Francine Labadie, coordinatrice de la mission Observation/évaluation de l’INJEP. A dirigé les rapports de l’observatoire de la jeunesse : Inégalités entre jeunes sur fond de crise. (2012) et Parcours de jeunes et territoires (2014)


Quels principaux enseignements tirez-vous des rapports que vous avez publiés ?
Jusqu’à maintenant les recherches ont pointé les inégalités entre les jeunes et les autres générations. Mais depuis la crise de 2008, les inégalités se creusent au sein même de cette génération. Il nous a semblé important d’attirer l’attention sur ce phénomène plus récent. Notre premier rapport ne traitait pas suffisamment des questions territoriales. Nous souhaitions aller plus loin sur le lien entre les inégalités sociales et territoriales dans un contexte de réforme territoriale. Cela nous a permis de montrer dans le second rapport que les inégalités territoriales ne sont pas que le reflet des inégalités sociales dans l’espace.

Comment selon vous rendre l’action publique plus efficace ?
Il faudrait mettre l’accent sur le développement des capacités ou des potentiels. Cela implique une coopération beaucoup plus forte entre les collectivités. La dynamique intercommunale notamment, devrait permettre la mutualisation des savoirs faire, des réseaux, des acteurs. De nombreux territoires ruraux tentent d’appréhender ensemble les dynamiques territoriales et les parcours des individus. L’articulation entre la place des jeunes et le développement des territoires se pose donc de plus en plus, l’enjeu étant que les jeunes soient un des leviers du développement du territoire. Mais il faut davantage associer les jeunes qui sont les premiers concernés.

Dans plusieurs pays d’Europe, la jeunesse s’est structurée politiquement après des mouvements de contestation. Est-ce possible en France ?
Le constat que l’on peut faire c’est qu’il n’y a pas de mouvements collectifs structurés en amont. Ces contestations individuelles qui s’agrègent, témoignent d’une frustration chez les jeunes à ne pas pouvoir choisir leur propre parcours et à subir leur trajectoire. Cette expression collective s’est traduite politiquement en Espagne avec Podemos. En France nous n’avons pas vécu le même phénomène, mais dans le contexte politique spécifique de l’année qui vient, les jeunes pourraient très bien se manifester à nouveau, faire entendre leur contestation et exprimer leurs attentes. Cela interroge la classe politique sur la manière d’appréhender la jeunesse. On a tendance à considérer que les jeunes doivent d’abord apprendre et faire leur preuve et qu’ensuite ils peuvent devenir citoyens. Changer cette vision, c’est envisager une politique sociale plus globale et intégrée.