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Lettre ouverte au gouvernement français et aux négociateurs lors de la COP 30 de Belém
Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
Le moment est venu de concrétiser une Transition Juste répondant aux besoins des population
Le 12 novembre 2025
à
Mme. Monique BARBUT, Ministre de la Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche
Benoît FARACO, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique
Il y a dix ans, le texte de l’Accord de Paris portait une promesse en intégrant la « transition juste » en complément du principe de « responsabilité commune et différenciée »: l’action climatique protégerait les droits et les moyens de subsistance des populations – en faisant reposer l’effort de transition sur ceux qui en sont historiquement responsables. La « responsabilité commune et différenciée » impliquait donc une mise à contribution réelle des pays et des personnes les plus riches, ainsi que des entreprises multinationales. L’engagement à mettre en œuvre une Transition Juste impliquait par ailleurs de placer au centre de la transition les travailleurs et travailleuses, avec leur syndicat, et plus généralement la société civile et les Peuples Autochtones. Ce sont là des conditions essentielles pour construire un futur ancré dans les droits, l’équité, la justice et la solidarité. C’était aussi un appel à une coopération internationale sans précédent, afin que chaque pays puisse trouver de nouvelles voies vers la justice sociale et environnementale tenant compte des limites planétaires.
Dix ans plus tard, cette promesse reste inachevée.
Au lieu de cela, nous assistons à une action climatique au point mort, à des inégalités croissantes et à une intensification de la précarité et de la pauvreté, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest. Pire, les émissions de gaz à effet de serre et les diverses pollutions d’origine humaine continuent d’augmenter à un rythme effréné.
Nous continuons de soutenir le principe des COP comme espaces essentiels où les États du monde entier peuvent renforcer leurs engagements climatiques.
À la COP27 en 2022, la création du Programme de travail sur la Transition Juste (JTWP) a constitué une première démarche importante pour placer la justice au cœur de l’action climatique. Mais les mots qui ne sont pas suivis d’action sont des mots creux. À la COP30 à Belém, les gouvernements ont la chance de transformer une politique trop longtemps reportée en réalité.
Nos organisations – représentant des travailleurs et travailleuses, des collectifs féministes, de jeunesse, des mouvements écologistes et sociaux, de défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et les communautés en première ligne – appellent tous les pays négociateurs à prendre une décision à Belém qui améliorera tangiblement la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes, en fixant une nouvelle orientation pour la coopération climatique : une orientation qui place les personnes et leurs droits au centre.
Nous appelons à l’adoption d’un ensemble décisif pour une Transition Juste à la COP30 :
Le Mécanisme d’Action de Belém (BAM) pour la Transition Juste
Un nouveau mécanisme multilatéral pour orienter l’ensemble du système international et les Etats vers des transitions centrées sur l’humain aux niveaux local et national, qui permettent aux travailleurs et aux communautés de contrôler les décisions qui affectent leur vie et leurs moyens de subsistance. Le BAM doit rendre le financement et le soutien technique accessibles ; coordonner les efforts de transition juste au sein et en dehors de la COP ; s’attaquer aux règles mondiales, notamment commerciales, qui font obstacle à une Transition Juste ; construire un réseau mondial de coopération et d’apprentissage ; et garantir une représentation formelle des organisations de la société civile, notamment des groupes les plus exposés au changement climatique, ainsi que des syndicats et représentant.es des travailleur.ses. En France cela signifie le respect et l’approfondissement radical d’une démocratie sociale au service de la transition environnementale. Les syndicats et la société civile sont au cœur des enjeux climatiques, leurs voix ne peuvent rester dénigrées plus longtemps.
Des normes contraignantes pour la Transition Juste dans le processus de la COP
Un cadre commun ancré dans les droits, la participation et l’égalité dans tous les secteurs – incluant les droits humains et du travail, le Consentement Libre, Informé et Préalable, une négociation collective et un dialogue social réels avec les travailleurs. Ces normes doivent garantir que les transitions créent un travail décent, s’attaquent aux inégalités, promeuvent le travail du soin (care), sont soutenues par la coopération internationale et disposent des moyens nécessaires à leur mise en œuvre. Les Parties doivent également éviter de s’engager vers des solutions sans fondement scientifique et empirique solide, qui sont des échappatoires à un virage politique conséquent dans la lutte contre le changement climatique.
Financer la Transition Juste
La COP30 doit reconnaître que la conception et la mise en œuvre de politiques de transition juste nécessitent des ressources dédiées. Le financement doit être nouveau, additionnel, sous forme de dons, public, adéquat, prévisible et ne pas générer de dette – conformément à l’équité et aux obligations légales des pays. Cela implique que la France respecte ses engagements financiers vis-à-vis des pays en développement, qui en 2021 promettait d’atteindre les 0,7% du PIB. C’est l’inverse de ce qu’on observe dans le projet de budget actuel où l’aide publique au développement est programmée en baisse de 19%.
Intégration des Plans de Transition Juste dans les Contributions Nationalement Déterminées, les Plans Nationaux d’Adaptation et les Stratégies Nationales Bas Carbone
Les pays doivent intégrer des actions de transition juste dans leurs documents officiels de planification climatique, en alignant les objectifs de développement et climatiques à long terme sur la justice sociale et l’équité.
Institutions Nationales pour la Participation des Travailleurs et des Peuples
Les gouvernements doivent mettre en place des institutions et des processus de consultation et de participation robustes et inclusifs dans les processus de planification et de prise de décision aux niveaux national, régional et local. D’une part, grâce à un dialogue social tripartite impliquant le gouvernement, les employeurs et les travailleurs pour façonner les politiques du travail, et d’autre part, grâce à l’engagement des détenteurs de droits et des parties prenantes concernées sur tous les autres aspects de la Transition Juste.
L’action climatique doit fonctionner pour les peuples, et non contre eux.
Bien menée, une Transition Juste mène à des emplois décents, des moyens de subsistance sécurisés, la souveraineté alimentaire et énergétique, des communautés plus sûres et un avenir vivable pour tous et toutes. Ignorée, elle devient la prochaine excuse pour le retard, l’exclusion et la capture de l’intérêt public.
Nous sommes unis – syndicats, leaders autochtones, féministes, jeunes, environnementalistes, association de défense des droits de l’homme et mouvements populaires – dans une demande commune de justice et de transformation, pour une action à la hauteur de l’ampleur de la crise et de la dignité de ceux et celles qui la vivent.
Que l’on se souvienne de la COP30 à Belém comme du moment où le monde a choisi l’équité plutôt que l’échec – quand les gouvernements ont prouvé que le multilatéralisme peut encore être au service des peuples et de la planète.
Cordialement,
Premiers signataires :
Confédération Générale du Travail (CGT)
Confédération Française Démocratique du Travail
Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Réseau Action Climat (RAC)
Union Nationale des Syndicats Autonome (UNSA)
Union syndicale Solidaires (USS)
