En quoi la proposition d’impôt minimum est une réforme utile ? Qu’est-ce qu’elle change?
Depuis 30 ans, les États se livrent à une véritable compétition fiscale internationale pour tenter d’attirer des investissements avec un taux d’impôt sur les bénéfices passant de plus de 40 % à 25 %. C’est notamment la faute des
paradis fiscaux, les premiers maillons de la chaîne de l’évasion fiscale, qui permettent aux entreprises de délocaliser artificiellement leurs bénéfices chez eux, sans qu’il n’y ait aucune activité économique réelle pour éviter l’impôt. En réponse, on voit des pays comme la France, qui ne sont pas des paradis fiscaux, baisser leurs impôts pour rester soi-disant compétitifs, soit par la baisse du taux nominal, soit par la multiplication des niches fiscales. Les grandes entreprises en sont les premières bénéficiaires avec des taux effectifs dépassant à peine 15 %. L’ONG Eurodad a ainsi calculé que si nous continuons au même rythme de baisse, l’impôt sur les sociétés devrait atteindre 0 % d’ici 2052. La réforme fiscale actuellement discutée par plus de 130 pays au sein du Cadre inclusif de l’OCDE pourrait mettre un terme à cette concurrence fiscale déloyale et baser la compétition sur les compétences des travailleurs ou la qualité des infrastructures d’un pays.
Est-ce qu’il y a des résistances ?
Il y a encore des résistances mais le ralliement des États-Unis à la mesure devrait faciliter son adoption. La question du taux plancher cristallise beaucoup les discussions : les États-Unis proposent désormais 21 %, quand la France propose 12,5 %* mais ne s’opposera pas à un taux plus fort. Les paradis fiscaux qui ont basé leur modèle économique sur la possibilité de faciliter l’évasion fiscale des multinationales essaient quant à eux d’affaiblir au maximum la mesure. Au-delà du taux, la réussite d’une telle mesure tiendra également de la solidité et de l’équité du dispositif. Beaucoup de pays, France en tête, veulent mettre en place des exceptions à ce taux plancher, ce qui risquerait d’affaiblir la mesure. Par ailleurs le dispositif actuel permettrait aux pays où les entreprises ont leur siège de mettre en place ce taux minimum, ce qui avantagerait largement les pays développés. Oxfam soutient la mise en place d’un taux plancher pour les multinationales à au moins 21 %, sans exception, en donnant plus de droits à taxer aux pays où l’activité économique réelle a lieu, an de favoriser les pays en développement.
* Proposition de la France pour s’aligner sur le taux le plus bas en Europe en 2018, avant le ralliement des États-Unis.
Interview issue de la revue POUR n°232, mai 2021; à lire ici!