En premier lieu, la FSU regrette vivement que le gouvernement n’ait pas mené le dialogue social nécessaire sur un projet de loi aussi important pour l’avenir des territoires, l’organisation du service public et la mise en œuvre des politiques publiques, l’avenir des services et des agents.
En effet, celui-ci n’a pas fait l’objet d’une réelle concertation avec les organisations syndicales. Trop peu de réunions d’information et de réunions de travail sans document, trop de projets provisoires non officiels en circulation, sans que jamais ne soient communiqués les termes du débat favorisant bien ainsi davantage le travail de lobbying des uns et des autres que le débat démocratique….Tout au long de la préparation de cette loi, le gouvernement a donné la priorité au dialogue avec les associations d’élus. Tout ceci a forcément pollué un débat déjà difficile à faire vivre autour de la question d’un nouvel acte de décentralisation. Et, au final, le sentiment que l’avis des organisations syndicales comptait peu et en tout cas moins que celui d’autres partenaires. En témoigne le fait que certaines instances consultatives comme le CNESER ont même été boycotté par nombre d’organisations syndicales en raison de cela.
Les débats autour des projets actuels de la décentralisation et donc sur les évolutions du rôle de l’État, les modifications du paysage institutionnel sont donc restés cantonnés entre élus ou experts.
La FSU pensait qu’un tel sujet serait l’occasion de mener le nécessaire débat sur le rôle attendu de l’État et des services centraux, déconcentrés et décentralisés sur l’ensemble du territoire.
La FSU avait rappelé son exigence d’un véritable bilan avec les usagers, les organisations syndicales, des actes I et II de la décentralisation afin de mesurer les conséquences en terme d’égalité d’accès aux services et de qualité des services rendus aux usagers, d’impact sur le travail des agents. En terme aussi d’externalisation voire de privatisation de certains services faute de moyens des collectivités territoriales pour assumer les transferts des missions l’Etat…Nous pensions que le débat sur l’action publique et la décentralisation partirait d’une évaluation des besoins de la population, des territoires mais aussi des agents et serait l’occasion de prospective pour l’avenir. Or, force est de constater qu’il a plus été question de partage des compétences entre les collectivités, du renforcement d’abord du rôle des régions que de celui de l’État. Cette nouvelle loi ne traite que d’une nouvelle phase de décentralisation, qui plus est « à la carte ». Elle se prive de traiter en même temps des moyens de redonner à l’Etat ses capacités d’intervention à tous les niveaux en corrigeant les inégalités. Ainsi, aucune réponse en termes d’organisation de l’activité de service public de l’Etat, par exemple par la déconcentration de la mise en œuvre de certaines missions dans le cadre de politiques publiques nationales, n’a pu être débattue tout comme la RÉATE qui n’a fait l’objet d’aucune remise en cause.. De plus, le projet n’aborde pas la question des péréquations financières, ni l’exigence de justice fiscale (impôts locaux non progressifs). Il ne permettra donc pas de corriger les inégalités entre les territoires.
Malgré les difficultés évoquées, la FSU est intervenue autant que possible pour peser sur des questions en débat. Le projet de loi de décentralisation n’envisage plus, ni transfert des CIO, ni mise à disposition des personnels. La FSU avait milité en ce sens et c’est un premier pas dont elle se félicite. Elle restera vigilante sur la mise en œuvre de la convention, prévue à l’article 26, entre l’autorité académique et le président de Région. Pas question de réintroduire une régionalisation déguisée des CIO, par cette convention ou par le biais des expérimentations préconisées par le Ministère de l’Education nationale. Il ne serait pas plus admissible de modifier le lieu d’affectation des conseillers d’orientation-psychologues. De même, la FSU restera vigilante lors du débat parlementaire pour que la formation professionnelle initiale sous statut scolaire, le service public de l’emploi ou encore les Missions Locales restent bien de la responsabilité de l’État.
