La limitation de l’enseignement à domicile, le renforcement de l’encadrement des établissements hors contrat, la suspension par les préfet-es des pratiques contraires aux principes de laïcité et d’égalité imposées par certain-es maires ne peuvent être des mesures acceptables qu’avec des garanties fortes qu’elles ne pourront pas être utilisées pour cibler une partie de la population.
Si l’instrumentalisation du fait religieux existe, les usages radicaux et politiques de la religion ne relèvent pas uniquement de l’islamisme. Les réseaux liés à l’intégrisme chrétien ou à des sectes au sein de nombreux secteurs sont passés sous silence, peut-être parce qu’ils sont parfois ancrés dans les sphères de décision.
L’ensemble du discours présidentiel s’inscrit en droite ligne de celui de son ministre de l’Intérieur pour préparer les futures élections présidentielles en instrumentalisant la laïcité.
Le président, partisan d’une restriction de l’ambition laïque, la définit comme “la liberté de croire ou de ne pas croire, la possibilité d’exercer son culte à partir du moment où l’ordre public est assuré”. Il exploite et alimente ainsi le sentiment d’insécurité et de défiance vis-à-vis des populations musulmanes ou perçues comme telles. Mais il fait aussi sciemment silence sur le projet laïque de rendre concret pour toutes et tous, partout, la liberté de conscience réelle nécessitant, entre autres, de donner à l’école publique les moyens d’exercer cette mission émancipatrice. Il n’est donc pas surprenant que la fin des financements publics de l’école privée sous contrat, sous toutes leurs formes, ne soit pas décidée. Il y avait pourtant là de quoi favoriser la mission émancipatrice de l’école publique et de lutter contre une autre forme de séparatisme.
Légiférer pour étendre le principe de neutralité aux salarié-es des entreprises délégataires de service public ne garantira pas le maintien de la cohésion sociale. Pour ce faire, il faut financer massivement les services publics, les développer pour la défense de l’intérêt général et l’accès à la culture, aux soins, aux transports, au logement.
Le président de la République a manqué son rendez-vous. Pas un mot n’a été prononcé par le Président sur la politique de la ville aujourd’hui exsangue financièrement ni sur la nécessaire action publique pour lutter contre les inégalités sociales.
La diversité culturelle n’est pas une menace. C’est quand la République se détourne des réalités sociales, qu’elle laisse perdurer ou s’amplifier les inégalités et les discriminations facteurs d’exclusion, que s’installe le terreau favorable à la remise en question de la laïcité et du vivre ensemble.
L’heure n’est pas à renvoyer la cause de nos difficultés vers la population musulmane ou perçue comme telle, ni vers les territoires délaissés par la République. L’heure est à la construction d’une société plus juste, plus solidaire, incarnant ses principes en se donnant les moyens de répondre à l’urgence sociale et écologique.
Les Lilas, le 05 octobre 2020