Résolution

Rio de Janeiro, Brésil, le 13 juin 2012

Réunis lors de la 2nde Assemblée Syndicale sur le Travail et l’Environnement, à Rio de Janeiro, Brésil, du 11 au 13 juin 2012, organisée par Sustainlabour, la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Confédération syndicale des travailleurs et des travailleuses des Amériques (CSA) et qui a rassemblé 396 délégués représentant 66 organisations de 56 pays,

En espérant que les gouvernements réunis à la Conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio + 20) prennent des mesures concrètes se traduisant en des accords contraignants et visant à l’éradication de la pauvreté, au respect des garanties sociales et syndicales et à la protection de l’environnement,

Convaincus que notre modèle actuel de production et de consommation, guidé par le profit, et identifié comme source d’inégalités sociales et de dégradation de l’environnement, doit être remplacé si nous voulons garantir un développement réellement durable,

Ayant pris conscience des impacts de la dégradation actuelle et future de l’environnement sur les travailleurs, en particulier les plus pauvres et les membres de leurs communautés, que ce soit en termes de santé, de revenus, d’emplois, de bien être, et sur notre capacité à atteindre la prospérité, l’équité et le travail décent pour les femmes et les hommes,

Extrêmement inquiets des impacts de la crise alimentaire et climatique, la pollution des mers et océans et de la terre, la perte accélérée de la biodiversité, et sommés par la nécessité de garantir le droit à tous les habitants de la planète aux ressources et services essentiels, tels que l’eau, l’énergie et la sécurité et souveraineté alimentaire et nutritionnelle tenant compte des limites des ressources de la planète.

Reconnaissant le risque et les impacts actuels que le changement climatique causé par l’homme représente pour la continuité de la vie dans la planète, l’urgent besoin d’agir en conséquence et prêts à demander des actions qui évitent une augmentation de la température moyenne de la planète de plus de 1,5°C, basés sur la recommandation du Cinquième Rapport du Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Changement Climatique (GIEC).

Gravement préoccupés par les chiffres qui démontrent que près de 60% des travailleurs et travailleuses du monde n’ont pas un contrat de travail sur, et 75% n’ont pas de protection sociale, ainsi que par les statistiques relatives à la santé et sécurité au travail, qui montrent que malgré le sous-registre, un travailleur meurt tous les 15 secondes à cause d’un accident ou une maladie générée par le travail, tous les 15 secondes 160 travailleurs ont un accident au travail, ceci aggravé par le modèle néolibéral qui a précarisé les relations de travail (avec davantage d’informalité, tertiarisation, sous-traitance, zones franches, entre autres).

Inquiets par le fait que vingt années après Rio ‘92, les crises environnementales et sociales se soient aggravées et que les négociations sur le développement durable n’aient pas avancé dans le sens d’une prolifération d’engagements qui amènent à un véritable changement des modèles de production et de consommation alors que les bases normatives sont jetées en matière de marchandisation et de financiarisation des biens communs, de la nature et de ses fonctions.

Conscients que le mouvement syndical fait face à des situations diverses dans le monde en rapport avec le respect des droits à l’association, l’organisation en syndicats, la négociation collective, le dialogue social et le travail décent, et que dans plusieurs pays le comportement irresponsable des entreprises nationales et multinationales et les politiques d’ajustement structurel engendrent la violation des droits du travail et syndicaux. De plus, les politiques d’austérité ont comme conséquence que ces droits sont en danger là où ils étaient garantis. Convaincus, en outre, que la lutte contre le dumping social est synonyme de protection de la planète.

Convaincus que le mouvement syndical joue un rôle décisif dans la lutte pour un modèle de développement alternatif pour nos sociétés, fondé sur les besoins des gens, la solidarité, la démocratie politique économique et une juste distribution de la richesse, un modèle qui garantit les droits des citoyens tout en assurant la sauvegarde de la planète pour les générations futures,

Tenant compte des progrès accomplis par les syndicats à tous les niveaux, particulièrement depuis la 1ère Assemblée Syndicale sur l’Environnement et le Travail en 2006 et la mise en place d’une liste des meilleures pratiques, et conscients du fait que l’engagement du mouvement syndical sur ces questions doit aller bien au-delà des niveaux actuels,

Ensemble, nous affirmons :

Qu’il existe un lien étroit entre progrès social, protection environnementale et travail décent, et que de ce fait aucune des trois dimensions ne peut être totalement accomplie sans avancée sur les deux autres.

Que la mission historique du mouvement syndical, qui est de garantir la dignité, la liberté et l’égalité sociale des travailleurs, suppose une prise en compte immédiate et à bras le corps de la transition socialement juste vers le développement durable.

Que les pouvoirs publics ont pour responsabilité la mise en œuvre des principes auxquels ils se sont engagés au niveau international, et la mise en marche d’une transition juste fondée sur les droits et qui assure l’équité entre et à l’intérieur des pays, entre les générations et les sexes.

Qu’il est nécessaire de garantir que les biens communs et les ressources naturelles et énergétiques soient et restent de propriété publique, assurant leur préservation et administration publique avec control social.

