Mme et MM. les membres du CSE,
Monsieur le Ministre, la dernière réunion du CSE de l’année scolaire est souvent l’occasion de tirer le bilan de l’action menée par le ministère. Nous l’avons déjà dit, la politique, la méthode de gouvernance ainsi que les réformes menées par votre prédécesseur ont laissé de graves séquelles chez les personnels et ont dégradé fortement le service public d’éducation.
Parmi les reformes, celle de la formation des enseignant-es alimente la pénurie de professeur-es qui plonge l’Éducation Nationale dans de graves difficultés quant à la réussite de la rentrée scolaire 2022. Si vous n’êtes pas le responsable de cette situation, vous en êtes l’héritier et il vous appartient désormais de faire les bons choix afin d’améliorer le système éducatif dans la durée.
La FSU porte des propositions fortes, loin du bricolage hasardeux des opérations de job dating et de la mise en place de cellules de rentrée académiques qui ne sont pas de nature à améliorer la rentrée qui s’annonce très compliquée.
Monsieur le Ministre, dans votre interview au Parisien ce dimanche 26 juin, ainsi que dans le mail récemment envoyé aux enseignant-es, jugeant la situation actuelle inacceptable, vous dites vouloir faire de la lutte contre les inégalités scolaires l’un des grands axes de votre ministère. La FSU est entièrement d’accord avec vous, cette situation est inacceptable et c’est pour cela qu’il faut, comme nous vous l’avons déjà dit, rompre avec les politiques précédentes.
Si nous pensons que la concertation et le dialogue à l’échelle d’une école ou d’un établissement sont nécessaires pour faire évoluer positivement notre système éducatif, comme il peut l’être d’ailleurs à tout niveau, nous continuons à affirmer que la mise en concurrence des établissements et des personnels à travers le redoutable triptyque « autonomie-contractualisation-évaluation » est contre-productif pour lutter contre les inégalités scolaires.
Votre projet de concertation locale se place dans cette continuité problématique faisant miroiter aux enseignant-es des moyens supplémentaires subordonnés à « des projets pédagogiques si possible innovants » laissant croire qu’actuellement les personnels ne sont pas au quotidien investi-es dans une telle démarche avec le souci premier de la réussite de tou-tes leurs élèves. Pour lutter contre les inégalités, nous avons besoin d’un service public conforté et non miné par des dispositifs dérogatoires qui mettent à mal son cadre national et qui créent, de fait, des inégalités territoriales.
Le pilotage par les évaluations nationales en primaire, l’accent mis sur les « fondamentaux » et sur l’individualisation des parcours et des apprentissages, ont eu deux conséquences majeures, que vous ne pouvez ignorer. D’une part, les contenus d’enseignement ont été appauvris, ce qui a contribué à maintenir, voire accroître les inégalités entre les élèves. Pour preuve, sur 6 items sur 8 des évaluations de CE1 en français, les écarts de résultats entre élèves de REP+ et hors éducation prioritaire se sont aggravés depuis 2018.
D’autre part, le métier d’enseignant-e a été abîmé par des prescriptions et des injonctions dont nos collègues souffrent, alors que c’est un soutien à leur professionnalité et aux choix opérés tous les jours dans les classes, qui devrait être affirmé.
Nous refusons purement et simplement que le pilotage par les évaluations se poursuive et s’aggrave avec son extension à la classe de CM1, nous refusons aussi votre projet d’un « plan maternelle » qui nous inquiète au plus haut point. Une rupture doit absolument être opérée avec la politique éducative de ces dernières années, qui a tourné le dos à des pans entiers de la recherche permettant de comprendre les dynamiques de renforcements des inégalités scolaires.
Concernant le bien-être des élèves qui est aussi l’un des axes que vous priorisez, nous rappelons l’importance de donner enfin les moyens pour que l’école joue pleinement son rôle social. Les besoins sont immenses tant en termes pédagogiques que d’accompagnement et de suivi des élèves par des équipes pluriprofessionnelles complètes.
Le 28 juin, 10% des infirmières de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur se sont mobilisées pour exiger une refonte du Logiciel Infirmier de l’Éducation Nationale « LIEN », promu au pas de charge bien qu’inadapté et non abouti, et pour exiger le report d’un an de son déploiement car il dégrade les conditions d’accueil des élèves mais également leurs conditions de travail.
