Déclaration de la FSU au CSE du 14 décembre 2012

Les enjeux, pour l’avenir des jeunes, d’une véritable refondation démocratique de l’Ecole, sont primordiaux, d’autant que le système éducatif a été mis à mal par les politiques menées ces dernières années. Celui-ci a besoin de changement et cela nécessite des transformations profondes. Pour la FSU, un projet de loi d’orientation et de programmation doit donc fixer des perspectives ambitieuses pour tous les jeunes, de la maternelle à la fin du lycée. La démocratisation du système éducatif, la réussite de tous sont à ce prix. Et les attentes sont fortes aussi bien de la part des parents, des personnels de l’Éducation que de l’ensemble de la société.
La FSU regrette que les organisations syndicales n’aient pas été destinataires plus tôt du projet et que la presse en ait été informée en même temps qu’elles. Elle déplore tout particulièrement que le projet de rapport annexé, document d’orientation fondamental, ait été publié sans qu’il ait pu faire l’objet d’une concertation quant à son contenu et sa rédaction.
 
La FSU considère qu’un certain nombre d’orientations de ce projet de loi vont dans le bon sens mais ne font qu’entamer les ruptures indispensables avec la loi de 2005 :

 l’Éducation première priorité nationale, notamment la confirmation des 60 000 créations d’emplois et les 150 000 recrutements annoncés ;

 l’objectif affiché d’élever le niveau de qualification et de réduire les inégalités ;

 la priorité à l’école primaire, avec notamment « plus de maîtres que de classes », la scolarisation à l’école maternelle ;

 le rappel des valeurs qui doivent fonder l’école et être transmises par elle ;

 etc.

La FSU note positivement que certaines propositions qu’elle porte ont influencé l’écriture du texte :

 reprise de la notion de culture dans le socle et confirmation que celui-ci serait réécrit ;

 révision des programmes ;

 création d’un Conseil Supérieur des Programmes ;

 insistance sur l’amélioration d’une formation initiale et continue des enseignants qui reste à construire.

Si ce projet de loi affiche des ambitions, dans le même temps, il retient son souffle. Cette loi permettra-t-elle de mieux préparer l’avenir ? Là est le vrai défi qui reste à relever. Beaucoup reste à préciser dans les textes réglementaires à venir et à renforcer sur le terrain en donnant les moyens à tous les personnels de faire leur travail dans de bonnes conditions, et de remplir toutes les missions nécessaires à la réalisation de ces ambitions.

A ce stade, le projet de loi comporte des absences ou des continuités avec les politiques précédentes qui, si elles restent en l’état, obérerons la mise en œuvre des transformations nécessaires. Cela doit être corrigé.

C’est notamment le cas en ce qui concerne les sujets suivants.

La progressivité des apprentissages ne doit pas seulement être pensée en cohérence de la maternelle au collège, mais bien intégrer le lycée. Dans le débat sur la redéfinition du socle, nous souhaitons une seule prescription bien articulée : un socle et les programmes pour tous. Les objectifs à atteindre doivent être les mêmes pour tous les élèves !

Il faut en finir avec l’idée d’un système éducatif avec d’un côté la scolarité obligatoire école-collège ayant comme objectif essentiel l’obtention d’un socle pour certains et de l’autre une scolarité longue selon le schéma bac -3 bac +3. Non seulement. Une telle architecture coupe le second degré en deux là où au contraire les élèves ont besoin de cohérence et de continuité entre chaque niveau : école – collège – lycée, et ce afin de poursuivre une scolarité réussie jusqu’à 18 ans comme le défend la FSU. Maisis en plus, cette organisation risque de maintenir le collège dans son rôle d’orientation précoce et inégale des jeunes. Et beaucoup d’entre eux verront leur destin scolaire scellé dès 15 ans alors qu’au contraire, tous les jeunes devraient pouvoir rejouer l’orientation de leurs parcours au sein du lycée.

Une meilleure articulation entre les ordres d’enseignement est indispensable pour faire réussir tous les jeunes. Fondée sur un travail et des projets communs, elle doit aussi respecter les spécificités de chacun tout en permettant une meilleure connaissance réciproque. A ce titre nous demandons des éclaircissements sur le conseil commun école-collège, la notion de cycle CM2-sixième. La liaison école/collège doit passer par des projets communs, la notion d’enseignments communs est pour le moins problématique et nécessite des précisions.

L’avenir de l’orientation scolaire et de l’ensemble de ses personnels, tel qu’il est dessiné dans ce projet de loi, ne peut nous convenir. D’abord parce qu’il accorde désormais une place prépondérante à l’information sur les débouchés professionnels et sur les métiers, reléguant au second plan le développement des adolescents, l’affirmation progressive de leurs centres d’intérêts et l’accompagnement de leurs projets scolaires et professionnels par les seuls personnels ayant une formation spécifique pour le faire, c’est-à-dire les COPsy et les directeurs de CIO. Nous ne pouvons accepter que dans l’annexe, les COPsy et les DCIO disparaissent de la communauté éducative comme de l’équipe éducative, et qu’aucun moyen ne soit prévu les concernant pour pouvoir mettre la loi en œuvre. Il est nécessaire que le texte évolue dans ce sens et que l’orientation des élèves ne fasse pas les frais d’enjeux de pouvoirs locaux.

