Guy Carrara et Raquel Rache de Andrade dirigent le Cirque Archaos qui a lancé avec le Cirque Plume le cirque contemporain il y a trente ans. Depuis 2007, Archaos organise une Biennale internationale qui aura lieu en janvier 2021 et a créé, à Marseille en 2012, un Pôle national de cirque. Ils préparent la Nuit du cirque du 13 au 15 novembre prochain.
Comment s’est passé le confinement ?
Guy : L’Entre-Deux Biennale internationale du Cirque a eu lieu en janvier et février. Au moment du confinement nous finalisions la préparation de la Biennale 2021. Par contre, notre salle a subi annulations et reports. Les résidences et actions culturelles n’ont pas pu se faire, les artistes ne pouvaient plus s’y entrainer.
Raquel : Pour que le cirque soit un peu présent, nous avons diffusé sur nos réseaux sociaux des épisodes filmés pour Télé-cirque. Le dernier épisode était une discussion entre Bernard Kudlak du Cirque Plume et Guy du cirque Archaos. Plume et Archaos ont démarré ensemble, il y a un peu plus de trente ans, le mouvement du cirque contemporain en France. Pour la première fois, ils ont échangé librement. Cela a donné une actualité forte du cirque pendant le confinement.
Qu’en est-il des compagnies de cirque en juin ?
Raquel : Celles qui étaient en période de création ont été bousculées par les annulations de résidences, mais c’est un moindre mal. Pour celles qui avaient 50 ou 60 représentations prévues cet été, c’est une catastrophe totale. Comme pour celles qui venaient de sortir leur spectacle. Mais l’artiste de cirque a quelque chose de très fort et de singulier, c’est l’entrainement quotidien. Cela les tient au niveau du moral. Mais les artistes de l’aérien n’avaient pas de quoi accrocher leurs agrès. Début juin, nous leur avons rouvert nos locaux afin qu’ils reprennent leur entrainement.
Guy : Au niveau de la représentation et de la diffusion c’est compliqué. Raquel a enquêté auprès de quinze compagnies de cirque en Provence Alpes Côte d’Azur, la perte jusqu’à la fin de l’été est estimée à 1 million d’euros. C’est très violent. D’autant
que certaines compagnies devaient tourner beaucoup, et qu’une part des prix de cession est réservée à réinvestir sur leur future création.
Y a-t-il eu un élan de solidarité ?
Guy : Pour les compagnies qui avaient signé un contrat, le prix de cession a été maintenu. Mais pour celles, très nombreuses, dont l’engagement n’était qu’oral, c’est très difficile. Beaucoup de programmateurs font l’effort de retrouver des temps de résidence ou des dates de représentation plus tard mais il y a embouteillage à partir de la rentrée. Tout le monde ne pourra pas trouver sa place, c’est évident.
Avec ou sans public, c’est la leçon du confinement ?
Guy : Oui. Nous allons expérimenter une programmation avec ou sans public à l’occasion de la Nuit du Cirque, les 13, 14, 15 novembre 2020, au niveau national et européen.
Comment définir le cirque aujourd’hui ?
Raquel : Il se transforme depuis trente ans. On est passé du cirque contemporain sous chapiteau pour d’autres lieux, avec une recrudescence des formes de mono-discipline. Il y a dix ans c’était très nouveau, le jonglage de Jérôme Thomas, les spectacles
des Colporteurs, Chloé Moglia sur un fil, aujourd’hui Nicolas Fraiseau et son mât chinois. C’est l’approfondissement d’un langage. Je pense que les nouvelles générations vont aller dans ce sens, celui du troisième cirque. Dans la création Monstro du collectif international Sous le manteau, il n’y a que des mains. XY est uniquement acrobatique, dans le collectif PDF les femmes ne font que des portées.
Guy : Le cirque contemporain est peu connu du grand public. D’où notre idée de créer un grand événement, une Biennale de créations, de médiatiser le cirque contemporain dans une grande métropole. Il a besoin de cette grande diffusion et d’une reconnaissance médiatique. Le cirque contemporain n’est pas non plus connu du politique, qui n’investit donc pas dans cette direction.
Quels échos avez-vous eu de la situation à l’international ?
Raquel : Notre projet Circus Link a été choisi par Europe Créative. L’idée est d’encourager la mobilité entre les compagnies et de créer une plateforme numérique pour faciliter les liens entre programmateurs et artistes de cirque en Europe. Le projet,
retardé en raison du confinement, démarrera lors de la Biennale 2021. Les pays concernés sont le Portugal, le Danemark, la République tchèque, la France, et les Pays Baltes sont associés au projet. Nous avons davantage tablé sur l’Europe qu’à l’international. C’est un heureux hasard, le cirque mettra l’Europe en lumière.
Interview issue de la revue POUR n°225, Juin 2020; à lire ici!