Par ailleurs, la FSU rappelle son opposition à la régionalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Et, la FSU est en désaccord avec l’article 28 de la loi sur le logement étudiant. Le transfert des locaux d’hébergement de CROUS sur simple demande des collectivités territoriales ouvrirait une voie de plus aux tentatives de démantèlement des missions qu’ils assurent aujourd’hui.
Quelques éléments du projet de loi qui nous interrogent plus particulièrement.
L’avant-projet de loi ne prévoit pas de transferts massifs d’agents de l’État vers les collectivités locales mais laisse de grandes zones d’ombre. En aucun cas ces transferts ne doivent se traduire par une dégradation des conditions de travail et de rémunération des agents concernés. Ils ne doivent pas non plus servir de prétexte à des affaiblissements de missions de service public qui leur sont confiées. Il doit être reconnu aux agents un droit de retour dans les administrations ou collectivités d’origine.
Ce projet de loi aura pour conséquence le transfert de mission du ministère de l’agriculture vers les conseils régionaux. Les fonds européens FDER et FEADER (fonds européens pour l’agriculture et le développement des espaces ruraux) ainsi que des missions essentielles pour les populations ne seront plus gérées par l’État. Ce projet comporte donc un double risque pour les personnels concernés (DRAF et DDT) et pour les politiques publiques en matière d’agriculture, d’environnement et d’aménagement du territoire.
Concernant la clause générale de compétences, la FSU conteste le développement de l’activité des CT en dehors de leurs compétences qui doivent être définies par la loi. Si l’administration de la République est constitutionnellement décentralisée, un acte III ne doit pas conduire à l’édification de « fiefs » locaux ni à la balkanisation du territoire.
Un nouvel acte de décentralisation doit se préoccuper davantage de la démocratie à chaque niveau territorial. Quelle concertation ? Quelle place des usagers ? Quelle place et quelles instances de concertation et dialogue social pour les personnels ? Beaucoup de ces questions restent aujourd’hui sans réponse.
Le projet de loi sur la décentralisation prévoit la création de métropoles et de communautés métropolitaines, aux côtés des intercommunalités existantes appelées à se développer. En l’état actuel, ces métropoles peuvent accentuer la complexité du millefeuille des CT. En effet, la définition « à la carte » d’une partie de leurs compétences ne peut qu’accentuer la complexité de l’organisation des collectivités territoriales entre elles et rendre incertaine la cohérence institutionnelle. Cela peut aussi accentuer les inégalités territoriales. Le transfert de compétences vers ces nouvelles collectivités, en plus de renforcer ces inégalités, risque d’imposer des transferts de personnels (avec tous les enjeux sur leurs métiers, leurs missions, leurs carrières) et peut menacer de nombreux services publics et emplois.
Enfin, des instances de concertation sont prévues dans le cadre de cette loi (Haut conseil des territoires, Conférences territoriales de l’action publique) notamment pour les élus. Il va de soi que les organisations syndicales doivent être consultées dans les processus de déclinaison nationale et territoriales de la loi aussi bien qu’en ce qui concerne les personnels (leurs missions et leur statut), qu’en ce qui concerne l’organisation de l’État (entre État et Collectivités territoriales et entre Collectivités territoriales). La consultation des CESER ne sera pas suffisante. La FSU demande que des dispositions soient prises afin que la concertation et le dialogue avec les organisations syndicales soient garantis à tous les niveaux.
Pour la FSU, l’État doit assumer ses responsabilités d’acteur économique, social, culturel et écologique. Par les péréquations, la régulation, le maintien de son rôle d’opérateur public et la mise en œuvre des services publics nationaux, il se doit d’assurer l’égalité sociale et territoriale. Les usagers comme les agents ont besoin d’une réforme qui donne plus de souffle à la démocratie territoriale et au développement des services publics pour garantir la cohésion sociale et l’égalité sur tout le territoire. En l’état actuel du projet, elle continue d’affirmer son opposition à ce nouvel acte de décentralisation.