Les mobilisations autour de la loi travail le démontrent, un malaise s’est installé dans la jeunesse et plus globalement dans la société. Les crises multiples ont immanquablement des conséquences.
Dans ce contexte, il est plus difficile d’imaginer et de croire en des perspectives nouvelles, porteuses d’espoir. Les défis d’un monde à venir sont alors trop souvent vus comme des problèmes et non comme des opportunités, porteuses de progrès potentiels. La jeunesse elle-même est parfois considérée comme un problème et non comme une promesse d’avenir.


Lutter contre les inégalités est le premier défi à relever aujourd’hui. Celles-ci continuent de se creuser et les jeunes sont les premiers à en souffrir. La forte corrélation entre inégalités sociales et inégalités scolaires est connue. Certes l’École a permis d’augmenter le nombre de bacheliers mais la démocratisation du système éducatif stagne. Le système ne permet pas suffisamment à tous les jeunes de sortir de l’école avec une qualification et de poursuivre leurs études. L’insertion professionnelle reste difficile pour nombre de jeunes et jalonnée d’obstacles avec une précarité toujours trop longue après l’obtention d’un diplôme. Il faut redire cependant que celui-ci reste protecteur face au chômage. Ce constat doit donc nous conforter dans la nécessité d’en finir avec les sorties sans qualification et d’en élever le niveau pour tous.
Pour cela il est urgent de revenir à quelques questions utiles : Quelle école pour quels citoyens ? Que veut la société de son école ? Qui forme-t-on ? Pour quoi ? Comment ? Comment en finir vraiment avec les inégalités ?
Beaucoup a déjà été dit et écrit. Les propositions sont nombreuses pour éviter le gâchis de l’échec scolaire, du décrochage, avec des pistes pour passer de la résistance aux apprentissages à l’envie d’école, au désir d’apprendre : transformer les métiers de l’enseignement et de l’éducation, faire confiance à l’expertise des professionnels, rompre avec les injonctions hiérarchiques et encourager le travail collectif, mieux penser et organiser le parcours scolaire de la maternelle à l’université, penser les cohérences entre les différents niveaux d’apprentissages, réfléchir en conséquence aux contenus à enseigner et aux formes de transmission, pour permettre une meilleure appropriation des savoirs… La transformation du système éducatif se fait avec les personnels. Leur expertise, leur engagement en est un ciment efficace. Encore faut-il permettre de renouer en toute sérénité avec les débats, même contradictoires, afin de construire des perspectives. Il ne faut donc être ni dans la méthode Coué, ni dans le déclinisme. Il faut accepter de tout mesurer, de tout entendre y compris les contestations de certaines réformes comme par exemple celle du collège.
Nous avons besoin d’un regard lucide sur l’état de l’éducation et de la formation, d’un bilan juste et sans concession de la Refondation engagée. C’est le seul moyen d’avancer vers une École de la réussite de tous.
Une réelle transformation du système éducatif au service de la réussite de tous est-elle en marche ? Il faut regarder de près si réellement les dynamiques sont enclenchées en ce sens. Comment les personnels s’y sentent-ils engagés ? Qu’en ont-ils retenu ainsi que les parents ou tout citoyen ?
Certes le temps éducatif est un temps long, et il est encore difficile de mesurer tous les effets des mesures mises en œuvre. Mais il est clair qu’il reste du chemin à parcourir pour que la priorité au primaire, une réforme utile au collège comme au lycée, la démocratisation de l’université soient une réalité. S’il y a eu au début de ce quinquennat un discours réel sur l’éducation et une volonté de rompre avec la politique précédente qui menait à une impasse éducative et démocratique, ils se sont peu à peu estompés. Si des moyens ont été engagés, les conditions d’exercice du métier d’enseignant n’ont pas beaucoup changé sur le terrain. Le gouvernement n’est pas allé au bout de ce qu’il faut faire. Il n’a pas su donner corps à un vrai projet pour la jeunesse : éducation, emploi, logement…la cohérence des politiques mises en place peine à émerger et la technique, la technocratie a peu à peu pris le pas sur le politique !
L’heure n’est ni au bricolage ni au renoncement. Elle est à l’engagement total pour l’éducation et la formation. Un engagement pour les jeunes, les personnels et la société toute entière. La complexité du monde, l’évolution culturelle, technologique de notre société, l’évolution des besoins des populations, des métiers et du travail, l’exigence de démocratie… nécessitent de faire de l’éducation et de la formation une priorité. Qu’elle soit initiale, continue ou professionnelle, toute formation doit être de qualité et qualifiante. Plus que jamais il faut tout mettre en œuvre pour que chaque jeune y ait accès, pour qu’il réussisse son parcours scolaire et pour élever le niveau de qualification de tous. C’est le rôle du service public.
Alors plutôt que, comme la loi Travail le suggère, chercher à répondre à des problèmes immédiats de chômage par une adéquation simpliste de la formation aux postes, il s’agit d’avoir un projet ambitieux qui articule la nécessaire formation de l’individu, du citoyen et celle du travailleur et de garantir leurs droits collectifs dans l’intérêt commun. Il en va de la qualité de vie au travail comme de celle du travail lui-même. Attention d’ailleurs au mirage de l’apprentissage…Il ne sera pas la solution à tous nos problèmes de formation et d’emploi. La valorisation de l’enseignement professionnel public est indispensable. Et pourquoi pas d’ailleurs y introduire des heures de philosophie pour montrer l’importance d’un lien nécessaire entre professionnalisation et culture générale ?
Construire une École qui permette à chacun de trouver sa place et qui fasse société ? Cela n’a rien d’impossible. Un projet pour l’École est indéniablement un projet de société. Il s’agit donc de trouver la voie d’une société qui fait sienne l’égalité, la liberté, la laïcité, qui cherche le progrès dans la justice sociale, qui ne tolère plus la richesse insolente de quelques-uns au détriment du plus grand nombre. Une société qui fasse réellement de la jeunesse sa priorité. Qui place aussi l’éducation et la formation au cœur des enjeux actuels.

Bernadette GROISON, secrétaire générale de la FSU