Bruno Cautrès est chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (CEVIPOF-CNRS). Il revient pour fsu.fr sur la montée du FN lors des élections régionales de décembre dernier.
Le vote Front national est-il toujours un simple vote protestataire ?
Si l’on déï€nit la composante protestataire du vote pour le Front national comme l’expression d’une insatisfaction radicale vis-à-vis du système politique et démocratique en place, cette dimension est toujours présente. Mais elle n’est pas exclusive d’une dimension d’adhésion de l’électorat frontiste à des thèmes portés par le FN sur l’immigration, le contrôle des frontières ou la « préférence nationale ». Davantage que par le passé, ceux qui votent pour le FN le font parce qu’ils considèrent que le FN a posé un diagnostic qui est vrai sur la France, même si ces mêmes électeurs continuent d’avoir des doutes sur le réalisme des solutions préconisées par le FN, comme par exemple la sortie de la zone euro.
Y a-t-il un ancrage sociologique du vote FN ?
Lors des élections régionales de 2015, les bases sociologiques du vote FN se sont à la fois élargies et consolidées. Des catégories comme les emplois les moins qualiï€és de la Fonction publique ont davantage voté FN qu’avant. Par ailleurs l’ancrage du FN dans les catégories populaires s’est consolidé : parmi les ouvriers, les employés mais aussi dans toutes les catégories des précaires, les chômeurs, les intérimaires, les jeunes en contrats aidés. Si le vote FN continue d’être important parmi les petits indépendants ou commerçants, sa composante populaire ne cesse de s’afï€rmer élection après élection.
Le tripartisme est-il en passe de s’installer durablement en France ?
Depuis les années 1990 on emploie plutôt l’expression de « tri-partition » afin de décrire que l’espace politique et idéologique français ne peut plus être réduit à la seule dimension gauche- droite. Le FN est à présent solidement installé comme le troisième bloc ou pilier de notre vie politique et le fameux « plafond de verre » a été repoussé assez loin lors des dernières élections régionales. Dans le cadre d’un système électoral majoritaire à deux tours, soit le FN devra trouver des alliances (droite souverainiste par exemple), soit il devra monter encore plus haut au premier tour. À terme, nos institutions ne pourront sans doute éluder encore longtemps la question de la réforme électorale et de la dose de proportionnelle à introduire.