Que sans davantage de démocratie et sans une bonne gouvernance, assurant la transparence, la justice, la responsabilisation, le règlement des conflits et la lutte contre la corruption, et la participation des citoyens, et sans une forte régulation, les marchés continueront à se comporter de manière socialement et écologiquement irresponsable et ce, au service du modèle économique dominant.

Que la protection sociale est un droit humain et une partie essentielle de la justice sociale. Le droit à la sécurité sociale est un besoin économique et social pour le développement et le progrès.

Que la santé et la sécurité des travailleurs/euses, leurs familles et communautés et la protection de l’environnement sont deux faces d’une même pièce. Le mouvement syndical est convaincu que la santé au travail est une composante du droit à la sécurité sociale et une responsabilité de l’Etat. Les lieux de travail surs et sains sont le socle pour garantir le développement durable et avancer vers le travail décent avec justice et égalité,

Que pour que le mouvement syndical devienne un moteur de la transformation nécessaire à nos sociétés, il faut renforcer les syndicats à tous les niveaux et faire en sorte que les questions de durabilité soient largement intégrées dans les stratégies syndicales.

Nous demandons aux gouvernements de

Respecter et appliquer les engagements acquis dans le cadre des processus intergouvernementaux liés au développement durable et à l’environnement, comme la Déclaration de Rio, l’Agenda 21, le Plan d’Application de Johannesburg, les Conventions sur le changement climatique, la biodiversité et la désertification, ainsi que les instruments liés à la gestion des substances chimiques, tels que les Conventions de Rotterdam, Bâle et Stockholm.

Initier une transformation profonde de tous les secteurs de l’économie, pour ainsi garantir la soutenabilité de la planète, ses habitants et les prochaines générations. Ceci nécessite des investissements sur une matrice énergétique propre et renouvelable, le développement du transport public et la mobilité durable, la rénovation du parc immobilier pour le rendre plus efficace, la promotion d’une agriculture, pêche et sylviculture écologiques, la réduction, réutilisation et le recyclage des déchets et la promotion d’une approche de cycle de vie du produit.

Elaborer des stratégies de transition juste par le biais des politiques publiques qui soutiennent l’activité économique et le développement des nouvelles sources d’emploi vert et décent, cherchant à garantir l’égalité de chances aux femmes et aux jeunes.

Promouvoir l’investissement d’au moins 2% du PIB dans les secteurs qui réduisent l’impact environnemental de la production et les impacts des catastrophes naturelles et qui génèrent des emplois verts et décents et à Rio, adoptent une stratégie qui cherche à garantir un travail décent pour tous, avec des lignes spécifiques relatives à l’éradication du travail précaire, la réduction du chômage, la promotion de la part d’emplois verts et décents dans l’économie et l’égalité des sexes.

Reconnaitre le droit humain à la protection sociale, en accord avec la Convention 102 du BIT sur la Sécurité Sociale et la Recommandation 202 du BIT sur les socles nationaux de protection sociale, et donnent, facilitent et élargissent la couverture en protection sociale. Les bénéfices doivent être non-discriminatoires, adéquats et surs, et la soutenabilité financière des schémas de protection sociale doit être garantie. A Rio, les gouvernements doivent s’engager sur un objectif de Protection Sociale pour Tous, au moins au niveau des socles de protection sociale, d’ici 2030, et orienter des ressources pour l’établir dans les pays les moins développés.

Adopter une Taxe sur les Transactions Financières au niveau mondial et/ou régional, dont les bénéfices contribueraient en partie à la lutte contre le changement climatique et au développement et reréglementer le secteur financier.

Etablissent un accord ambitieux et légalement contraignant sur le changement climatique, sous la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique pour éviter des changements irréversibles dans le système climatique, s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre en cohérence avec cet objectif, sur la base du principe des responsabilités communes mais différenciées et à appliquer des politiques d’adaptation fondées sur les besoins des communautés, et garantissent des ressources suffisants, prévisibles et additionnelles pour l’adaptation, l’atténuation et la création des capacités, gérés de façon démocratique par des organisations des Nations Unies.

Fassent un lien systématique entre les politiques publiques et les impacts du changement climatique, en garantissant la participation des syndicats et de la société dans la prise des décisions.

Donnent mandat à l’OIT pour qu’elle promeuve le débat sur la transition juste et le travail décent et lui accordent l’espace nécessaire pour orienter le développement durable.

Garantissent au minimum la ratification et/ou l’application de toutes les conventions fondamentales du BIT, ainsi que les conventions 81, 102, 135, 140, 151, 155, 162, 167 et 199, les normes relatives à la protection sociale, la santé et sécurité au travail et la gestion des substances chimiques, ainsi que les recommandations pertinentes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et veillent à ce qu’elles soient appliquées par tous les employeurs nationaux et multinationaux.

Créent et renforcent la législation du travail et garantissent la création d’instruments de base de négociation collective partout dans le monde, ce qui requiert un accès aux lieux de travail, une inspection du travail de qualité et une participation démocratique.

