Simplifier n’est pas, en soi, un mauvais projet. Le respect de la norme doit être contrôlé tout comme le respect des procédés administratifs reste la meilleure garantie des libertés publiques. Mais rien n’empêche, cependant, de réfléchir aux moyens de faciliter l’accès des citoyens aux services publics. A ce titre le projet de loi « simplification de la vie économique » présenté ce jour à l’assemblée n’est pas nocif, a priori, pour les droits des travailleurs.

Si seulement…

Si seulement des personnes toujours prêtes à plaire aux partisans de la dérégulation, n’avaient pas saisi l’opportunité de promouvoir de mauvaises idées. Ces mêmes personnes, influencées par des discours qui détruisent le lien social, ont choisi de proposer des solutions destructrices au lieu de simplifier les choses.

Ainsi un amendement propose de supprimer le Conseil Economique Social et Environnemental Régional (CESER). La mission du CESER est de faire dialoguer dans une même enceinte les différents acteurs économiques et sociaux à la maille de la région. C’est un organe consultatif qui permet aussi d’assurer une meilleure transparence sur les projets de développements et les choix politiques de la région.

Pourquoi supprimer le CESER ? Parce que c’est un lieu de débat ! Et c’est impardonnable. En ce lieu, la société civile est représentée, les corps intermédiaires ont la parole. Ils en usent en défendant les analyses et propositions de ceux qu’ils représentent et subissent l’impact des politiques publiques. La diversité des points de vue participe à l’intelligence collective du territoire, et c’est insupportable.

Ici, on propose de supprimer l’Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES), un des rares lieux où l’on réfléchit encore aux impacts croisés entre les réformes économiques et sociales. Là (amendement 362), on demande à supprimer l’Agence de Transition Ecologique (ADEME), comme si l’urgence était bien de casser le thermomètre.

D’autres enfin, proposent que les seuils de représentation dans les entreprises soient relevés, comme si les ordonnances Macron (en 2017) n’avaient pas fait assez de mal au corps social.

La protection sociale n’est pas épargnée, puisque des amendements proposent la suppression du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, ainsi que du Haut Conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge (HCFEA) ainsi que le Haut Conseil Pour le Financement de la sécurité sociale (HCFIPS)

Ces instances de dialogue de la société civile organisée ont vocation, par leurs rapports et leurs études, à éclairer la puissance publique tant au niveau national que territorial.

Au moment où la France a besoin de renforcer les mécanismes de cohésion, de discussion, de partage et de consensus, vouloir supprimer ces espaces d’échanges et de concertation constitue une erreur manifeste.

Pour réduire les droits sociaux de représentation dans l’entreprise, on simplifie le code du travail. Pour rendre illisible le degré de contribution et le niveau de solidarité des travailleurs à la solidité du modèle social, on simplifie la fiche de paye. Pour aller toujours plus loin dans la captation de la valeur créée collectivement au profit d’une minorité et au détriment du pouvoir d’achat, on « simplifie la vie économique ».

Plutôt que d’ouvrir la porte aux simplificateurs de la dernière heure, aux opportunistes populistes, le gouvernement ferait mieux de s’intéresser au sort du million de mal logés et aux six millions de sansemplois pour qui le simple fait de vivre est déjà très compliqué.

Les historiens qui écriront la triste chronique de notre époque pourront valoriser comme il se doit ces initiatives déterminantes. Une politique dite « de l’offre », consistant à déverser sans discernement ni conditions 200 milliards d’argent public chaque année aux entreprises a vidé les caisses sans résultat probant.  Une fois de plus les corps intermédiaires sont méprisés, voire supprimés.  Le citoyen est désabusé et partout le doute s’installe sur la capacité de nos dirigeants politiques à se hisser à la hauteur des enjeux.

Les organisations syndicales appellent les parlementaires à repousser ces amendements dangereux. Alors que nous sommes confrontés à des bouleversements toujours plus rapides et violents, l’urgence est au renforcement de la démocratie sociale et des lieux où les acteurs sociaux et la société civile peuvent confronter leurs analyses, anticiper les enjeux et ouvrir des perspectives de progrès social et environnemental.

 

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