L’école face au « choc » du tri social (POUR n°256)

Les évaluations standardisées poussent à transformer les enseignements jusqu’à ne travailler que les compétences concernées : c’est la définition du « Teach for test ». Elles se sont imposées dans les années 1960 et 1970 au Royaume-Uni, en Irlande, en Suède et aux États-Unis où elles ont explosé dans les années 2000.

Depuis la loi No Child Left Behind adoptée en 2001 sous la présidence Bush, les élèves des écoles publiques américaines passent, entre 8 et 17 ans, des tests annuels de lecture et de mathématiques. L’objectif avancé est celui de la transparence et du soutien des élèves issus de milieux défavorisés et à besoins éducatifs particuliers pour garantir l’égal accès de toutes et tous à une éducation de qualité. Le programme fédéral Race to the top, présenté par le Président Obama en 2009, lie les financements fédéraux reçus par les États, les rémunérations des enseignant·es et la pérennité des écoles et établissements scolaires aux résultats des élèves aux tests. Il prévoit ainsi que les établissements scolaires les moins performants fassent l’objet d’une restructuration, allant du changement de l’équipe pédagogique et de sa direction jusqu’à la fermeture complète de l’établissement. Une vaste enquête menée en 2022 auprès des 3,2 millions membres de la National Education Association (première organisation syndicale des États-Unis) montre que près de 90 % souhaitent que soit abandonnée la dépendance aux évaluations standardisées. Celles-ci entraînent en effet l’érosion de l’autonomie et de la capacité à stimuler l’apprentissage des élèves et la déprofessionnalisation d’un corps enseignant démotivé car dessaisi de l’acte d’évaluer, partie intégrante du métier. Elles ont par ailleurs des effets pervers du fait du poids des résultats des élèves dans la rémunération et l’affectation des enseignant·es comme la mise à l’écart des élèves le plus en difficultés et la mise en œuvre de stratégies de contournement, comme le bachotage ou le non-respect des consignes de passation. Sont aussi dénoncés la tendance à la réduction du curriculum scolaire (les disciplines concernées étant privilégiées au détriment des autres) et le renforcement des inégalités sociales dans l’accès aux savoirs et à une culture partagée lié à cet appauvrissement des enseignements. Des États ou villes font aujourd’hui marche arrière, s’éloignent des évaluations de performance basées sur les tests pour confier aux enseignant·es le soin de créer des évaluations formatives mieux adaptées pour stimuler l’apprentissage des élèves.


2 questions à Alixe Rivière (FCPE 93) :

« Les enfants des classes populaires paieront encore le prix fort. »

Comment percevez-vous le choc des savoirs ?

Nous sommes consternés. C’est la suppression du collège unique et un retour à avant 1970. Alors que les exigences technologiques augmentent, ce gouvernement propose de moins instruire les élèves. Avec l’exigence du brevet pour entrer en seconde ce sont 20 % d’élèves qui seraient lâchés. Ce sont encore les enfants des classes populaires qui paieront le prix fort avec les groupes de niveau. Sur cette mesure nous comptons sur la résistance civique des professeurs.

Comment poursuivre la mobilisation ?

Dans le 93, parents, élèves, professeurs, élus et organisations syndicales agissons ensemble. Les assemblées générales qui réunissent toujours autant de monde permettent de décrypter la communication mensongère très affutée du gouvernement. Les modes d’actions sont nombreux : carte postale au président, rubans sur grilles des établissements, manifestations convergentes avec soutien de la population. Les élus, très sollicités, s’impliquent. À l’échelon national, les fédérations FCPE diffusent les questionnaires des organisations syndicales afin de faire remonter les besoins. Ça prend dans le 35, le 44, le 28 et nous comptons sur un effet boule de neige.

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