Développent des politiques publiques qui garantissent la santé et la sécurité des travailleurs, son droit à l’information sur les propriétés et l’impact des substances chimiques. Aussi sur l’élimination, la substitution et le contrôle des substances nuisibles et dangereuses dans les différents secteurs productifs et des services. Nous appelons à l’interdiction de l’utilisation et de la commercialisation de l’amiante, de l’endosulfan, du paraguat, du benzene, du cadmium, du mercure et du plomb, entre autres.

Arrêtent la privatisation et la marchandisation des biens communs et les ressources naturelles et investissent dans la réforme agraire et dans des politiques publiques de soutien à la recherche, le développement des nouvelles technologies et infrastructures pour une production durable d’aliments. Les politiques publiques doivent préserver les biens communs et les ressources naturelles et doivent être administrés par des organismes publics avec contrôle social.

Freinent la livraison, la concession ou les partenariats avec le secteur privé dans des secteurs stratégiques, notamment l’énergie et le transport.

Développent des politiques et des programmes fiscaux réellement équitables, durables et redistributifs, notamment la suppression des paradis fiscaux et la lutte contre l’évasion et l’arbitrage fiscaux.

Garantissent l’accès à l’éducation continue publique de qualité et sa permanence, en tant que droit universel et stratégie pour le développement humain durable.

Modifient le modèle agraire afin de donner priorité au renforcement de l’agriculture familiale.

Financent avec des fonds publics une recherche scientifique qui contribue à l’objectif de soutenabilité à long terme, construite de façon démocratique et avec la participation de la société.

Adoptent un ensemble de politiques complémentaires sur des questions économiques, financières, commerciales, sociales et environnementales, ainsi que leurs instruments et institutions, afin de garantir une distribution équitable des résultats.

Nous nous engageons à

Proposer des modèles de développement économique alternatifs, qui incorporent le besoin d’atteindre le progrès social et l’égalité à l’intérieur des limites planétaires.

Soutenir une transition juste vers un modèle permettant de sortir de la dépendance des combustibles fossiles et proposer des agendas de Transition Juste internationaux, régionaaux, nationaux et locaux, qui incluent des programmes d’investissement durables, de formation et d’éducation, la protection sociale, des mécanismes de dialogue et des politiques de diversification économique, qui tiennent compte des tous les travailleurs, notamment les jeunes et les femmes.

Utiliser notre capacité organisationnelle et notre expérience dans les luttes du passé afin de former un mouvement fort et organisé à l’échelle mondiale, de sorte à veiller à ce que les gouvernements et les entreprises réticents à agir prennent les mesures appropriées pour faire face au changement climatique et le freiner.

Renforcer la formation et l’éducation syndicales pour mieux incorporer des thèmes comme l’environnement, depuis la perspective des travailleurs, et soutenir des initiatives qui renforcent les capacités des travailleurs/euses, en rapport aux liens avec les différentes problématiques environnementales, y compris le changement climatique, et le monde du travail, et les changements productifs que ces luttes demandent.

Promouvoir une fiscalité juste et environnementalement responsable, renforcer la coopération au développement et protéger et promouvoir l’action des institutions financières publiques et des services publiques dans la protection de l’environnement, et travailler avec les fonds de pension où nous avons des représentants dans les conseils d’administration pour qu’ils augmentent leurs investissements dans le développement durable à travers les réductions d’émissions, des projets visant à des investissements dans l’infrastructure et les services écologiques avec des gouvernements soutenant suffisamment les investissements. Les pensions des travailleurs/euses qui dépendent de ces fonds seront ainsi protégées dans le même temps.

Créer et renforcer des campagnes dans les lieux de travail liées à un usage plus efficace des ressources et l’incorporation de bonnes pratiques environnementales, et renforcer le débat et l’action syndicale sur l’agriculture écologique et les systèmes de génération d’énergie propres.

Rénover l’engagement avec l’amélioration de la santé et sécurité au travail partout dans le monde, aussi en ce qui concerne la réduction des niveaux d’expositions aux substances chimiques, les risques physico-psycho-sociaux et d’autres blessures et accidents, pour répondre aux nouveaux défis, comme les nanotechnologies, en appliquant le principe de précaution.

Négocier l’inclusion des clauses de santé au travail et environnement dans les accords et négociation collectives.

Constituer et/ou renforcer less syndicats et la solidarité entre travailleurs/euses pour assurer que les conventions collectives intègrent tous les travailleurs/euses (précaires, sous-traitants, informels) pour qu’elles deviennent des instruments d’inclusion sociale et de développement économique social et environnementalement durables.

Développer des campagnes de sensibilisation, de mobilisation et de lutte, tels que la Journée Internationale de Commémoration pour les travailleurs morts et blessés (28 Avril).

Notre engagement est de renforcer les alliances avec d’autres mouvements sociaux, environnementaux et populaires, les femmes, les peuples indigènes, les jeunes, et les chercheurs, en faveur d’un développement durable.