Messieurs les ministres, monsieur le président du CESE,
Mesdames et messieurs les représentant⋅es des organisations syndicales, chères et chers camarades,
Mesdames et messieurs les intervenant⋅es et les garant⋅es,
Les agents de la fonction publique que nous représentons ici, et dont nous défendons les missions de service public, qu’ils et elles soient fonctionnaires ou contractuels de l’État, sont une des clés de voûte de notre modèle social. Ce sont elles et eux qui mettent en œuvre les politiques publiques. Leur adhésion au pacte républicain et démocratique reste forte, bien que fragilisée par des années de manque de reconnaissance et de considération pour leur travail et son sens, par une situation chronique de sous-rémunération, par la facilité de leur dénigrement dans le débat public.
Le sort qui leur est réservé a une incidence immédiate sur les citoyen⋅nes au travers du service rendu, mais aussi de l’image et de la crédibilité de la puissance publique. Ce n’est pas la seule raison pour laquelle à la FSU nous pensons que les retraites sont un enjeu de société commun par excellence mais c’en est une : si dans la fonction publique ce n’est pas l’emploi des seniors qui est un problème, les fins de carrière le sont, et avec elles la qualité du service rendu, du fait de l’épuisement et de l’usure professionnelle. Comme leur salaires, qui déterminent l’attractivité des métiers qu’ils et elles exercent, les retraites des agent⋅es de la fonction publique sont bien l’affaire de toute la société.
C’est pourquoi nous avons salué la décision d’associer explicitement les organisations représentatives de la fonction publique, ainsi que leurs ministère et administration, et que nous redisons à quel point le choix de les écarter au printemps dernier avait été une faute politique, qui plus est dans un contexte d’affaiblissement du dialogue social dans la fonction publique, abîmé par la loi de « transformation de la fonction publique » de 2019.
Si la FSU défend le régime spécial que constitue le code des pensions civiles et militaires, ce n’est pas par on ne sait quel « corporatisme » ou autre caricature, c’est parce qu’il est une des conditions d’une fonction publique statutaire et de carrière fondée sur un équilibre entre droits et obligations, garantie démocratique fondamentale pour les citoyen⋅nes.
La société entière est concernée par les retraites des agent⋅es de la fonction publique, et les agent⋅es de la fonction publique sont concernés par toutes les décisions qui concernent les salarié⋅es du privé.
L’âge et la durée de cotisation bien sûr, mais aussi la nature du système. Pour la FSU l’objectif est toujours l’abrogation de la réforme de 2023, et le renforcement de notre système par répartition, notamment par l’augmentation des taux de cotisation, la fin des exonérations et l’élargissement des assiettes de cotisation. Nous n’envisageons ni système à la carte, ni capitalisation. La répartition, et la prestation définie, sont des piliers de la solidarité intergénérationnelle et du contrat social. Nous sommes sincèrement disponibles pour travailler à l’amélioration des retraites des agent⋅es de la fonction publique, et nous nous opposerons fermement aux mauvais coups qui pourraient leur être portés.
L’enjeu est bien le niveau de vie que nous voulons collectivement assurer aux travailleur⋅es à la retraite après une vie de travail.
C’est pourquoi nous devons intégrer à notre réflexion un constat dont nous devons tous nous réjouir : la démocratisation de l’accès aux études et l’élévation générale du niveau des qualifications, résultat des politiques volontaristes menées dans une forme de consensus depuis les années 1990, ont dessiné une société de travailleur⋅es plus qualifié⋅es, favorable au dynamisme économique, à la vie démocratique comme à l’épanouissement et à l’émancipation des personnes. Le corollaire en est l’entrée plus tardive dans la vie active, en emploi, et parfois de manière difficile après une période de stages plus ou moins longue et de recherche d’emploi. Et par conséquent l’impossibilité, pour un nombre de plus en plus grand de travailleur⋅es, d’atteindre le nombre d’annuités nécessaire pour une retraite à taux plein à un âge raisonnable. Documenter l’âge de validation du premier trimestre de cotisation serait un premier pas nécessaire. Pour la FSU, les années d’études, de recherche d’emploi, de stages, doivent être prises en compte dans le calcul des droits. Ces périodes doivent être réputées cotisées.
Notre société ne doit plus tolérer les inégalités entre les femmes et les hommes. On retrouve à l’âge de la retraite les inégalités qui sont celles de la vie active, et bien entendu, le premier levier à activer est l’égalité salariale, et la reconnaissance qu’un travail de valeur égale doit recevoir une rémunération égale, et que les métiers du soin et du lien, les plus féminisés, ne doivent plus être les plus mal payés et les plus précarisés, les plus souvent exercés à temps partiel. Cependant nous héritons d’une organisation sociale qui exige aujourd’hui que nous travaillions à des mesures correctives de ces inégalités, en même temps que nous combattons les causes de leur installation structurelles dans la société.
Nous alertons sur les effets redoutables d’une remise en cause de droits familiaux et conjugaux, et notamment à un moment où les effets de la réforme de 2003 concernant les femmes fonctionnaires commencent à se faire sentir.
Nous espérons que la mesure votée à l’Assemblée nationale trouvera sa traduction pour les agentes concernées. Cependant elle est loin de compenser les effets de cette réforme injuste, qui a supprimé à l’époque un dispositif qui compensait la prise de temps partiel fréquente à l’époque. Elle ne saurait être présentée comme le pendant de la mesure des femmes du privé, qui ont un peu de plus, quand celles du public ont juste un peu moins… de moins.
Réfléchir aux droits à la retraite nécessite de prendre en compte l’ensemble de la carrière pour les femmes comme pour les hommes. Du côté de la fonction publique, toutes les années à temps partiel, que ce soit en début de carrière pour les enfants, ou pour souffler un peu en fin de carrière sont pénalisantes dans le calcul des droits à pension.
En fin de carrière, il n’existe aucun dispositif garantissant la prise en compte intégrale du temps consacré à la transition entre l’activité et la retraite. La retraite progressive, calquée du privé à la fonction publique, ne répond pas aux besoins.
Je conclurai en citant la Cour des comptes : « Des règles différentes n’induisent pas obligatoirement des inégalités de retraite, de même au demeurant que des règles similaires appliquées à des populations différentes ne garantissent pas systématiquement l’équité. »
C’est ainsi que, dans un rapport sur les retraites de la fonction publique en 2016, la Cour des comptes nous invite à réfléchir l’égalité à la retraite entre tous et toutes les travailleur.es, qu’ils et elles soient du public ou du privé, en affrontant la complexité, loin des caricatures, au plus grand bénéfice de l’intérêt général.
