Le 19 mai 2022, sous le numéro 456425, le Conseil d’Etat a rendu sa décision à la suite du recours unitaire de la CGT, de la FSU et de Solidaires Fonction Publique, concernant le décret d’application relative à la négociation et aux accords collectifs dans la Fonction publique. Cette décision clôt favorablement ce combat judiciaire et syndical en confortant très largement notre analyse par une décision d’annulation partielle du décret. C’est sans conteste un revers pour l’administration qui s’arc-boutait sur des positions portant atteinte à la liberté syndicale et au droit de participation des travailleurs. Nous ne manquerons pas de nous servir de cette décision dans les négociations en cours et à venir pour rappeler à l’administration qu’elle ne doit pas excéder les limites clairement posées par le Conseil d’Etat.
Pour rappel, l’essentiel de nos critiques dénonce que ces textes qui réservent aux seules organisations syndicales représentatives et signataires d’un accord collectif l’initiative de leur dénonciation et de leur révision, et ce même après des nouvelles élections modifiant la représentativité. Comme il n’existe pas de dispositions permettant d’adhérer à un accord postérieurement à sa signature, une organisation syndicale non-signataire ne pourrait pas demander à modifier l’accord, quand bien même elle serait devenue représentative et majoritaire. Et une organisation syndicale signataire mais devenue minoritaire ne pourrait pas non plus ni dénoncer ni demander à modifier. Blocage qui signifierait que seuls les employeurs publics pourraient modifier un accord ou le dénoncer ! Scandaleux !
Un comité de suivi obligatoire ne doit pas s’apparenter à l’ouverture de nouvelles négociations
Même si le Conseil d’Etat considère que ce caractère obligatoire n’est pas illégal, il rappelle que le comité de suivi ne doit pas excéder ses prérogatives et doit se contenter de suivre la simple mise en œuvre de l’accord. Il ne doit pas s’apparenter à de nouvelles négociations. Ce garde-fou est fondamental afin de ne pas laisser l’administration outre-passer ses pouvoirs !
L’initiative de la révision d’un accord est possible pour une organisation syndicale représentative même non signataire
Sur ce point le revers de l’administration est évident. Dans le prolongement de notre QPC favorable, le Conseil d’Etat réaffirme clairement que réserver aux seules organisations syndicales représentatives signataires l’initiative de la révision porte atteinte aux principes du Préambule de la constitution de 1946 relatif à la liberté syndicale et au droit de participation des travailleurs. Ainsi en ajoutant une condition non prévue par la loi, l’administration a été prise la main dans le sac de vouloir restreindre le droit à la négociation collective des organisations syndicales.
En revanche sur la dénonciation d’un accord la décision est très critiquable, le combat doit continuer …
Tirant les conséquences de la précédente QPC jugeant conforme à la Constitution les dispositions réservant aux seules organisations syndicales représentatives signataires la possibilité de dénoncer un accord, le Conseil d’Etat se contente d’en prendre acte. Mais nous savons que lors de l’audience publique, le rapporteur public avait largement démontré l’incohérence et l’absurdité des dispositions contestées. En effet contrairement à ce que suggère l’Administration, une organisation syndicale devenue représentative n’ayant pas pu auparavant signer un accord (faute du caractère représentatif) ne pourra pas adhérer à un accord (faute de texte prévoyant ce processus d’adhésion) et ne pourra donc pas le dénoncer. Cela signifie donc que seuls les employeurs publics pourront dénoncer un accord si les signataires ont perdu leur représentativité ! En termes d’égalité des armes dans la négociation collective, c’est une aberration alors même que la dénonciation demeure un outil indispensable dans le rapport de force. Faire de la négociation dans la Fonction publique un levier de progrès social nécessite que les organisations syndicales représentatives soient à armes égales face à l’employeur public ! Nos organisations continueront de se battre sur tous les terrains pour que le gouvernement entende la légitime revendication des agent.es de la Fonction Publique !
Paris, le 20 mai 2022
20.05.2022 CP Unitaire - Services Publics