Par Patrick Monfort, secrétaire général du SNCS-FSU

Le New Public Management a fait également son œuvre dans la recherche. D’une organisation collective dans laquelle les chercheurs maitrisaient leurs questions scientifiques et la méthodologie pour les aborder en étant soutenue par suffisamment de crédits, la recherche est passée à un pilotage au moyen d’une gestion technocratique qui impose un rendement sur des objectifs à court terme. Les scientifiques perdent leur liberté académique, les collectifs de travail sont détruits, le gâchis humain est important et les jeunes finissent par abandonner la recherche.

Le financement des laboratoires subit une transformation majeure depuis plus de 15 ans. D’un système où les laboratoires et les équipes étaient financés par un budget majoritairement attribué après évaluation scientifique de leurs activités, le financement des recherches a basculé majoritairement vers le système des appels à projet. La création en 2005 d’une agence de financement, l’Agence nationale de la recherche (ANR), a permis aux gouvernements successifs de disposer d’un outil puissant de pilotage de la recherche, en décidant des secteurs prioritaires à financer et en poursuivant un objectif général de compétitivité économique. Puis, tout en diminuant le financement des organismes de recherche et des universités, les gouvernements ont organisé des appels à projet à grande échelle, dans le cadre d’une politique dite d’ « excellence ».

Le système libéral dominant est aujourd’hui convaincu qu’il doit et peut accélérer le transfert et l’innovation pour résoudre la crise économique et affronter la concurrence économique internationale. Pour cela il organise le pilotage de la recherche en appliquant les concepts portés par le New Public Management.

Pour contraindre le système de la recherche publique, les décideurs utilisent trois leviers principaux : la baisse et la mise en compétition des ressources financières et leur contrôle par des intérêts extérieurs, l’augmentation de la précarité des personnels, l’occupation des scientifiques à des tâches chronophages et inutiles.

Cette situation affecte l’ensemble des personnels dans les laboratoires et créée des situations de souffrance au travail :

• équipe ou individu peu ou pas financé à coté de collègues heureux gagnants d’appels à projets et disposant de crédits importants ;
• mise à l’écart des perdants (des appels à projets) au sein des unités de recherche ;
• disparition des collectifs de travail au profit d’individualismes exacerbés ;
• situations conflictuelles pouvant conduire à du harcèlement ;
• épuisement professionnel, dépression, état de sidération face à une charge d’urgence toujours répétée et inutile.

Ces situations conduisent aussi à ne plus comprendre, à oublier, à mettre de côté l’intégrité et l’éthique scientifiques, ce qui peut avoir pour conséquence des malversations, voire des fraudes scientifiques, inexcusables.

Il y a urgence à redonner les moyens financiers, humains mais aussi du temps intellectuel à la recherche. C’est pour cela que les syndicats de la FSU dans l’enseignement supérieur et la recherche agissent. Non pas seulement pour mettre en place des plans de prévention des risques psychosociaux, ce qui est certes nécessaire, mais aussi pour traiter les véritables causes : rendre aux scientifiques les moyens de leur travail.