Monsieur le Ministre,
Votre propos liminaire manifeste que vous avez fait le choix de maintenir un projet de réforme des lycées qui suscite des critiques de plus en plus vives en ignorant ces critiques ; je tiens au nom de la FSU à renouveler fermement notre exigence que, pour permettre une réforme aboutissant à un lycée plus juste et plus efficace, vous renonciez à tout passage en force.
Nous avons besoin d’une réforme qui assure plus d’efficacité et de justice et qui permette une relance de la démocratisation aboutissant à une poursuite d’études positive et une réussite de tous les jeunes, qu’ils soient dans les lycées généraux, technologiques ou professionnels. Nous avons besoin non pas d’égalité des chances mais d’une véritable égalité d’accès à un droit à éducation de qualité et à la réussite. Le projet que vous nous présentez aujourd’hui en est bien loin. Au contraire ces dispositions sont à notre avis dangereuses pour l’avenir des jeunes et du système éducatif. Laissez moi vous exposez brièvement les raison de cette appréciation.
Les dispositions que vous proposez accentuent l’autonomie des établissements (collèges et lycées) et risquent ainsi de creuser encore les inégalités entre établissements et leur mise en concurrence, déjà à l’oeuvre avec la libéralisation de la carte scolaire. Elles renvoient à l’établissement la répartition suivant les disciplines des heures dévolues aux TP, TD et travaux en groupes avec un volume horaire ainsi géré localement qui représenterait près du tiers de l’horaire d’un élève de seconde.
Elles renforcent les prérogatives du chef d’établissement et son autorité sur les personnels, notamment au niveau pédagogique, et installent une hiérarchie intermédiaire désignée par le chef d’établissement : de la sorte vous remettez en cause de fait les conditions d’exercice et les garanties de ces personnels. Et cela non seulement dans les lycées généraux et technologiques mais dans tous les EPLE.
Elles diminuent une partie des horaires disciplinaires et dénaturent des disciplines, ignorant ainsi les besoins d’une véritable culture commune à la hauteur des enjeux de la formation des jeunes aujourd’hui.
Elles entretiennent l’illusion de lutter contre la difficulté en instaurant des stages de remise à niveau pendant les vacances et en oubliant de répondre à la demande prioritaire des personnels de l’amélioration de leurs conditions de travail dans la classe.
Elles organisent des glissements de missions des personnels, avec en premier lieu ce qui concerne l’orientation.
Alors que la formation et l’accompagnement des lycéens, essentiels entre autre pour l’accès et la réussite dans l’enseignement supérieur, nécessitent des équipes pluridisciplinaires complètes au sein des établissements et des effectifs par classe réduits, c’est le contraire qui se prépare.
Cette réforme s’inscrit dans la logique des choix qui ont présidé à la loi LRU dans l’enseignement supérieur et la réforme de la voie professionnelle du lycée que vous semblez considérer comme acquise et sans problème; elle prépare aussi de nombreuses suppressions de postes dans les lycées à la rentrée 2011.
Et l’on ne peut oublier qu’elle s’inscrit dans un contexte de coupes claires dans les moyens consacrés à la formation de jeunes et notamment de suppressions massives d’emploi qui mettent en péril l’avenir du système éducatif et l’empêchent à tous les niveaux, premier, seconde degré, supérieur, de faire face à ses missions et d’assurer la réussite de tous.
Elle s’inscrit également dans un contexte marqué par une réforme de la formation et du recrutement des enseignants qui sacrifie délibérément leur formation professionnelle en oubliant qu’enseigner est un métier qui s’apprend.
Elle s’inscrit enfin dans un contexte de dévalorisation des métiers de l’éducation et de dégradation des conditions de travail sur lesquelles je tiens à vous alerter fortement et qui nécessitent d’urgence des mesures et un plan d’une tout autre ambition que ce que vous avez jusqu’à présent proposé.
Pour ne pas rater l’occasion d’un vraie réforme dans l’intérêt des jeunes, je vous demande donc de renoncer à présenter cet ensemble de textes au CSE du 10 décembre et je vous appelle à reprendre les discussions sur d’autres bases, à la fois sur le lycée mais également sur la formation des enseignants et la revalorisation (salaires et conditions de travail) des métiers de l’éducation.