Nous ne pouvons pas commencer ce CSA sans évoquer les évènements qui sont en train de se dérouler un peu partout en France depuis la mort tragique de Nahel tué par un policier lors d’un contrôle à Nanterre. Nos pensées vont à sa famille, ses proches, ses amis. La FSU exige que la vérité soit établie : tout doit être mis en œuvre pour que justice soit rendue et que, le cas échéant, l’auteur de cet acte soit condamné. Dans un pays toujours plus fracturé par les inégalités, par l’injustice sociale, par les discriminations et le racisme, c’est bien la voie de la justice qui permettra d’esquisser une porte de sortie de cette crise. Depuis quelques jours, ce sont des émeutes nocturnes qui secouent bon nombre de grandes villes : des bâtiments publics sont attaqués (crèches, écoles, collèges, bibliothèques, centres sociaux…), mais aussi des centres commerciaux et depuis hier des personnes, à l’image de l’agression contre le domicile du maire de l’Haÿ-les-Roses et sa famille. La FSU condamne les actes de violences contre les biens et les personnes. La violence n’est pas, et ne sera jamais, la solution.
Cette poussée de colère, y compris contre des services publics, fait beaucoup parler dans les débats médiatiques et politiques, souvent à grands renforts de clichés provocateurs. Comment ne pas voir que la jeunesse populaire est victime d’une forme de relégation sociale qui est le résultat des politiques menées depuis des années ? Comment croire à l’égalité quand des quartiers se retrouvent sans services publics ? Quand les quartiers restent enclavés faute de transports accessibles, sans médecins, sans hôpital de proximité ? Quand l’accès à l’emploi est plus difficile pour les jeunes de ces quartiers, comme l’ont démontré de multiples études ? Cette jeunesse se retrouve assignée à résidence sociale et géographique : c’est un renoncement pour la démocratie !
L’urgence n’est pas à commenter, à diviser, à fracturer le pays comme le font certains responsables politiques qui ne sont pas loin de souhaiter une guerre civile. L’urgence est à investir massivement pour l’avenir de la jeunesse, en particulier la jeunesse populaire. Notre démocratie ne peut s’accommoder d’une forme de ségrégation sociale, de l’existence de citoyenn·es de « seconde zone », et de discriminations.
Un investissement massif dans tous les services publics est impératif. Bien loin des objectifs budgétaires de stabilité du nombre d’emplois publics, il faut au contraire renforcer les services publics en recrutant. Il faut des personnels de tous métiers, qualifié·es et formé·es, des soignant·es, des éducateurs-trices, des enseignant·es, des bibliothécaires. Il faut des moyens massifs pour l’école, la culture, le sport et les vacances. Il faut des logements décents pour toutes et tous, du travail et des transports gratuits. Il faut donner les moyens aux associations de quartiers. C’est de tout cela dont nous avons besoin pour offrir à l’ensemble de la population de réelles perspectives d’avenir.
Tout, dans la politique suivie, concourt aujourd’hui à distendre toujours plus le lien entre la jeunesse, particulièrement celle des quartiers populaires, et la police. La FSU demande à ce que tout soit fait pour reconstruire une police républicaine respectueuse de la population. L’augmentation du nombre de tirs de policiers depuis la loi de 2017, dite de sécurité publique, est un fait établi qui devrait à lui seul convaincre de la nécessité d’une réorientation complète de la politique suivie en matière de sécurité, à commencer par le rétablissement d’une police de proximité.
Les discours de lutte contre les inégalités de tout ordre doivent se traduire dans les faits. On en est loin dans les faits ! Ainsi, les concours d’enseignant·es premier et second degré sont bien loin de faire le plein. Dans le premier degré ce sont 1584 postes perdus que même les concours exceptionnels ne comblent pas. Dans le second degré ce sont 20% des postes qui sont perdus pour la rentrée 2023. Il est encore temps d’ouvrir des listes complémentaires partout où c’est possible et sur tous les concours.
La FSU continue de porter la revendication du plus et du mieux d’école et ce ne sont ni la réforme du collège, ni celle du lycée professionnel, ni les annonces d’E. Macron à Marseille qui vont améliorer la situation. Les inégalités entre les élèves des milieux favorisés et ceux des milieux populaires vont se renforcer puisqu’à la rentrée ils bénéficieront de moins de professeur·es formé·es. Celle-ci sera aussi accentuée par les réformes du collège et du lycée pro à travers notamment la découverte des métiers en collège et la transformation des formations en lycée pro, qui les cantonneront sur leur bassin d’emploi d’origine, rendant quasi impossible une quelconque émancipation.
