Intervention Annick Coupé
Porte parole nationale de l’Union syndicale Solidaires
Meeting unitaire contre l’extrême droite / 29 janvier 2014-01-27
Le 5 juin dernier, des militants d’extrême-droite ont frappé à mort Clément Méric, syndicaliste étudiant et militant antifasciste. Cet acte, odieux en lui-même, dépasse le drame individuel.
Agressions homophobes, agressions contre les immigré-es et les personnes issu-es de l’immigration, contre les musulman-es, actes antisémites, violences envers des militant-es antifascistes et des organisations progressistes… tout cela se multiplie en France comme à travers toute l’Europe. Le mensonge, la haine, la violence, la mort, voilà ce que porte l’extrême-droite, de tout temps et en tous lieux.
L’exclusion, le rejet de l’autre, la fermeture des frontières, la désignation de boucs émissaires, la dénonciation de l’immigration comme responsable de tous les maux sont des attitudes qui, l’histoire en témoigne, conduisent au pire.
En Europe, les politiques d’austérité généralisées se poursuivent, en dépit de leur inefficacité économique et de leurs conséquences sur les populations. À l’image de la France, les alternances politiques ne changent quasiment rien sur les logiques de fond, les gouvernements successifs poursuivant trop souvent les mêmes choix économiques, à coup de déréglementation, de réduction à marche forcée des déficits publics, d’absence de volonté réelle d’engager la nécessaire transition écologique ou une véritable réforme d’ampleur pour plus de justice fiscale. Et lorsqu’un candidat à l’élection présidentielle fait campagne sur le changement et la nécessité d’affronter la finance, et que son action depuis son arrivée au pouvoir tourne le dos à ces engagements, cela ne peut nourrir qu’une certaine méfiance vis-à-vis du « politique ».
Les inégalités et les précarités gagnent du terrain. Les zones de relégation sociale se multiplient, que ce soit dans les quartiers populaires aux portes des grandes villes ou dans des zones rurales ou semi rurales : les citoyen-nes s’y sentent abandonnés
Tous ces éléments nourrissent une crise démocratique forte : la classe politique est discréditée, elle n’est plus représentative de la population, et semble vivre dans un autre monde. Les institutions républicaines deviennent des lieux vides de sens et de tout débat politique digne de ce nom, à quelques exceptions prés.
Le Président de la République renonce à affronter réellement les pouvoirs de la finance et préfère répondre aux exigences du patronat plutôt qu’aux revendications du monde du travail, comme avec cette nouvelle annonce d’un « pacte de responsabilité » qui ne peut réjouir que Pierre Gattaz, le dirigeant du Medef. Les choix ainsi faits ne vont pas permettre une sortie de crise par le haut et risquent bien, au contraire, d’aggraver le chômage, les précarités et les inégalités, de nourrir un peu plus la peur de l’avenir ressentie par beaucoup de salarié-es.
Le FN aujourd’hui tente de manipuler cette désespérance sociale et le fort sentiment d’exaspération qui existe dans la population.
Marine Le Pen veut récupérer cette colère à son profit. Elle a un objectif : la conquête du pouvoir. Pour cela, elle a adopté une tactique de soit-disant « dédiabolisation » du FN pour, à la fois, élargir son électorat en visant les classes populaires et pouvoir récupérer une partie des voix de la droite. Elle n’hésite pas, pour cela, à tenir un discours « attrape-tout », surfant sur toutes les colères de la période et laissant coexister au sein de son parti des tenants de la vieille garde réactionnaire, antisémite (incarnée par son père, Jean Marie Le Pen) et des tenants d’un discours qui se veut plus « moderne », plus « social » mais dont le fil rouge est celui du racisme anti-immigré, anti-rom, anti-noir et anti-musulman…
Pour Solidaires, le Front national n’est pas un parti comme un autre. Il reste un parti d’extrême droite, raciste et nationaliste. La base de sa politique reste la préférence nationale et la division entre les salarié-es.
Marine Le Pen se présente comme la « candidate anti-système », en défense du peuple, des « laissés-pour-compte » de la crise, mais le projet politique qu’elle incarne est avant tout celui d’un nationalisme exarcerbé qui ne remet en cause ni le capitalisme, ni le libéralisme, ni la course au profit, ni la concentration des richesses dans les mains d’une minorité.
La mesure économique phare du FN est la sortie de l’euro pour protéger les entreprises françaises ! Cette mesure est illusoire : elle conduirait inévitablement à une aggravation de la crise économique et à une concurrence encore plus forte entre pays. Elle ne remet en cause ni les puissances des multinationales (dont certains grands groupes français) ni la logique des marchés financiers. Le FN fait lui aussi de la maitrise de la dette un impératif national : ce qui conduit à des politiques d’austérité comme actuellement !
