Le muséum d’histoire naturelle de Marseille, comme de nombreux musées de ce type en France, a accompli sa mue, exposant les grandes fonctions du vivant, biodiversité, Terre et écosystèmes, interactions entre les espèces. Et pose la question de l’anthropocène, l’époque que nous vivons, marquant l’incidence des activités humaines sur l’écosystème terrestre.
Anne Médard explique le processus.
En quoi consiste ce nouveau parcours?
Il a donné l’occasion de revoir l’intégralité du parcours permanent : une salle était consacrée à la diversité des vertébrés, une à la préhistoire en Provence, la troisième à l’évolution et à l’adaptation du vivant, préfigurant notre nouveau parcours. Aujourd’hui une seule exposition occupe les trois salles, c’est Terre d’évolution, consacrée à l’évolution et à l’adaptation du vivant. Elle revient sur les grandes fonctions du vivant, la biodiversité, les interactions avec les écosystèmes dans lesquels nous vivons.
Cette nouvelle organisation est-elle liée aux nouvelles perceptions environnementales des sociétés?
Toute l’exposition interroge. Sommes-nous dans l’anthropocène ? Nous sommes passés du XIXe avec la présentation systématique et organisée des collections à un remaniement national des muséums d’histoire naturelle qui,
à la fin du XXe siècle, ont reçu des ministères de la recherche et de l’éducation nationale la mission d’exposer des savoirs plutôt que des collections. Aujourd’hui on va au-delà de l’exposition des savoirs, on interroge ces savoirs et on confronte le visiteur à des questionnements sociétaux actuels.
Quel est l’impact d’Internet sur ces savoirs ?
Les citoyens sont quotidiennement sollicités sur leur positionnement vis-à-vis du développement durable, de la biodiversité, du climat, de la santé. Or c’est très compliqué, les savoirs scientifiques ont beaucoup évolué en très peu de temps. On a Internet qui permet d’avoir accès à tout, mais le tri est difficile. Il s’agit pour un musée d’histoire naturelle de trier, d’exposer des faits scientifiques, et non des opinions, en s’appuyant sur des collections qui étayent le savoir de la recherche. C’est la grande différence. L’objectif est de guider le visiteur dans ses questionnements d’aujourd’hui. On ramène la science à ce qu’elle est, c’est-à-dire un questionnement permanent, qui s’appuie sur des savoirs, dont certains peuvent évoluer.
Le musée a fait de nouvelles acquisitions, quelles sont les plus emblématiques?
La plus emblématique du bicentenaire du museum c’est le crâne de mammouth. Cette pièce monumentale vient compléter les acquisitions des dernières années parmi lesquelles le mosasaure, reptile marin contemporain des dinosaures. Il est présenté suspendu dans l’air, comme nageant au-dessus des visiteurs. Mais nous ne présentons plus uniquement des grosses pièces. L’exposition est passée de 800 spécimens de grande taille à 1 800 spécimens de toutes tailles, rappelant que la biodiversité ne se résume pas aux tigres, aux girafes et aux éléphants.
Cela change la perception de la biodiversité…
Oui. Dans le monde qui nous entoure, il y a aussi des abeilles. Ces dernières, exposées à deux endroits différents, illustrent deux questions qui traversent quotidiennement nos réflexions. Notre monde est-il en train de vivre la sixième extinction massive ? Quel avenir pour les pollinisateurs qui contribuent à la reproduction du végétal ? L’exposition procède par répétition pour plusieurs animaux, présentés à la fois pour leurs fonctions (reproduction, communication, etc.) et pour leur positionnement dans l’évolution. Le parcours va du plus petit organisme vivant, comme les coccinelles ou les cônes, ces petits coquillages très esthétiques mais mortels, jusqu’au mosasaure,
long de douze mètres.
Comment les choix ont-ils été élaborés?
Nous y pensons depuis 10 ans et, depuis 2018, nous travaillons avec une équipe scientifique. C’est très court pour réorganiser 1 000 m2 d’un point de vue scénographique et scientifique. Il y a beaucoup d’interactif et de multimédia, mais sans prendre le pas sur les collections. Le parcours n’a pas de sens de visite, il est composé d’une succession d’espaces thématiques. On est invité à picorer des savoirs.
Interview issue de la revue POUR n°233, mai 2021; à lire ici!