Monsieur Jean Michel Blanquer
Ministre de l’Éducation Nationale et de la Jeunesse
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07
Paris le, 27 avril 2020
Objet : Réseau Canopé
Monsieur le Ministre,
Le 18 décembre, lors du conseil d’administration de Réseau Canopé, les personnels ont appris que vous envisagiez une évolution des missions du réseau vers la formation continue des professeurs. Cette annonce faisait suite à celle de la suppression de 55 ETP pour l’année 2020, dont la conséquence sera le départ d’environ 150 personnes au 1er septembre 2020, soit environ 10 % des effectifs.
La FSU a alors obtenu, avec l’intersyndicale du Réseau, l’ouverture d’une concertation. Celle-ci est aujourd’hui suspendue en raison de la crise sanitaire, mais les premières séances avaient montré une forte méconnaissance de vos services des réelles activités de l’opérateur. L’intérêt de maintenir un réseau de proximité sur l’ensemble du territoire, en capacité de répondre aux besoins exprimés localement, est aussi largement sous estimé. Ces réunions ont aussi permis de montrer que la formation et l’accompagnement des enseignants ne peuvent être dissociés des productions pédagogiques et didactiques. Il a été également montré au ministère que les personnels de Réseau Canopé remplissent une mission de service public essentielle dans une relation de pair à pair qui permet le développement professionnel à partir des besoins des enseignants.
Pour la FSU, Réseau Canopé a toute sa place en tant qu’opérateur public produisant des ressources diversifiées au service des personnels de l’Éducation nationale, la formation continue pouvant être un des services rendus. S’il n’est pas question de refuser de voir les difficultés du réseau, il importe de les analyser et surtout de traiter leurs causes. L’insuffisance chronique des dotations de l’État a entraîné une recherche sans fin de ressources financières, obligeant à vendre toujours plus de produits, y compris aux établissements scolaires et aux personnels. Ces difficultés financières sont aggravées par les choix du ministère. Par exemple l’opération « 1 livre pour les vacances » représente une perte sèche de 800 000 € pour le réseau, non compensée par la tutelle pourtant commanditaire directe.
Dès le début du confinement, les professeurs ont eu recours aux ressources produites et mises à disposition par le réseau. Certaines, habituellement payantes, ont été mises en libre accès. Elles sont utilisées massivement. Nous en voyons la preuve de la qualité du service rendu, mais aussi que le modèle marchand ne convient pas : la logique de service public doit prédominer. Sur les 6 sources de ressources numériques mises en avant par le site Eduscol pour la continuité pédagogique, 4 sont produites et hébergées par Réseau Canopé, soit les 2/3 (Etincel, Eduthèque, Cano Tech, Les fondamentaux, Mathador). Réseau Canopé fournit par ailleurs de très nombreuses ressources audiovisuelles, dans le cadre de la Nation apprenante, pour les programmes Lumni et pour La Chaîne parlementaire.
L’expérience de ces dernières semaines renforce la FSU dans sa demande d’un changement radical de paradigme dans la politique du ministère vis à vis de Canopé et d’ abandon du projet en cours de réorganisation du réseau. Les usagers, en premier lieu les professeurs, doivent participer à l’orientation et aux choix stratégiques du réseau. Cela passe a minima , par la mise en place sans plus tarder du conseil d’experts et d’usagers prévu par le décret constituant et organisant l’établissement. Cela passe aussi par la sortie du modèle marchand et la gratuité des ressources mises à disposition du service public d’éducation. L’État doit financer ces ressources. Il faut enfin renoncer aux suppressions de postes prévues au budget 2020 et compenser rapidement les dépenses engagées par le réseau pour soutenir la continuité pédagogique. Dès lors, il sera possible de conforter la mission de service public de documentation et des ressources pédagogiques dont le système éducatif a besoin ainsi que l’opérateur qui en a la charge.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, en notre profond attachement au Service Public d’Éducation.
Benoît Teste
Secrétaire Général de la FSU