En 2017, lors de la dernière élection présidentielle, moins de 5% des enseignant·es et des personnels de l’éducation ont voté pour Marine Le Pen. Le monde de l’éducation a jusqu’alors résisté à la percée de l’extrême-droite de ces dernières décennies. Depuis 2017, les médias montent en épingle des enseignant·es engagé·es auprès de Marine Le Pen ou aujourd’hui d’Éric Zemmour. Or on constate qu’il s’agit, et heureusement, d’un phénomène très marginal.
Comment l’expliquer ? En tant que syndicalistes nous avons une connaissance privilégiée de l’institution et de ses personnels. Nous sommes convaincu·es que cette résistance aux idées d’extrême-droite est bel et bien indissociable des aspirations qui président aux métiers de l’éducation.
Et pour cause : être un·e professionnel·le de l’éducation, c’est faire sien l’héritage des Lumières, de la Révolution française, des conquêtes républicaines, contre l’obscurantisme et la pensée rétrograde. C’est porter l’histoire de la construction d’une école émancipatrice, des grandes batailles pour la laïcité et contre la mainmise des églises sur l’enseignement, pour l’extension et la défense du service public.
Être un·e professionnel·le de l’éducation, c’est avoir la conviction que chaque élève a sa place dans notre société. C’est donc œuvrer au quotidien pour la tolérance et, à l’échelle de sa classe, de son établissement, pour que les préjugés antisémites, racistes, LGBTIphobes et sexistes ainsi que toutes les formes de discriminations reculent. C’est d’ailleurs ce qu’exigent de nous les programmes scolaires !
Enfin, être un·e professionnel·le de l’éducation, c’est assumer la ferme conviction que notre objectif est bien de former des citoyen·nes éclairé·es, et que la pédagogie, la bienveillance, la construction de la confiance avec les élèves et les familles, l’innovation ne sont pas des gros mots mais bien les leviers d’une école qui permette à toutes et tous de réussir.
Or, l’extrême droite représente l’inverse de tout cela. Elle incarne le courant politique issu en droite ligne de l’opposition à la République et à ses valeurs, depuis la Révolution jusqu’à la guerre d’Algérie, en passant par le régime de Vichy. Les récentes interventions de certain·es de ses représentant·es les plus médiatiques le confirment, même si plusieurs années de tentative de “dédiabolisation” ont pu le faire oublier. Elle représente le courant le plus hostile au syndicalisme, à la démocratie sociale, aux acquis du mouvement ouvrier.
Elle est hostile à l’immigration, au féminisme, aux droits des personnes LGBTQIA+ : dans le champ de l’éducation, elle s’est illustrée ces dernières années par son opposition à toutes les politiques visant à promouvoir l’égalité. Plus généralement, on ne compte plus le nombre de personnalités d’extrême-droite condamnées par la justice pour provocation à la haine raciale.
Enfin, elle est vent debout contre ce qu’elle appelle le “pédagogisme”, revendique un retour à l’école de l’estrade et des punitions, porte dans la société une vision décliniste et rétrograde de l’école, dans laquelle les enseignant·es seraient au fond les idiot·es utiles d’une menace sourde sur le destin de la France. Elle porte la lourde responsabilité de la désignation des enseignant·es comme bouc-émissaire des colères identitaires.
L’extrême-droite ne condamne jamais l’insuffisance des moyens attribués à l’éducation. Jamais l’extrême-droite ne parle des vraies difficultés des personnels qui ont vu leurs conditions de travail se dégrader. Jamais l’extrême droite ne porte un regard critique sur les inégalités scolaires et sociales des élèves qui n’ont cessé de se renforcer.
Au contraire elle instrumentalise les craintes pour dénigrer l’école et ses personnels ou pour imposer des mesures de préférence nationale au sein du service d’éducation. Elle fait de l’école un prétexte pour imposer sa vision xénophobe et sécuritaire de la société.
Il n’est pas difficile d’imaginer ce que deviendrait l’école si l’extrême droite prenait les rênes du pouvoir. Nous en avons déjà une illustration dans les municipalités tenues par l’extrême droite avec des mesures anti-sociales telle que la fin de la gratuité de la cantine ou des transports pour les enfants des familles démunies, ou encore des entraves dans l’accès aux activités périscolaires.
Pour nous, responsables syndicaux·ales de plusieurs organisations de l’Éducation nationale, les personnels ont un rôle à jouer, particulièrement en cette période de campagne pré-électorale. Nous appelons donc solennellement les personnels de l’Éducation nationale à faire front contre la montée de l’extrême droite et ses idées, sur nos lieux de travail comme dans le débat public.
Frédéric Marchand Secrétaire général de l’UNSA Education |
Benoît Teste Secrétaire général de la FSU |
Maud Valegeas Co-secrétaire fédérale de Sud Education |
Isabelle Vuillet Co-secrétaire générale de la CGT Educ’action |