A l’occasion du lancement du débat public et de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves, la FSU a fait une déclaration lors du Conseil Supérieur de l’Education du 8 octobre.
La FSU se félicite que le ministère ait décidé de faire de l’évaluation des élèves l’objet d’un débat public, dans le cadre de la refondation de l’école. L’évaluation est au cœur du métier enseignant, c’est un acte professionnel délicat, et c’est un de ceux parmi les plus visibles et les plus sensibles pour les élèves et leurs parents. Or, ces dernières années, dès l’école maternelle, les enseignants ont été désorientés par la mise en œuvre de dispositifs d’évaluation dont les objectifs étaient loin d’être explicites et l’intérêt loin d’être partagé. « La pression » sur les enseignants « s’est même accrue en terme de responsabilité ». Tout cela n’est pas sans conséquence sur les élèves. En témoignent les injonctions dès la maternelle ou pour atteindre des résultats chiffrés pour les évaluations CE1 et CM2, les pressions sur les taux de passage dans le second degré et sur les résultats du contrôle continu pour le brevet, la multiplication d’évaluations diagnostics dans le seul but de systématiser des remédiations dans une forme de médicalisation de l’apprentissage. L’expérience calamiteuse du LPC reste l’exemple de ce qu’il ne faut plus faire en la matière.
Il est donc temps de clarifier ce qu’est l’acte d’évaluer et quels en sont les différents usages et objectifs pour les professionnels de l’éducation, pour les élèves, les parents et l’institution. L’enjeu est important dans un système éducatif sélectif et marqué par les inégalités.
Pour cela, ce débat se doit de lever un certain nombre de malentendus. Il s’agit de distinguer clairement l’évaluation du système éducatif de l’évaluation des résultats individuels des élèves, l’évaluation formative, qui fait partie du processus d’enseignement et d’apprentissage, des évaluations sommative et certificative qui ponctuent la fin d’une séquence, d’un cycle ou d’un cursus.
L’évaluation du système a pour fonction d’orienter les politiques éducatives en renseignant objectivement sur les réussites et les difficultés de notre école. Ce travail peut être mené de manière rigoureuse et méthodologique à partir d’échantillon. Nul n’est besoin d’évaluer, pour cela, tous les élèves à tous les instants.
L’évaluation formative, dont les formes sont multiples, vise à renseigner tant l’enseignant que l’élève sur « ce qui a été appris » dans ce qui a été enseigné. Elle est donc un processus pédagogique et didactique en même temps que d’information, elle permet à l’enseignant de mesurer l’écart entre ce que l’élève produit et ce qui est attendu de lui, et ainsi piloter les apprentissages. En ce sens, elle doit évidemment soutenir les progrès de chaque élève, mettre en évidence et valoriser les réussites, mais aussi décrypter les erreurs, qui sont les étapes – utiles et incontournables – de tout processus d’apprentissage. Là, encore, nul n’est besoin de multiplier les protocoles chronophages. L’observation professionnelle à partir de critères pensés en amont est parfois suffisante.
L’évaluation sommative et certificative doit être pertinente dans sa forme et ses contenus, juste dans ses résultats et respectueuse de chaque élève. Mais elle doit simultanément rester exigeante et tendue vers le progrès et les apprentissages pour que l’acte d’enseignement garde sa valeur. Elle ne devrait pas servir à classer les élèves, ni les écoles et les établissements scolaires. Elle est une photographie des acquis des élèves – ses réussites et ses difficultés – à un instant T, en fin de séquence, de période ou de cycle par exemple, et doit permettre de rendre compte aux élèves comme aux parents. Son lien avec l’orientation scolaire doit être mieux explicité.
A côté de cela, l’évaluation certificative doit permettre l’obtention d’un diplôme de même valeur sur tout le territoire, c’est pourquoi la FSU dénonce la part grandissante du contrôle local au baccalauréat, qui en fait un diplôme maison, au risque de le dévaluer pour certains élèves.
La validation de certains diplômes, notamment ceux de la voie professionnelle, s’effectue par le biais d’évaluations par compétences dans presque toutes les disciplines. Dans ce cadre, les évaluations formatives peuvent être utilisées à des fins certificatives. Une telle dérive implique des incohérences pédagogiques, qui participent à une mauvaise compréhension des finalités de l’évaluation en général pour les élèves, et de la perte du sens de l’acte pédagogique pour les enseignant-es.
L’évaluation, lorsqu’elle certifie des connaissances et/ou des compétences dans le but de valider un diplôme, ne peut, ni ne doit être pensée comme un outil au seul service d’objectifs quantitatifs qui ne prendraient pas en compte les contenus, les programmes, les temps d’enseignement…
L’importance exacerbée de l’évaluation en général dans notre société, crée un contexte qui fait des différentes formes d’évaluations des actes pédagogiques très compliqués. Le débat « note ou pas note » est une entrée facile, mais qui ne résiste guère à la réflexion : la note, le smiley, le feu vert ou la case cochée sont de même ordre. Etre traité avec bienveillance par l’école est un droit constant pour tout élève. Ainsi l’évaluation doit viser l’encouragement et les réussites tout en ne se trompant pas et en étant exigeante et claire sur les éventuelles difficultés rencontrées afin d’aider l’élève sur le chemin à parcourir et les obstacles à surmonter.
Pour toutes ces raisons, la FSU considère que ce débat doit poser un cadre stable, clair et opérant sur les finalités de l’évaluation.
A partir de là, la question de la formation à l’évaluation est primordiale, car évaluer est une compétence professionnelle qui s’apprend, en particulier quand il s’agit d’évaluer chaque élève dans un collectif (classe, groupe) à l’effectif important, et de faire de l’évaluation un moment du processus d’apprentissage. On choisit mieux les formes et contenus de l’évaluation, on dépiste mieux les erreurs et on répond de façon plus pertinente aux problèmes qu’elles révèlent,… quand on a reçu une véritable formation didactique. L’évaluation scolaire n’est pas une action spontanée ; elle requiert formation initiale de haut niveau et formation continue régulièrement actualisée.
De plus, nous souhaitons un débat ambitieux et sérieux, à l’opposé des caricatures souvent véhiculées (y compris parfois, et nous le regrettons, sur le site du ministère). Il ne s’agit pas de mettre à l’index les enseignants. La très grande majorité de nos collègues sont conscients des enjeux d’une évaluation juste et respectueuse de chaque élève, et font le maximum pour cela, dans des conditions parfois très difficiles.
Il s’agit donc de créer les conditions favorables à une évaluation au service de la réussite des élèves. L’essentiel n’est pas une simple question de « bonne volonté » des personnels, mais bien, nous le réaffirmons, une question de rigueur dans la définition des finalités et des usages mais c’est aussi une question de conditions de travail (effectifs des classes), de formation.
La conférence sur l’évaluation est une opportunité pour le système éducatif. La FSU s’engagera dans les débats qu’elle espère débarrassés des instrumentalisations que nous voyons, malheureusement déjà poindre dans nombre de déclarations publiques.
Nous souhaitons que le débat qui s’ouvre permette d’y remédier.