Le pilotage des cartes des formations professionnelles initiales par les régions a été réintroduit dans le texte à la dernière minute. Nous constatons que certaines possibilités de contrôle par l’Etat sont prévues. Pour autant ce pilotage régional laisse craindre une approche adéquationniste formation/emploi, avec le risque de restreindre l’offre de formations professionnelles des jeunes aux seuls besoins des employeurs locaux. En outre ce renforcement du pilotage décentralisé pourra permettre l’accentuation, par les régions, du développement de l’apprentissage, par exemple en imposant le mixage des publics dans une même classe ou le mixage des parcours (scolaire puis apprentissage) à l’intérieur des lycées professionnels au détriment de la qualité de ces formations et des conditions d’accueil de ces publics. Il reste des questions qui sont renvoyées à la loi de décentralisation et dont nous ne connaissons pas aujourd’hui le contenu. Il y a là un problème de visibilité, sinon d’articulation entre les politiques publiques en préparation. La FSU exige que l’Etat ait le rôle prépondérant quant à la compétence de définition des cartes des formations professionnelles initiales, que l’orientation scolaire reste compétence exclusive de l’Etat. Elle est opposée aux transferts des CIO et leurs personnels doivent rester sous l’autorité de l’Éducation nationale. Elle demande que les personnels CO psy soient explicitement cités dans le projet de loi, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Le lycée, dont le lycée professionnel, est trop absent des perspectives à venir. Une réflexion approfondie, associant les personnels, les élèves et les parents doit être engagée dans ce domaine, 
Les enseignements artistiques scolaires peuvent pâtir de la façon dont est traitée dans le texte l’éducation artistique puisqu’il n’est rien dit de leur rôle fondamental dans les parcours artistiques et culturels que vous souhaitez créer.

En ce qui concerne la formation des enseignants, l’absence de concertation avec l’enseignement supérieur dans la mise en oeuvre des futures Espé et dans la réforme de la FDE en général, le calendrier intenable, obère les conditions de réussite d’une réforme demandée par tous. La FSU ne saurait accepter que les recteurs, leurs décisions unilatérales se substituent au débat. Il faut du temps, sans obérer les nécessaires recrutements, du temps qui doit être donné pendant l’année 2013-2014.

Il faut également travailler à des évolutions nécessaires des métiers et des pratiques professionnelles de tous les personnels. Il faut réaffirmer ces évolutions comme des leviers majeurs de transformation, mettre tous les personnels au cœur de la « refondation de l’école ». Celle-ci ne peut se faire sans eux !

Les questions concernant les personnels non enseignants restent trop absentes. Or, ceux-ci jouent un rôle fondamental dans l’organisation et l’administration du système éducatif, dans la prise en charge des jeunes, en particulier ceux qui rencontrent des difficultés, qu’elles soient scolaires, sociales ou de santé. Il convient de reconnaître et renforcer le rôle et les missions de tous les personnels. L’accompagnement social individuel ou collectif auprès des élèves et des parents est indispensable pour inclure les plus en difficulté dans notre système scolaire et favoriser la réussite de tous les élèves. C’est pourquoi la FSU réaffirme comme prioritaire sa revendication de renforcement des équipes pluri-professionnelles (CPE, Copsy, Assistants sociaux, infirmières), à travers la création massive de postes à l’Éducation nationale.

Il conviendra aussi d’introduire de nouvelles modalités de pilotage du système éducatif, de conforter son administration, et d’en finir avec le nouveau management public. Les services administratifs et de gestion ont été beaucoup désorganisés par les politiques de suppressions massives de postes des années passées et les réorganisations hasardeuses qu’elles ont produites. Il importe de programmer le recrutement de personnels administratifs à la hauteur de l’ambition affichée.
 
La FSU rappelle qu’elle souhaite que soit rapidement mises en discussion l’amélioration des conditions de travail des personnels, la revalorisation de leurs carrières et leurs rémunérations. Ceci est d’autant plus nécessaire que par ailleurs nous vivons une crise importante de recrutement.
 
Il n’y a pas de temps à perdre. Il nous faut dès à présent, préparer la rentrée 2013 et ouvrir les différents chantiers à mener : mise en œuvre de la priorité au primaire, avenir des Rased, collège pleinement inscrit dans le second degré, réforme des lycées, éducation prioritaire, formation, missions des personnels et évolutions des métiers, pilotage et administration du système éducatif.

Le projet de loi et son rapport annexé fixent un certain nombre d’orientations ; certaines sont intéressantes, mais beaucoup sont trop vagues pour pouvoir être jugées. Tout dépendra des débats et décisions qui seront prises dans les semaines et mois à venir. La FSU souhaite que les décisions qui seront prises après débat marquent une rupture définitive avec les orientations portées par la loi Fillon et les réformes mises en œuvre par les précédents gouvernements.

De nouvelles perspectives sont attendues. La FSU est prête à s’engager dans ces débats, à y porter ses propositions pour un service public de l’éducation renforcée, et à y construire des synthèses à partir de l’axe fondamental qu’est la démocratisation du système éducatif, pour la réussite et l’amélioration de la formation pour tous les jeunes.

Elle attend maintenant que vous nous donniez, monsieur le Ministre, un agenda de discussions et de négociations qui devra préciser les chantiers qui seront menés dans les prochains mois et le calendrier de travail.

Si la refondation a besoin du temps de la réflexion collective et du débat associant les personnels, il faut que ceci soit engagé sans attendre.