A chaque déplacement du président Macron à Marseille, nous avons droit à une série d’annonces et de déclarations sur l’école non concertées avec les organisations syndicales. Le dernier déplacement a remis sur le devant de la scène une rengaine bien connue sur les vacances et les rythmes scolaires. Nous pouvons partager le constat d’une jeunesse défavorisée qui ne part pas en vacances. Pourquoi plutôt que de rendre les enseignant·es responsables et de les faire passer pour des fainéant·es, encore une fois, ne pas favoriser le départ de tous ces enfants pour qu’ils puissent bénéficier de loisirs, d’activités culturelles, sportives, de découverte du patrimoine … autant d’activités qui permettent à l’enfant de progresser et de s’émanciper. Mais nul doute que ce n’est pas la préoccupation du Président de pouvoir régler cette injustice sinon, plutôt que d’injecter des milliards dans la mise en œuvre du SNU, il aurait versé plus de subventions aux associations d’éducation populaire pour faire partir en vacances les enfants qui en sont privés.
Sur la question des rythmes scolaires, le président serait plus inspiré de revenir dessus sur l’ensemble de l’année et de se détacher des lobbies touristiques qui imposent leurs rythmes à l’éducation nationale rendant incohérent l’équilibre sur l’année scolaire. Il ferait mieux de réfléchir à l’incohérence des réformes qu’il a mises en place avec l’aide de son ministre de l’Éducation nationale, notamment celle du lycée.
La question de la scolarisation des moins de 3 ans pourtant en vigueur depuis 2013 est une question essentielle pour lutter contre les inégalités scolaires mais celle-ci est en chute depuis de nombreuses années faute de politique publique volontaire et d’investissement massif dans l’Éducation nationale.
Quant aux 8 heures/18 heures, c’est encore un bel effet d’annonces, au même titre que le remplacement de courte durée. Mais quel est le projet du président ? Donner les moyens de faire réussir tous les élèves ou faire entrer au collège des associations comme l’institue le dispositif 2 heures de sport au collège alors même que les heures d’EPS ne sont pas couvertes ?
Au prétexte de lutter contre les inégalités, toutes les déréglementations, tous les débords du cadre national seront donc autorisés sur la base de projets prétendument « innovants », quitte à mettre les établissements en concurrence, quitte à retirer des moyens à l’Éducation prioritaire pour développer les contrats locaux d’accompagnement et autres cités éducatives, quitte à pressurer les personnels pour qu’ils en fassent encore plus en multipliant sans compter les projets éligibles au Pacte.
Ce pacte dont aujourd’hui nous voyons déjà les conséquences notamment celle d’explosion des collectifs pourtant tellement nécessaires et essentiels pour la réussite des élèves.
Ce pacte dont nous avons pu constater lors des dernières réunions qu’il évoluait sans concertation, dont les contours n’étaient pas clairement définis, dont certaines missions allaient bien au-delà des cadres réglementaires niant toute formation et/ou qualification.
Avec ce pacte imposé à marche forcée dans un calendrier contraint et contre l’avis des organisations syndicales, le Président et le Ministre font le choix d’une désorganisation des établissements à la rentrée scolaire au détriment des élèves. Le nombre de questions restées sans réponse lors de la concertation sur la note de service liée au pacte reflète le manque de connaissances du terrain et de fonctionnement d’un établissement scolaire.
Vous pensez par des concours dérogatoires ou exceptionnels pouvoir régler la question de l’attractivité du métier, et de certaines académies. Encore une fois vous vous trompez, enseigner, quel que soit le niveau, est un métier exigeant qui s’apprend. La formation ne doit pas continuer d’être bradée, tout cela dans un objectif de récupération de main d’œuvre. Pour avoir des volontaires encore faut-il réfléchir au financement des études, aux conditions de travail, à la formation continue et aux rémunérations. Ni les mesures socle, ni le dégel de 1,5% du point d’indice pour toutes et tous les agents·es publics·ques ne régleront la question de la paupérisation de nos métiers, tous pourtant nécessaires au bon fonctionnement du service public d’éducation.
