
Dossier réalisé pour le numéro du Pour de novembre 2025 par : Sandrine Charrier, Matthieu Leiritz, Arnaud Malaisé, Hervé Moreau, Marie-Rose Rodrigues-Martins, Alain Senée, Valérie Soumaille
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Trop longtemps théorique, l’éducation à la sexualité se concrétise enfin avec le programme Évars. Sa mise en place pourrait permettre d’éduquer l’ensemble des élèves pour déconstruire durablement les normes de genre qui nourrissent le continuum des violences sexistes et sexuelles.
Les chiffres sont à la fois effarants et très encourageants. Si 160 000enfants subissent des violences sexuelles chaque année, 9 Français·es sur 10 soutiennent l’instauration de cours à l’éducation à la vie affective et sexuelle, une mesure par ailleurs perçue comme « la plus efficace » contre le sexisme par 7 Français·es sur 10. C’est dans ce cadre que le programme d’Éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (Évars), fruit de décennies de combats associatifs comme syndicaux et de réflexions pédagogiques, s’est concrétisé. Il devrait contribuer à bâtir une école qui refuse le silence et protège les élèves tout en les émancipant et en prévenant les violences sexistes et sexuelles. Vaste ambition pour une éducation à la sexualité restée trop longtemps théorique malgré la loi de 2001. L’Évars dépasse les seuls savoirs biologiques pour aborder les émotions, le consentement, les stéréotypes, les discriminations et les relations humaines dans toute leur diversité. Cette avancée s’est pourtant construite dans un climat de tensions et de résistances via des pressions réactionnaires et d’extrême droite dans la lignée de celles qu’avaient subies les « ABCD de l’égalité », dispositif destiné à lutter contre les stéréotypes de genre en primaire. Le ministère n’a pas cédé cette fois-ci mais a néanmoins fait quelques concessions symboliques sur les mots. Dans le premier degré, il a notamment retiré le terme « sexualité» de l’intitulé du programme, notion indispensable pourtant pour aborder par exemple les discriminations liées à la sexualité ou les différents modèles familiaux. Résister à ces pressions et à une campagne disparate mais persistante de désinformation et de dénigrement, voire de menaces et d’intimidation, nécessite de rassurer les familles et d’instaurer un dialogue entre elles et les équipes enseignantes pour déconstruire les croyances ainsi distillées et rebâtir des rapports de confiance. Cela nécessite bien évidemment également un soutien sans faille de l’institution scolaire pour à la fois mener une campagne d’information en direction des familles tout en engageant un véritable projet de formation ambitieux pour l’ensemble des personnels de l’éducation. L’école ne peut pas tout à elle toute seule, c’est un combat qui concerne l’ensemble de la société. Comme le développe la sociologue Elise Devieilhe, « les corps intermédiaires, dont les médias -y compris les réseaux sociaux- et la culture, ont aussi par exemple un rôle très important à jouer dans les représentations qui circulent sur les corps, les identités, les sexualités, le consentement… ».
