du design, arts du cirque ; = 3h ou plus (type option lourde) (« dans des conditions comparables à la situation actuelle »)
seconde semestre 2 : deux majeures parmi SVT, PhysChim, SES, Littérature, Sciences de l’ingénieur et technologie et une mineure parmi les majeures non choisies, PFEG, sciences de labo, MPS, CIT, ISN, Arts appliqués (« selon l’offre locale » = 7h + la mineure optionnelle choisie au semestre 1
cycle terminal : une majeure parmi les 15 ou 17 couplages nationaux (Mahs/SES, SES/Histoire Géo, Lettres /Arts, Littérature étrangère /LVA-LV2, Lettres / LCA, Maths / informatique, Maths /Physique Chimie, Physique Chimie /SVT, Maths / Sciences de l’ingénieur + majeures « technologiques »…), deux mineures obligatoires et une mineure optionnelle qui devra avoir été suivie en première.

 Une unité d’accompagnement (orientation, projet, méthode) pour un volume de 2h en seconde et de 3h en cycle terminal.

C’est sur cette architecture que doit se comprendre la réforme du baccalauréat proposée par la commission Mathiot :

 Une épreuve anticipée de Français en classe de première comptant pour 10% de la note finale.

 Evaluation des majeures (deux disciplines) au retour des vacances de printemps en terminale comptant pour 25%

 Une épreuve terminale (juin) de Philosophie comptant pour 10%

 Un grand oral (juin) comptant pour 15%

Ces évaluations terminales comptent pour 60% de la note finale. Les 40% restant résultent de la prise en compte du travail réalisé au cours du cycle terminal. 3 scénarii sont proposés : le résultat d’épreuves ponctuelles en première et terminale, des épreuves ponctuelles additionnées pour une part marginale des moyennes de bulletin de première et terminale, la seule prise en compte des moyennes de bulletins de première et terminale.

Au-delà des aspects organisationnels rendus extrêmement compliqués (emplois du temps élèves et enseignants…) la réforme globale proposée par la commission Mathiot est porteuse de risques non négligeables qui la rendent inacceptable pour la FSU.

 La construction par l’élève de son propre parcours le rend de facto responsable de ses réussites comme de ses échecs. L’élève fera selon ses goûts et ses capacités… c’est là le retour de la théorie des dons chère au libéralisme

 Effectuer des choix dans un système aussi complexe en ayant en point de mire une orientation bien définie du post bac ne sera possible que pour les élèves (avec les parents) disposant des codes. Les élèves les plus fragiles risquent de voir s’accentuer leurs difficultés à naviguer dans le système. Le lycée modulaire est un lycée inégalitaire.

 La diversité de l’offre ne sera pas possible dans l’ensemble des lycées sur l’ensemble des territoires. On va donc assister à un renforcement des inégalités territoriales, à une mise en concurrence entre les établissements.

 La semestrialisation des enseignements est la porte d’entrée à une annualisation des services et à une révision des ORS des enseignants. Le rapport le pointe : « Dans un scénario où l’on envisagerait que les élèves puissent pleinement choisir leurs majeure et mineure (…) il faudrait envisager que la variation possible des heures de service entre deux semestres soit permise par le cadre réglementaire. (…) [Il faudrait que] la variation possible des heures de services soit encadrée et modérée (exemples : de 16 à 20 heures pour un certifié, de 13 à 17 heures pour un agrégé) »

 Une autonomie renforcée : « Nous ne croyons pas que le nouveau lycée puisse être construit à partir d’un cadre national détaillé duquel il serait difficile de s’échapper.(…) Le lycée (…) peut devenir encore plus autonome, notamment dans l’utilisation de la dotation horaire globale. (…) Le Conseil pédagogique veillera à accompagner (…) l’organisation des épreuves ponctuelles. (…) Il pourrait aussi être force de proposition s’agissant de l’organisation des Unités 2 et 3. (…) Ces principes (…) étant posés, il ne nous semble ni légitime ni approprié de faire des propositions précises s’agissant aussi bien des volumes horaires discipline par discipline, semestre après semestre, que de l’organisation des semestres ou des choix précis en matière d’offre de formation »

 Les hiérarchies disciplinaires sont maintenues voire renforcées par le jeu des majeures et la proposition d’une liste nationale de doublettes, concurrence entre disciplines (horaires, effectifs).

 Les évaluations en cours de cycle dans les établissements menacent le caractère national du diplôme et font courir le risque de diplôme maison

 Poids accru du conseil pédagogique (avec volonté d’y faire entrer parents et élèves)

 A l’aune de cette réforme, les programmes seront révisés mais comment ? dans quel sens ? pour quels objectifs ? Quels repères (semestriels ?) ?

 Très grand flou sur les horaires disciplinaires et « silence assourdissant » sur les Heures à effectif réduit

La FSU et ses syndicats revendiquent un tout autre lycée et une toute autre réforme du Bac. Elle a des propositions et des revendications qu’elle portera tout au long des discussions. C’est pourquoi nous appelons à la réussite de la journée d’action du 6 février.