Dans les différentes annonces du moment, figure celle du bien-être des élèves. Si le « bien-être » des élèves peut être un objectif partagé, l’Education nationale a pour priorité la réussite de TOUS·TES les élèves. C’est pourquoi l’Ecole de la République doit maintenir l’ambition de lutter en priorité contre les inégalités sociales et de santé qui entravent la réussite scolaire.
La politique éducative sociale et de santé en faveur de l’élève définie en 2015 a prévu les moyens d’y parvenir, encore faudrait-il qu’elle soit impulsée, appliquée et évaluée. Cette politique ne peut, comme on l’observe ces derniers mois, se voir occultée ou remplacée par le dispositif d’Ecole promotrice de santé.
Nous en appelons à poursuivre le changement de paradigme initié en 2014 par une gouvernance rénovée qui rencontre encore trop de freins par l’absence de formation des cadres de l’Ecole, pilotes de cette Politique Educative. Nul besoin d’une énième réforme mais d’équipes pluriprofessionnelles complètes dont chaque métier est reconnu. Formations de qualité, salaires attractifs, reconnaissance de chaque métier et créations d’emplois sont nécessaires pour y parvenir.
Tout aujourd’hui concorde pour que l’État investisse massivement dans le service public d’éducation afin de réduire fortement les inégalités, et de laisser entrevoir un avenir à toute la jeunesse il est grand temps pour le gouvernement d’arrêter l’hypocrisie ! La FSU réaffirme son opposition au pacte, exige son abandon et le versement des sommes consacrées dans la partie socle. Elle demande en urgence l’abandon du SNU, une remise à plat de l’ensemble des réformes des lycées, et une réforme de l’éducation prioritaire ambitieuse.
Vous faites le choix de soumettre pour information au CSA : l’arrêté sur le dispositif de recueil et de traitement des signalements des actes de violences, des discriminations de harcèlement et d’agissement sexiste. Malgré un dialogue social intéressant avec vos services, nous continuons de dénoncer ici l’obstination de notre ministère à refuser d’y intégrer les violences conjugales – alors même que ces dernières sont explicitement notifiées dans les plans d’actions et présentes dans des dispositifs d’autres ministères comme celui de la culture. Dernièrement une mission du sénat « plan santé des femmes » dénonçait elle aussi l’angle mort que constitue en France la prise en charge des violences conjugales par les employeurs privés et publics. Elle préconisait un renforcement de cette lutte car un nombre trop important d’entre elles se terminent par des féminicides – est-il nécessaire de rappeler que ces féminicides concernent aussi des collègues femmes de notre ministère ?
Enfin persiste un problème idéologique : pourquoi refusez-vous que les bilans de ce dispositif et les plans d’action égalité soient présentés à la FS où siègent les personnels VDHA ? S’agit-il de déposséder cette instance ? La plus à même pourtant de critiquer et d’améliorer le dispositif
Nous ne pouvons que constater que la mise en place précipitée de réformes met en tension tous les personnels et ce quel que soit leur niveau d’intervention. Il est temps que le dialogue social rénové permette une meilleure prise en compte de la parole des organisations syndicales qui font état des remontées de terrain. La FSU demande à ce que l’agenda social permette un réel bilan et des discussions constructives et prospectives.
Ainsi dans le cadre du dialogue social :
– Quelle est la date retenue pour le prochain groupe de travail ministériel concernant le cadre de gestion des personnels contractuel·les enseignant·es et hors enseignant·es ?
– Pour le GT consacré au bilan des LDG qui devait avoir lieu le 29 juin, la FSU demande à disposer des documents le jeudi 6 juillet.
– Nous vous avions alerté à plusieurs reprises sur la lourdeur de l’année de fonctionnaire stagiaire, et la nécessité de cadrer par une décharge de service les journées de formation pour les stagiaires à plein temps devant élèves. Aujourd’hui plusieurs académies font état de formation pendant les vacances pour les fonctionnaires stagiaires. Nous vous demandons d’intervenir pour que cette pratique cesse. Les discussions sur ce sujet ont été nombreuses et des engagements avaient été pris, si cela devenait pratique courante vous ne vous étonnerez pas des démissions !