Une consultation large sur un enjeu de société aussi majeur que les retraites pourrait paraître une initiative intéressante. Celle lancée par le gouvernement n’a cependant que les apparences de la démocratie directe et semble bien davantage destinée à faire accepter la réforme par l’opinion publique.
Ouverte jusqu’au 25 octobre 2018, la plate forme internet contient un questionnaire organisé en 11 thématiques et la possibilité de publier des contributions qui donneront lieu à une synthèse en ligne. Pour chaque thème, 15 contributeurs qui se seront distingués par la qualité de leur contribution seront reçus par le Haut-Commissaire, en présence de son équipe, pour une réunion de travail. Enfin, 8 ateliers seront organisés en régions en septembre et octobre 2018, le site permet de demander à y participer. Ce dispositif imposant se double d’une attention constante à prétendre que « tout est ouvert », seuls les « grands principes » de la réforme seraient arrêtés.
C’est précisément là que se situe le cœur de l’entourloupe. Comment prétendre faire « débattre » véritablement quand, en réalité, le choix d’un système plus individualisé et sans augmentation de la part de PIB consacrée aux retraites est déjà fait ?
Dès lors, les questions sont très orientées. Par exemple, dans la première thématique qui porte sur la nécessité ou pas de passer à un régime universel, un argumentaire décrit d’abord les 42 régimes existants « générant de l’injustice, de l’inéquité ». Rien sur le fait que la complexité vient des réformes qui, à coup de décotes et multiples restrictions de droits, ont fait du système de retraites un véritable maquis, rien sur le rapprochement des régimes opéré depuis 15 ans, en général sur la base du moins disant, qui fait que les différences ne sont plus si importantes que cela, et surtout rien n’est expliqué des raisons qui fondent les spécificités.
Par ailleurs, la manière dont les questions sont formulées laisse à croire que la problématique est celle des bons tuyaux à brancher au bon endroit pour « optimiser » le système : vaut-il mieux cotiser tant à tel âge, mettre le financement de tel dispositif à la charge de telle catégorie de salariés ou de telle autre, etc. Il s’agit de répandre l’illusion que la question posée est celle de l’ingénierie du système et donc, in fine, qu’on peut très bien faire « mieux avec moins » de moyens, il suffit de trouver les bonnes astuces ! Il s’agit aussi de détourner l’attention, en posant de multiples questions du type « faut-il créer une démarche de liquidation de sa retraite 100% en ligne ? », important certes en pratique mais loin des enjeux lourds que pose cette réforme.
Un décryptage complet de la consultation est publié sur le site du SNES-FSU de Grenoble :
https://grenoble.snes.edu/projet-de-reforme-des-retraites-1.html