Le FN n’hésite pas à récupérer et manipuler la question des droits des femmes !
Marine Le Pen a été obligée d’intégrer dans son discours le fait que les femmes ont obtenu certains acquis. Le FN se prétend même être le défenseur des femmes, en instrumentalisant la laïcité pour mieux agiter le fantasme du péril musulman ou celui de l’immigration.
Dans les rangs du FN, cohabitent aujourd’hui des « modernistes » avec les tenants d’une vision réactionnaire de la place des femmes, qui auraient avant tout vocation à être mères. On y retrouve les militant-es « pro-life » qui manifestent contre les centres IVG, les partisans du salaire maternel et ceux qui militent contre la déconstruction des stéréotypes à l’école. Si Marine Le Pen a évité d’afficher trop de proximité avec les anti mariages pour tous, bon nombre de ses adhérents-es et militants étaient présents dans les manifestations qui s’opposaient à l’égalité des droits entre hétérosexuel-les et homosexuel-les. La députée FN, Marion Maréchal Le Pen, milite pour le déremboursement de l’IVG afin dit-elle de « mieux responsabiliser les femmes » !
Ce qui fait le lien, au sein du FN, entre ces « modernes » et ces « anciens », c’est cette obsession identitaire et xénophobe : c’est avant tout la défense de la culture occidentale, blanche et judéo-chrétienne qui aurait soit-disant permis la laïcité et l’égalité entre les femmes et les hommes, oubliant que les acquis des femmes sont le fruit de luttes féministes que le FN a toujours combattues !
Face à la montée de l’extrême droite et de ses idées, le syndicalisme se doit d’être à l’offensive. Il doit démystifier les discours et projets de l’extrême droite et montrer en quoi c’est un poison mortel pour les travailleurs/travailleuses, pour les chômeurs et chômeuses, les retraité-es…
L’Union syndicale Solidaires réaffirme ici son engagement total de mener ce combat antifasciste, contre l’extrême droite et ses idées, avec toutes ses organisations professionnelles dans les entreprises, les services, les administrations, avec nos camarades de Solidaires Étudiant-es dans les universités, et avec ses structures départementales interprofessionnelles dans les territoires.
La journée d’aujourd’hui est une étape importante : elle montre notre détermination commune à mener cette bataille d’idées, à ne pas laisser récupérer et instrumentaliser la colère sociale qui existe dans notre pays.
La réussite de cette journée montre bien la nécessité de renforcer et d’élargir ce processus que nous avons lancé par notre appel commun du 2 décembre dernier, c’est une étape que nous allons poursuivre ensemble dans les entreprises, dans les services publics, dans les départements, dans les semaines te mois qui viennent.
Nous devons dire ensemble que les idées du FN, des réseaux d’extrême droite, de cette nébuleuse qui a en commun la haine de la démocratie et une vision raciste de la société… ces idées n’ont pas de place dans nos rangs tout comme les idées proférées par des individus comme Dieudonné qui entretient à dessein la confusion entre la légitime défense des droits des palestiniens et un antisémitisme intolérable et qui développe auprès des jeunes un discours anti-système alors même qu’il joue parfaitement de ce système pour ses intérêts financiers bien compris ! Sa grande proximité avec Jean Marie Le Pen, avec le fasciste Alain Soral, ou différents groupuscules d’extrême-droite le disqualifie vis-à-vis de tous ceux et celles qui luttent contre toutes les formes de racisme et notamment le racisme anti-musulman.
Nous devons ensemble mener le débat avec les salarié-es qui peuvent se laisser tenter par tous ces discours.
C’est en étant présents sur le terrain, en faisant vivre au quotidien la solidarité, en développant les actions collectives pour faire respecter les droits de toutes et tous, en imposant des droits nouveaux, en défendant le droit à l’emploi, en faisant reculer les discriminations sur les lieux de travail, en développant des services publics qui répondent aux besoins de toute la population, en imposant un autre partage des richesses, … c’est de cette façon que nous ferons reculer l’extrême-droite. C’est en ce sens que le syndicalisme a une responsabilité importante dans ce combat.
Face aux inégalités, aux injustices, à l’exploitation, aux discriminations, au désastre écologique,… nous devons construire des résistances et des rapports de forces dans les entreprises, les services publics comme au niveau interprofessionnel. Nous avons besoin de luttes sociales victorieuses comme de montrer que des alternatives sont possibles ! C’est ainsi que le syndicalisme redeviendra une force porteuse de transformation sociale et renverra l’extrême droite et ses idées nauséabondes dans les poubelles de l’histoire !