« Le système de retraite est en déficit car les dépenses explosent »

FAUX !

François Bayrou a demandé à la Cour des comptes “une mission flash de quelques semaines en vue d’établir un constat fondé sur des chiffres indiscutables ». Pourtant les chiffres existent : ce sont les comptes de la nation votés au Parlement tous les ans, ceux-ci qui ne pointent pas de déficit. En 2023, les dépenses de retraite sont de 379,8 Mds€ soit de 13,4 % du PIB (13,7 % en 2022) et le solde présenté est bien positif à hauteur de 0,1 % du PIB (0,2 % en 2022) soit 2,8 milliards d’euros cette année.

Parmi ces 379,8 Mds€, 329 Mds€ (soit 11,7 % du PIB) sont consacrés aux pensions de droit direct de retraite de base et de retraite complémentaire et 39 Mds€ (soit 1,4 % du PIB) aux pensions de droit dérivé. Le reste correspond à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et autres dépenses de gestion et d’action sociale. Une fois pris en compte les prélèvements pesant sur les retraites (CSG, CRDS, CASA et assurance-maladie pour les retraites complémentaires), dont une partie sert à financer le système de retraite lui-même, les dépenses nettes du système de retraite, effectivement versées aux retraités, s’élevaient à 354 milliards d’euros en 2023, soit 12,5 % du PIB. Ce chiffre est particulièrement intéressant et utile pour apprécier spécifiquement les transferts de richesse entre actifs et retraités.

Le gouvernement fournit régulièrement au COR des projections sur l’évolution des effectifs et des traitements – puisque les taux de cotisation des fonctionnaires s’appliquent à leur traitement et non à leurs primes. Il prévoit bien de diminuer très fortement la part de la rémunération des fonctionnaires dans l’ensemble des rémunérations, celle-ci devant passer de 12 % en 2018 à 9 % en 2030. Les calculs du COR sont tout simplement la résultante de l’hypothèse d’une baisse forcée des effectifs de la Fonction publique et d’une hausse plus faible des salaires du public par rapport à ceux du privé (en particulier de la non-revalorisation du point d’indice de la Fonction publique). Double peine pour la Fonction publique : les salaires stagnent, les effectifs publics décroissent ; et ceci sert d’argument pour baisser les retraites.

Les suppressions d’emplois et l’austérité salariale dans la Fonction publique conduisent ainsi à une baisse des ressources de l’ensemble du système de retraite. Les rapports mettent aussi en avant que les exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires et la suppression du forfait social sur l’épargne salariale dans les PME effectives depuis le 1er janvier 2019 contribuent aussi à une perte de recettes.

Il n’empêche que la baisse relative des retraites par rapport aux salaires, qui stabilise les dépenses, n’est pas acceptable. Pour contrer cette évolution et améliorer la situation actuelle, des recettes nouvelles sont nécessaires et possibles comme l’augmentation des cotisations, Une augmentation des cotisations pourrait être soutenable si une part plus importante de la valeur ajoutée revenait aux salariés. Si les cotisations sociales patronales assises pèsent davantage sur les entreprises à forte main d’œuvre, assoir ces cotisations sur la richesse produite (valeur ajoutée ou bénéfices) permettrait de ne pas pénaliser l’emploi en mettant à contribution les entreprises réalisant d’importants bénéfices sur les marchés financiers.

Si on regarde du côté des fonctionnaires, la retenue pour pension civile n’a cessé d’augmenter passant de 7,85% en 2010 à 11,10 % en 2020 (+41 % d’augmentation) alors que le gouvernement a choisi début 2018 une baisse de 2,25 points des cotisations salariales dans le privé contre une augmentation de 1,7 points de la CSG pour tous. Des calculs d’économistes montrent que les sommes en jeu sont très raisonnables pour maintenir le niveau des retraites en se basant bien entendu sur les chiffres des soldes constatés chaque année et non pas en inventant un déficit caché. Dans ce cadre, on aurait besoin d’une augmentation des cotisations de l’ordre de 0,15 point par an, c’est-à-dire 5 points en 30 ans. C’est beaucoup moins que ce qui vient de se produire pour les fonctionnaires notamment.

La compétitivité des entreprises de notre pays serait-elle remise en cause par cette augmentation progressive du taux des cotisations retraites ? Non si l’on remplaçait la modération salariale par la modération financière et si le montant des dividendes versés aux actionnaires diminuait de façon à compenser l’augmentation des cotisations sociales. C’est tout à fait possible !

Ce n’est pas le pseudo-déficit des retraites qu’il faut résoudre, mais la question des financements supplémentaires, sauf à considérer que la pension ne serait plus qu’un simple premier étage du dispositif public qu’il faudrait alors compléter pour ceux qui le peuvent par des plans d’épargne individuelle privée.

.