Dans un contexte de croissance des flux étudiants, la non-création de postes dans l’enseignement supérieur et la recherche, les restrictions budgétaires et la mise en concurrence des établissements poussent ceux-ci à aligner leur « management » sur celui du secteur privé (lequel vient d’être fortement dérégulé). De plus en plus de tâches sont assumées par des contractuels ou vacataires en lieu et place des fonctionnaires et la question précaire est plus que jamais cruciale pour l’avenir du service public.

Dans l’ESR, la précarité était partout, souvent cachée. Elle explose désormais, quantitativement, qualitativement, parfois par le biais des contractuels « LRU » (article L954-3). Ainsi les emplois créés au nom des regroupements d’établissements ou de l’innovation pédagogique sont-ils occupés par des CDD. Des CDI BIATSS, enseignants et enseignants-chercheurs sont créés pour des besoins permanents aux deux extrémités de l’échelle salariale. Le recours – peu coûteux – aux vacataires « extérieurs » est massif (150 000 !), s’accompagnant d’exigences hypocrites sur les conditions de revenus qui placent les plus précaires dans des situations kafkaïennes (et que dire des incroyables délais de paiement des vacations que s’octroient les universités ?). La généralisation du tutorat étudiant voulue par le ministère va en rajouter une couche : par exploitation de la précarité financière de beaucoup d’étudiants, certains rêvent déjà de substituer aux enseignants titulaires des tuteurs payés au lance-pierres. Quant aux post-docs, ils ne sont plus qu’une hypothétique salle d’attente, et leur caractère de plus en plus « appliqué » éloigne toujours plus les jeunes docteurs de l’emploi pérenne.

Ce processus s’inscrit dans le court terme des injonctions de l’État et des appétits patronaux. Or, la vie ne peut s’épanouir dans l’incertitude du lendemain. Or, l’élaboration et la transmission des connaissances, les libertés académiques et l’indépendance de la recherche exigent un temps long. La lutte contre la précarité n’est pas seulement vitale pour les individus concernés ; elle l’est pour l’université et la société qu’elle reflète.

Deux batailles doivent donc être conduites de concert : dès aujourd’hui pour des droits des précaires similaires à ceux des titulaires, le plus rapidement possible pour une titularisation dans le cadre d’une université ouverte, ni concurrentielle, ni marchande. Tâches immédiates : interdire les CDD courts ; exiger des grilles de progression salariale pour les CDI identiques à celles des titulaires (voire « indicatives » si l’université se retranche derrière des arguties juridiques) ; abroger l’article L954-3 ; relever fortement le taux de la vacation ; mensualiser les vacataires conformément à la circulaire 2017-078 du 25/04/2017, etc. Objectif : création des postes nécessaires à une université dans une logique exclusive de service public et titularisation de tous les précaires qui le souhaitent avec les moyens matériels qui le permette. Du CT d’établissement aux mobilisations locales et nationales à construire, il y a urgence à agir !