La parole se libère enfin sur l’inceste et les violences sexuelles à l’encontre des enfants. Le sondage Face à l’inceste 2020, réalisé par IPSOS, révèle que 10% des Français, soit 6,7 millions de personnes, se déclarent victimes d’inceste en France. Le #MeTooInceste est édifiant : des milliers de victimes osent révéler les crimes dont elles sont et ont été victimes. En France, 3 élèves par classe de CM2 en moyenne ont subi des violences sexuelles.
Dans ce contexte, il y a urgence à donner les moyens pour détecter au plus tôt, protéger et accompagner les victimes et ne pas laisser les agresseurs dans l’impunité. Largement ignoré des politiques sociales, familiales et de santé, ce crime a pourtant des conséquences graves sur la santé, la construction psychologique, la construction des apprentissages et l’avenir des enfants qui l’ont subi ou en ont été témoins. Une agression sexuelle vécue dans l’enfance constitue un facteur de risque important dans la survenance de problèmes d’adaptation psychologique et sociale, ainsi que sur l’état de santé en général, qui peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte. Les victimes de violences sexuelles pendant l’enfance sont davantage exposées à des violences sexuelles à l’âge adulte.
Parce que l’École est un des principaux lieux de vie des enfants et des jeunes, elle doit avoir les moyens de prendre toute sa place dans la prévention et le repérage de ces violences ainsi que dans la protection et l’accompagnement des victimes. Un protocole clair et rigoureux doit être largement diffusé à tous les personnels pour clarifier les démarches et des moyens ambitieux dédiés pour que les services sociaux, de police et de justice traitent rapidement les alertes.
L’annonce du renforcement du dépistage de l’inceste par le biais des visites médicales et de dépistage obligatoires risque de ne pas être opérante. En effet, les mécanismes connus de l’inceste, le tabou qui en résulte et les symptômes variés que présentent les victimes d’inceste ne permettent pas d’envisager un dépistage « réel et efficace » lors de consultations sur convocations. Les victimes doivent pouvoir avoir accès à des professionnel.le formé.es et soumis.es au secret pour recueillir leur parole, être entendues et orientées à bon escient. C’est pourquoi nous appelons également au renforcement de la consultation infirmière libre d’accès dans les établissements scolaires.
Pour que la parole se libère, les victimes doivent avant tout prendre conscience qu’elles sont des victimes. Il faut donc donner, dès maintenant, les moyens aux personnels de l’Education Nationale de mettre en œuvre les articles L542-3 du code de l’Education stipulant qu’ « au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée, notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, est inscrite dans l’emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées. » et d’inscrire cette information en lien avec l’article L312-15 « sur la connaissance et au respect des droits de l’enfant …et à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte » et l’article L 312-16 et suivant sur l’Education à la santé et à la sexualité et ce dès le plus jeune âge.
L’Éducation nationale doit assurer une formation initiale et continue en direction de tous les personnels pour qu’ils puissent accueillir la parole, mais aussi savoir repérer les comportements que développent les enfants victimes et rendre plus accessible les outils d’information mis à disposition sur les démarches à suivre en cas de suspicion de violences sexuelles sur enfant.
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D’autre part, accompagner les révélations et leurs conséquences nécessite une expertise professionnelle spécifique. C’est bien parce qu’il s’agit d’un sujet complexe et aux retentissements importants qu’il est indispensable pour la communauté éducative de pouvoir s’appuyer sur les assistant.e.s de service social, formé.e.s, capable d’évaluer et d’orienter par une connaissance fine du réseau partenarial et garant.e.s d’une prise en charge globale et sur l’expertise des conseiller.es techniques de service social dans la formation des personnels de l’Education Nationale. Cet indispensable appui ne peut exister qu’à travers la création d’un service social en faveur des élèves dans le 1er degré, avec les moyens afférents et d’un plan de recrutement massif d’assistant-es de service social permettant de garantir la présence dans chaque établissement du 2nd degré du service social en faveur des élèves.
Enfin, la sensibilisation de l’ensemble des personnels de l’Education nationale ne suffira pas sans moyens d’accompagnement renforcés pour l’ensemble des services publics intervenant en protection de l’Enfance, soutien et soin à la réparation des victimes et pour éviter la récidive un accompagnement vers le soin des agresseurs.