Les infirmières revendiquent un autre LIEN, avec les élèves mais aussi avec les services de l’Éducation nationale. Face aux besoins accrus des élèves en consultations infirmières et après 5 années ou les créations de postes ont été très insuffisantes voire inexistantes, sans reconnaissance salariale et sans respect de leur expertise, les infirmières de l’Éducation nationale attendent de vous des actions pour sécuriser la rentrée 2022 qui s’annonce difficile !
Les 31 mai et 1er juin, c’était au tour les salarié-es du travail social de se mobiliser avec notamment celles et ceux des services sociaux de l’Éducation Nationale. Ils et elles vous demandent d’entendre l’urgence de mettre des moyens en personnels et de mettre en pratique la reconnaissance salariale promise par Monsieur Castex.
L’augmentation des congés longue maladie et des départs des personnels au moment où ces métiers ne font déjà plus le plein dans les centres de formation, est aussi particulièrement inquiétant autant pour l’accompagnement des élèves et des étudiant-es que des personnels. Cela vous amène encore aujourd’hui à proposer des textes rectificatifs pour permettre de continuer à valider les Diplômes d’État faute de professionnel-les disponibles pour faire passer les épreuves.
Dans le second degré, la FSU vous demande de rétablir au plus vite des conditions d’exercice dignes. En 5 ans, la politique d’austérité budgétaire a abouti à la suppression de près de 7900 emplois alors même que les effectifs ont augmenté.
Il y a urgence à reconstruire le collège et les trois voies du lycée : réforme du lycée, du bac, transformation de la voie professionnelle, ParcourSup, il ne faut pas seulement des inflexions pour reprendre vos mots, mais une remise à plat totale, en rupture avec le précédent quinquennat, car, pouvez-vous accepter que le genre et l’origine sociale des élèves continuent de peser si fortement sur leurs parcours et leurs choix ?
Dans la lutte contre les inégalités, la voie professionnelle occupe une place incontournable et trop souvent sous-estimée, voire méprisée. Au regard des annonces faites tout au long de la campagne, les inquiétudes sont toujours très grandes.
La FSU vous demande une position et une expression claires et fermes sur le maintien des lycées professionnels dans le ministère plein et entier de l’éducation nationale. Elle rappelle son opposition aux projets du président de « révolutionner » ces derniers sur le modèle de l’apprentissage.
Pour la FSU, la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » et les divers plans de financement de la formation professionnelle supposés permettre une meilleure adéquation entre formation et emploi et répondre aux besoins de main d’œuvre se sont avérés inefficaces puisque la pénurie n’a jamais été aussi importante. Loin d’être la panacée pédagogique ou le modèle unique à développer, l’apprentissage, comme tout autre modèle de formation, a ses limites. Il doit être réinterrogé à l’aune des objectifs qu’on lui assigne et de son coût pour la société.
Pour la FSU, il ne peut en aucun cas se substituer aux lycées professionnels ou modeler le service public de l’Éducation nationale. Elle rappelle que celui-ci accueille tous les jeunes sans distinction, discrimination ou sélection, au contraire de l’apprentissage.
Alors que le Gouvernement, s’apprête de nouveau à prolonger pour 6 mois les aides exceptionnelles versées aux employeur-euses d’apprenti-es, la FSU demande l’arrêt immédiat de leur versement.
Elle demande au Gouvernement d’ouvrir rapidement des discussions, pour mettre en œuvre une réelle politique de qualification de toute la jeunesse par le renforcement du service public de l’Éducation et de la formation professionnelle. Dans ce cadre, elle demande que l’âge de la scolarité obligatoire soit porté à 18 ans afin de donner à la jeunesse de notre pays tout le bagage nécessaire pour affronter notre monde en mutation constante.
Monsieur le ministre, les urgences sont éducatives, sociales et environnementales. Concernant votre quatrième axe de travail, les questions écologiques, la FSU demande que soient rapidement identifiées des pistes et une méthode de travail concernant la transition écologique.
Vous l’aurez compris, la FSU attend de votre part des mesures fortes et de ruptures avec les politiques éducatives mises en œuvre ces dernières années.