L’école face au « choc » du tri social (POUR n°256)

Des groupes de niveau inefficaces et ségrégants

Après l’éclatement du groupe classe au lycée, la réforme « choc des savoirs » au collège prend la même direction en généralisant les groupes de niveau en mathématiques et en français en Sixième et Cinquième dès la rentrée 2024, puis en Quatrième et Troisième dès celle de 2025.

Les textes officiels, parus en mars, précisent que les élèves seront répartis en fonction de « leurs compétences ». Ces groupes de niveau (pas nécessairement allégés) seront donc la norme, et l’enseignement en classe entière l’exception, dix semaines au maximum durant l’année. Pouvant aller jusqu’à plus de 30 élèves, ils sont censés être flexibles, mais dans la réalité ils ne le seront pas. Les chef·fes d’établissement pourraient se retrouver sous la pression des parents et devoir justifier la composition des groupes de niveau, a priori via l’instauration d’épreuves communes impliquant la nécessité de progressions communes. Or, alors qu’ils sont présentés comme une réponse aux inégalités scolaires structurelles, les études en sciences de l’éducation pointent une absence d’effets, voire un effet négatif des groupes de niveau pérennes, et ce pour l’ensemble des élèves. Quant aux groupes flexibles, dit de besoins, ces mêmes études montrent un effet positif mais inférieur à celui de petits groupes hétérogènes engagés dans un travail coopératif. De son côté, le Centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO) pointait dans son rapport de 2016 qu’au sein des groupes de niveau, flexibles ou pas, « les objectifs seraient notamment d’autant plus modestes que les élèves sont faibles ». Ces regroupements d’élèves, sans moyens supplémentaires, vont conduire à la suppression de dispositifs, ou d’heures d’enseignements : suppression d’éventuels groupes en sciences ou en langues vivantes, ou d’enseignements facultatifs comme le latin par exemple, dans nombre d’établissements. Et pour pallier le nombre insuffisant de professeur·es, un recrutement massif de contractuel·les est annoncé, ainsi que le recours aux professeur·es retraité·es. Une première note de service tente de renforcer le poids des chef·fes d’établissement dans la mise en œuvre et entend leur faire jouer un rôle pédagogique ; les risques sont grands d’une annualisation des services des enseignant·es, d’un co-enseignement imposé et d’une flexibilité managériale, de l’intervention de professeur·es des écoles au collège, dans l’accompagnement aux devoirs en Sixième et dans du soutien sur tous les niveaux. Une seconde note de service encourage les détachements des professeurs des écoles en collège pour y enseigner les mathématiques et le français, un mépris pour les métiers et les statuts des enseignant·es. À rebours de cette logique d’individualisation des apprentissages conduisant à une différenciation des exigences et à des inégalités encore plus marquées dans les apprentissages réalisés, prendre appui sur les ressorts des groupes hétérogènes, en maintenant la même exigence pour toutes et tous, et en renforçant la professionnalité enseignante permettra de lutter résolument contre les inégalités scolaires socialement déterminées.


Que dit précisément la recherche ?

En 2017 le centre national d’étude des systèmes scolaires (CNESCO), dans ses travaux sur la différenciation pédagogique, étudiait les regroupements d’élèves et montrait que celui par niveaux « porte clairement préjudice » aux élèves faibles. De plus, ces regroupements « affecte leurs motivations et leurs représentations de la scolarité ». De leur côté les groupes de besoin homogènes doivent répondre à plusieurs critères comme un objectif d’apprentissage très précis et identifié en amont, et non pas une aptitude générale comme par exemple les critères lents/rapides, leur flexibilité et leur limitation dans le temps, devant être largement inférieure au temps passé dans les groupes hétérogènes.

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