Monsieur Gabriel Attal

Premier ministre

Bagnolet, le 14 février 2024

 Monsieur le Premier ministre,

Face à la colère du monde agricole qui a explosé partout sur le territoire français, le ministre de l’Intérieur a déclaré : « On ne répond pas à la souffrance en envoyant des CRS. »

Si tel est désormais le principe qui sous-tend une nouvelle doctrine de maintien de l’ordre, la FSU ne peut que s’en féliciter. En effet, toutes les colères et expressions de souffrances au travail doivent pouvoir s’exprimer et être respectées dans le cadre démocratique en principe garant des libertés publiques, notamment celle de manifester.

Pourtant, il y a encore peu, de nombreux salarié·es qui ont défilé pour exprimer leurs souffrances, notamment dans le cadre du mouvement contre la réforme des retraites, ont dû subir des interventions des forces de l’ordre sans que celles-ci n’apparaissent justifiées du point de vue de l’ordre public.

La FSU tient à souligner également que ce retour à une doctrine raisonnable de maintien de l’ordre doit aussi s’assortir de la garantie de protection des agent·es publics chargé·es d’appliquer les politiques menées dans le cadre des lois et règlements en vigueur.

De ce point de vue, elle regrette que les nombreux débordements et expressions violentes envers les services publics, particulièrement ceux en charge d’opérations de polices administratives et judiciaires, les dégradations des  bâtiments des services de l’Etat ou d’établissements publics ciblés par eux – autant d’actes pourtant prévisibles – n’aient pas donné lieu à l’établissement de mesures de protection à la hauteur.

Parmi les nombreux faits constatés, citons le cas grave du bâtiment de la DREAL Occitanie à Carcassonne qui a fait l’objet d’un attentat ; on a retrouvé la signature d’un groupuscule agricole bien connu pour la violence de ses actes. On peut aussi évoquer l’éventration et la pendaison d’un sanglier devant les locaux de l’inspection du travail dans le Lot-et-Garonne, à l’initiative de militants d’une organisation syndicale agricole qui ne s’en est pas cachée.

Et des agents et agentes ont été nommément et publiquement mis·es en cause dans leur intégrité.

La situation a été possiblement encouragée par une communication politique gouvernementale apparue comme largement déséquilibrée à cet égard, et les mesures de protection n’ont pas été prises.

Nous ne mesurons pas encore la réalité du préjudice moral des personnels dont les missions, la légitimité et le sens donné à leur travail ont été brutalement remis en cause.

Pourtant nombre d’entre eux et elles sont affecté·es en directions départementales interministérielles. Celles-ci, placées sous l’autorité des préfets, relèvent aussi du ministère de l’Intérieur depuis l’instauration des secrétariats généraux communs départementaux. A ce titre, le ministre de l’Intérieur est également responsable des conditions de travail de leurs agents et agentes, de leur sécurité, en lien avec leurs ministères de tutelle.

Nous ne savons pas dans quelles conditions désormais les personnels qui travaillent dans l’administration territoriale de l’Etat vont pouvoir reprendre l’exercice normal de leurs missions d’accompagnement, de conseil et de contrôle pour faire appliquer les lois et règlements de la République, dans leurs différents domaines d’activité.

La FSU vous demande d’exprimer votre soutien envers ces agent·es et leurs missions et de prendre toutes les mesures pour les protéger, conformément aux obligations de protection fonctionnelle qui échoient à l’État employeur, afin de leur garantir sécurité et bonnes conditions de travail dans l’exercice de leurs fonctions. Vingt ans après le double assassinat de Saussignac, leur attente en la matière est grande.

La FSU vous demande également d’établir un dialogue social significatif avec les organisations syndicales représentant les personnels des ministères qui portent la mise en œuvre des politiques publiques et ont à cœur de contribuer, à travers l’exercice de leurs missions, à l’intérêt général.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre très haute considération.

 

Lettre FSU au PM-agriculteurs-vdef