Tribune parue dans le Monde du 9 décembre 2025
Au moment où la pauvreté et le chômage sont en recrudescence, le projet de budget du gouvernement amputerait massivement les financements d’un secteur indispensable à la cohésion sociale du pays, alerte, dans une tribune au « Monde », un collectif d’associations, de l’intersyndicale et des principaux syndicats employeurs de l’économie sociale et solidaire réuni par Le Mouvement associatif.
Le monde associatif est en grave danger.
Les associations portent à elles seules 10% de l’emploi privé en France avec plus d’1,9 million de salariés. Sous l’effet cumulé des coupes budgétaires, de l’inflation et des atteintes aux libertés associatives, ce pilier essentiel de la démocratie est aujourd’hui gravement fragilisé.
Derrière les chiffres, ce sont des femmes et des hommes qui risquent de perdre leurs emplois et nos associations qui pourraient être contraintes de réduire leurs activités d’intérêt général.
Dans tous les secteurs, les baisses de financements se traduisent en effet par une chute massive du volume d’emplois. Selon l’enquête du Mouvement associatif, d’Hexopée et du Réseau au service de l’accompagnement de la vie associative locale RNMA de septembre, 90 000 d’entre eux dépendent aujourd’hui d’associations ayant moins d’un mois de trésorerie devant elles. Concrètement, cela signifie des personnes qui risquent de se retrouver au chômage du jour au lendemain, dans un contexte déjà tendu.
Baisse de 41 % entre 2005 et 2020
Pourtant, le projet de loi de finances 2026 ne tient pas compte de cette urgence. S’il est adopté sans rectification, c’est plus d’un milliard d’euros qui disparaitrait du budget associatif. En trois ans, l’État aura alors coupé près de 40 % de ses subventions aux associations.
Mais le problème ne s’arrête pas là. Les collectivités locales et territoriales, financeurs essentiels du monde associatif, se voient elles aussi affaiblies par les coupes budgétaires successives, grevant leur capacité à financer les services publics et les associations.
Entre 2015 et 2020, la part des subventions dans le budget associatif avait baissé de 41%.
Aujourd’hui, un tiers d’entre elles déclare avoir réduit leurs activités pour survivre, quand d’autres disparaissent.
Alors que le taux de pauvreté a atteint 15,4% [selon l’INSEE], soit un record sur les trente dernières années, que le chômage repart à la hausse, que les annonces de délocalisations d’emplois se multiplient, se priver de l’apport économique, social et humain des associations n’est pas une concession acceptable tant cela constitue une menace directe pour celles et ceux qui y travaillent et pour les millions de personnes qui comptent sur elles.
68 millions de bénéficiaires
Avec elles, ce n’est pas seulement un nombre d’emploi qui s’effondre : c’est tout un pan de la cohésion sociale, de l’accès aux droits fondamentaux, du lien entre les individus, de l’engagement des citoyennes et des citoyens, et in fine, une partie de notre vie collective et de notre espace démocratique qui disparaissent sous nos yeux.
C’est pourquoi nous unissons nos voix, organisations syndicales et d’employeurs, et fédérations associatives, pour appeler les parlementaires et le gouvernement à revoir profondément ce projet de budget, gravement préjudiciable pour les associations, les millions de salariés, les 20 millions de bénévoles qui les font vivre et les 68 millions de bénéficiaires qui les côtoient.
Nous appelons enfin l’ensemble des citoyennes et citoyens, les élues et les élus locaux, à se mobiliser pour que le monde associatif ne soit plus considéré comme une variable silencieuse d’ajustement budgétaire, mais comme une véritable infrastructure démocratique indispensable à l’emploi et à l’économie, à la solidarité, à l’animation de la vie locale et de la cohésion sociale du pays.
Liste des signataires de la tribune :
• Claire Thoury, Présidente du Mouvement associatif Organisations syndicales de salarié.e.s :
• Marylise Léon, Secrétaire générale de la CFDT ;
• Sophie Binet, Secrétaire générale de la CGT
• Frédéric Souillot, Secrétaire général de la CGT-FO
• François Hommeril, Président de la CFE-CGC
• Cyril Chabanier, Président de la CFTC
• Laurent Escure, Secrétaire général de l’UNSA
• Julie Ferrua & Murielle Guilbert, Co-déléguées générales de l’Union syndicale Solidaires
• Caroline Chevé, Secrétaire générale de la FSU
Organisations patronales :
• David Cluzeau, Président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES)
• Patrick Malphettes, Président de l’Adedom (aide à domicile)
• Marie-Josée Daguin, Présidente de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR)
• Odile Bordiel, Présidente d’Elisfa (syndicat employeur de la branche professionnelle des Acteurs du lien social et familial)
• Alex Nicola, Président de la Fédération française des employeurs du tourisme et des vacances (FFTV)
• Nicolas Guillon, Président de la Fédération Nationale des Associations de l’Aide Familiale Populaire (FNAAFP/CSF)
• Alexandrine Bianco & Elsa Maupeu, Co-Présidentes de la Fédération des Structures Indépendantes de Création et de Production Artistiques (FSICPA)
• Didier Jacquemain, Président d’Hexopée (animation, du sport, du tourisme social et familial et des foyers et services pour jeunes travailleurs)
• Jean-Marc Ambroise, Président du Syndicat des employeurs des Régies de Quartier et de Territoire (SERQ)
• Sylvain Delfau, Président du Syndicat national des radios libres (SNRL)
• Eric Boyer, Président du Syndicat National des Employeurs Spécifiques d’Insertion (SyNESI)
• Philippe Genin & Muriel Pecassou, Co-Présidents du Syndicat national des organismes de formation (Synofdes)
• Marie-Reine Tillon, Présidente de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA)
