Lors de sa conférence sur les finances publiques, le Premier ministre s’est contenté d’annoncer que «les grandes orientations» du budget 2026 seraient présentées «avant le 14 juillet». S’il n’a rien dit sur les pensions, nombre de retraité·es savent que dans « l’effort supplémentaire » demandé aux Français, ils et elles seront en première ligne.

Une offensive continue et généralisée

Depuis début janvier, la remise en cause de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite a été permanente. Elle a débuté avec le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, expliquant dans un entretien aux Échos être favorable à sa suppression : « Cela serait une mesure forte, d’un rendement annuel d’environ 4 milliards d’euros, et équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées ». Rejoint ensuite par le président du Medef, Patrick Martin : « Qu’un retraité bénéficie d’une exonération fiscale pour des frais professionnels », c’est « contre-nature » et « aberrant ». Débute ainsi l’amalgame, les mensonges, maintes fois repris par de nombreux médias et hommes politiques. Interrogé il y a une semaine sur France Inter, le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a estimé que la fin de l’abattement « faisait partie des pistes crédibles », dans le cadre de l’effort budgétaire recherché par le gouvernement pour 2026 afin de tenter de réduire le déficit public et jugeant « un peu surprenant » la justification de cet abattement « pour frais professionnels », s’agissant des retraité·es. Incompétence ou malhonnêteté, certainement les deux à la fois !

Une vérité à rétablir sur un dispositif fiscal

En effet, pour tenter de justifier cette mesure inacceptable, chacun fait semblant ou exprès de confondre deux dispositifs bien différents du Code Général des Impôts (CGI), la déduction et l’abattement, qui ne sont pas de même nature, d’un point de vue fiscal :

– La déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels est réservée aux traitements et salaires des salarié·es qui peuvent aussi déclarer leurs frais réels.

– L’abattement de 10 % porte sur les pensions et rentes viagères avec un minimum et un plafond. Il est déduit directement par le fisc du montant inscrit dans la déclaration de revenus. Il a été, comme tous les ans, relevé dans la même proportion que les tranches du barème progressif de l’impôt pour se situer dans la fourchette suivante : minimum : 450 euros par pensionné ; maximum : 4.399 euros par foyer fiscal. Cette mesure a été mise en œuvre par Raymond Barre en 1978 sous Valéry Giscard d’Estaing dans un souci d’équité, pour compenser le fait que les retraité·es avaient moins la possibilité de dissimuler leurs revenus que d’autres catégories de contribuables. Il a été maintenu par la suite pour neutraliser des réformes successives du mode de calcul de l’impôt sur le revenu.

La suppression des 10% conduirait à majorer fortement le taux d’imposition sur le revenu des personnes retraitées et à en rendre imposables d’autres qui, au préalable, ne l’étaient pas (certains économistes avancent le nombre de 500 000) : plus des 2/3 soit 11 millions d’entre elles seraient concernées (selon les simulations de l’OFCE). Les retraité·es modestes seraient proportionnellement à leurs revenus plus touché·es que les plus aisé·es. Le risque est aussi de voir, pour certain·es, augmenter le taux de CSG et de perdre des aides sociales (MaPrimeAdapt, chèque énergie etc.). Les conséquences sur le pouvoir d’achat de nombreux retraité·es et sur leurs droits seraient dramatiques.

Des discours permanents de division

La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s’est aussi exprimée : « Je pense, à titre personnel, qu’on ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement. Ce n’est pas votre âge qui doit définir votre contribution, mais aussi les moyens dont vous disposez ». La ministre du travail, a affirmé que la mesure pourrait être envisagée car justifiée par « un rééquilibrage de l’effort entre les générations ».

Là encore une communication maintes fois avancée, celle de la division entre actif·ves et retraité·es, ces dernier·es improductif·ves, coûtant cher à la société, privilégié·es, souvent doté·es d’un patrimoine ; celle de la division intergénérationnelle, les retraité·es égoïstes laissant une lourde dette à leurs petits-enfants ! Les dépenses sociales liées au vieillissement ne sont-elles pas finançables déjà en supprimant les exonérations et allègements de cotisations patronales (largement non compensées par l’État et à hauteur de 80 milliards d’euros en 2024) ?

Pour tenir l’objectif de déficit de 4,6 % du PIB l’année prochaine, la nation va devoir consentir « un effort supplémentaire de 40 milliards d’euros » a annoncé le ministre de l’Économie. Deux pistes sont écartées : augmenter les impôts et emprunter toujours plus avec une dette « dangereuse » de 3 303 milliards d’euros fin septembre 2024 soit 113,7 % du PIB. Supprimer l’abattement de 10 % ne signifie pas augmenter les impôts des retraité·es actuel·les et futur·es ? Est-ce une mesure de justice sociale alors que la politique fiscale des gouvernements, depuis des années, n’a bénéficié qu’aux plus grandes entreprises et aux plus riches.

Face à une politique de l’offre affichée comme la seule possible, nous avons, à la FSU, des solutions pour sortir du dérapage budgétaire et de l’austérité en augmentant les recettes : travailler à une meilleure équité fiscale en rendant l’impôt sur le revenu plus progressif alors qu’il a baissé, sur la dernière année, pour les 10 % les plus fortunés grâce aux niches fiscales, à l’optimisation et à la fraude fiscales ; taxer le patrimoine, les dividendes et le capital ; revenir sur les 180 Mds d’aides publiques accordées sous Macron aux entreprises sans contrôle ni contrepartie.

Nous continuerons à nous opposer avec détermination à cette suppression de l’abattement fiscal dans le cadre unitaire du groupe des 9 (cf. communiqué de presse ci-dessous) et à toutes mesures contre le pouvoir d’achat des retraité·es (désindexation des pensions, augmentation de la CSG …).