Le gouvernement vient d’annoncer un retrait provisoire de l’âge pivot. Il s’agit d’une annonce en trompe l’oeil. Non seulement les conditions avancées limitent fortement les marges de manoeuvres dans la négociation, mais surtout l’âge pivot rebaptisé âge d’équilibre reste un des éléments du futur régime de retraite par points. La publication de deux projets de loi la semaine passée a donc confirmé les pires inquiétudes. La réforme du gouvernement prévoit de mettre en place dès 2022 un système dans lequel les pensions s’ajustent à la baisse, n’offrant de garantie ni sur l’âge, ni sur le niveau des pensions.
1. Une “règle d’or” pour faire des pensions la variable d’ajustement
L’article 1er du projet de loi organique introduit une “règle d’or” qui interdit tout déficit sur une période glissante de 5 ans. Dans le système actuel, la loi garantit le calcul et le niveau des pensions. Au contraire, avec cette règle d’or, la seule chose garantie est l’équilibre financier, alors que les droits peuvent être revus à la baisse en permanence. Combinée à l’opposition répétée du gouvernement à toute hausse de cotisations sociales ou de contribution de la part de l’Etat, cette règle d’or est le verrou qui conduit à une diminution mécanique des pensions dès 2022. Une telle règle conduirait enfin immédiatement à répercuter toute mauvaise conjoncture, telle que celle que nous avons connue à partir de 2008, sur les pensions liquidées et sur les départs en retraite.
2. Pour les personnes nées avant 1975, une réforme paramétrique aux contours flous
Le gouvernement instrumentalise un déficit qu’il a lui même creusé en diminuant les recettes du système de retraite. Il affiche une ligne imposant de combler un déficit de 12 milliards d’euros à l’horizon 2027, en écartant toute hausse des cotisations ou baisse des pensions. Pourtant cette baisse résultera automatiquement des mesures d’économies exigées pour 2027, dont des mesures d’âges qui auraient pour effet d’augmenter la décote et de diminuer la surcote de plus des deux tiers des retraité·e·s, y compris des carrières longues. Le Premier ministre a rappelé ce dimanche son inclinaison pour l’âge pivot, mais s’est dit prêt à discuter de mesures d’économies alternatives dont, en dépit de l’affichage, l’effet sur les pensions serait sensiblement le même.
Seule évolution récente : ces mesures d’économies, initialement incluses dans le projet de loi, seront finalement prises par le gouvernement par ordonnance, après le vote de la réforme et sans délibération du Parlement.
3. Pour les personnes nées après 1975, un système à points assorti d’un âge d’équilibre qui augmente pour chaque génération
Le coeur du projet, un système à points sans garantie du niveau des pensions, n’a pas évolué depuis le rapport Delevoye. Il contient toujours un âge d’équilibre, qui devrait être fixé à 65 ans en 2037 et évoluer automatiquement selon l’espérance de vie par la suite (environ un mois par an). Dans ce système, les périodes de chômage ainsi que les périodes de temps partiel – qui concernent particulièrement les femmes – seraient particulièrement pénalisées.
Enfin, compte tenu des projections, ce système organise et grave dans le marbre un fort décrochage du niveau des pensions par rapport au salaire, faisant de la pension un revenu
insuffisant pour maintenir son niveau de vie à la retraite. C’est un espace substantiel laissé au développement des retraites par capitalisation, prévu par le projet de loi, et assorti de dispositifs fiscaux coûteux pour la collectivité.
Au total, ce projet est donc quasi strictement le même que celui présenté dans le rapport Delevoye, et est identique à celui que les citoyen·ne·s rejettent depuis des mois. La mise en scène d’une dissociation entre les économies de court terme (décidées par ordonnance) et le projet de loi en lui-même ne change rien, ni au fond, ni au calendrier de la réforme. Aucun débat public ne pourra avoir lieu sereinement sans le retrait de ce projet.
Le réseau retraites
Paris, le 14 janvier 2020