Monsieur Le Ministre, Mesdames, Messieurs,

Nous ne pouvons commencer ce CSA ministériel sans revenir sur le fonctionnement démocratique et le dialogue social. Comme cela vient d’être dit dans la déclaration intersyndicale, des parlementaires y compris du parti de la majorité se sont permis de dire que les bilans de rentrée des organisations syndicales étaient caricaturaux. Cette appréciation méprisante fait fi de la réalité du terrain, et de ce que les personnels de l’Éducation nationale vivent tous les jours Ces propos nient l’expertise de nos organisations syndicales représentatives. La FSU s’est toujours inscrite dans une démarche de construction et défend ses revendications et ses appréciations dans toutes les instances de dialogue social. La FSU dénonce la tendance de ces dernières années qui vise à minimiser voire discréditer la parole des organisations syndicales et à réduire le dialogue social à sa plus simple expression. Mais ceci est sûrement l’objectif de la loi de transformation de la fonction publique. Pourtant, le dialogue social n’est ni un jeu de posture ni un simple affichage mais bien un enjeu de démocratie.

Emmanuel Macron dans son interview au journal le point dit sur l’école qu’il faut sortir des hypocrisies. Mais de quel côté se situe l’hypocrisie ? L’hypocrisie n’est-elle pas de parler de revalorisation historique des enseignants, CPE, psy EN alors que celle-ci ne suffira pas dans la majorité des cas à couvrir l’inflation annuelle  attendue. Hypocrisie aussi lorsqu’il est question de rappeler tous les enjeux de l’école, de l’importance du rôle de tous ses personnels et de ne même pas avoir envisagé de revalorisation pour les personnels administratifs, sociaux, de santé et AED. Faire réussir tous les jeunes, ne sera possible qu’avec du personnel formé et rémunéré en conséquence. La baisse du pouvoir d’achat est évaluée à plus de 15% depuis 2017, la revalorisation doit prendre en compte l’inflation qui est à l’œuvre dans notre pays, réindexer le point d’indice, l’augmenter et réinjecter des points d’indice dans les grilles font partie des solutions pour pallier la désertion des métiers de l’éducation nationale. La question des salaires tout au long de la carrière est primordiale. Monsieur le ministre, vous venez d’ouvrir des concertations pour l’attractivité du métier enseignant : tout plan de reconnaissance global sans inclure un volet mesures salariales sans contreparties serait vécu comme une provocation de la part des personnels. La question du service public d’éducation est une question d’avenir pour notre jeunesse, la question de son attractivité et de la reconnaissance de ses personnels implique des actes forts pour tous les personnels, sous peine d’aggraver la crise profonde que traverse l’Ecole publique. La FSU exige une loi de programmation pluriannuelle.

Vous annoncez un chantier sur les conditions de travail, mais les milliers de suppressions de postes proposées et actées dans tous les secteurs depuis 2017 ont fortement alourdi les charges de travail de tous les personnels : augmentation des effectifs de classe, nombre d’élèves(d’école) à charge pour les personnels sociaux et de santé, des tâches administratives et, vos premières annonces, par exemple sur la formation continue pour les enseignants du second degré hors du temps de face à face pédagogique, et hors des 108 heures pour le 1er degré vont venir alourdir encore leur temps de travail.

Dans le premier degré, la fermeture de près de 2 000 classes, le nombre de postes non pourvus au concours, le manque d’enseignants titulaires, d’AESH, l’inclusion sans moyens sont responsables de conditions de rentrée très dégradées. Plus de 6 000 contractuel·les ont d’ores et déjà été recruté·es dans toutes les académies pour faire face au manque de personnels.  Des titulaires brigades de remplacement sont aussi immobilisés dès la rentrée sur des remplacements à l’année, amputant déjà les moyens sur les remplacements. Dans une école, quand un enseignant n’est pas remplacé, c’est toute l’école qui pâtit de conditions d’enseignement et d’apprentissage dégradées. Dans de nombreux départements, la rentrée s’est faite sur le dos des personnels en restreignant, voire en supprimant leurs droits, en limitant notamment les temps partiels et les  disponibilités. Tout cela concourt à une dégradation des conditions de travail.

Dans le second degré, la rentrée a été celle des promesses non tenues : il n’y avait pas un professeur devant chaque classe à la rentrée. Le service public est tombé bien bas en raison des politiques menées ces dernières années. Vouloir répondre à cette question des postes ou absences non remplacées par le pacte est une réponse hors sujet et provocatrice. Cela passe sous silence la question des remplacements de longue durée. Quant au remplacement de courte durée par le pacte, ils sont largement refusés par nos collègues qui y voient bien la tromperie pédagogique (le remplacement ne s’improvise pas) et institutionnelle. La communication ministérielle qui renvoie la responsabilité des cours non assurés  aux acteurs locaux, personnels de direction et enseignants est inadmissible et dégrade la relation de confiance entre les usagers et les personnels Les autres missions du pacte confirment qu’il est une commande présidentielle pensé d’abord pour mettre en place des réformes. C’est le cas en collège, avec une réforme très loin de répondre aux besoins des élèves, à l’image de l’heure d’approfondissement/de soutien en 6eme, déconnecté du groupe-classe et des apprentissages disciplinaires. C’est une déclinaison concrète d’un projet éducatif qui entérine les inégalités entre élèves en stigmatisant les plus fragiles, tout en contribuant à la perte de sens du métier. Le pacte en LP en est aussi une illustration avec 11 missions servant de support au déploiement d’une réforme vivement contestée. Enfin le pacte ne fera que renforcer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Plutôt que de bricolage institutionnalisé, la priorité est bien   à la diminution des effectifs et au traitement de la difficulté scolaire dans les classes.

Au lycée général et technologique, les annonces sur les épreuves de spécialité, l’oral de l’EAF et le grand oral, exigées par la -FSU depuis plusieurs années, montrent à quel point il peut être utile d’écouter les organisations syndicales dès les premières alertes. Il convient d’aller au-delà de ces premières mesures : remise à plat de la réforme du lycée et du bac, abrogation de ParcourSup, sont des impératifs dans l’intérêt des élèves et des personnels. Ils ne peuvent se faire brutalement et sans concertation. La FSU est prête à porter un ensemble de mesures de court et moyen terme en ce sens.

La rentrée dans les lycées pro devrait vous alarmer : il manque presque deux enseignant.es par établissement et malgré le public fragile accueilli aucun d’entre eux ne bénéficie d’équipes pluridisciplinaires complètes. La FSU dénonce avec force la volonté de C. Grandjean d’augmenter les stages et d’avancer les épreuves du bac en terminales alors même qu’elles viennent d’être revues pour le LGT. Diminuer encore le temps scolaire en Tale c’est mettre en péril l’obtention des diplômes pour nos jeunes. Quant aux annonces de fermetures des filières prétendues non insérantes, c’est un signal de mépris de plus pour les collègues qui devront subir des reconversions brutales et vis à vis des jeunes à qui vous bouchez l’avenir scolaire et professionnel. Plutôt que de démanteler nos lycées professionnels, basculer nos missions et remplacer les PLP par des personnels extérieur à l’école, des concertations pour renforcer les lycées pros dans leur rôle qualifiant et social doivent être engagées.

Dans 11 mois se dérouleront les jeux olympiques, vous avez dans votre conférence de rentrée employé l’expression EPS à l’honneur, pour la FSU  les dispositifs APQ et 2 heures de sport mis en œuvre visent à déposséder l’EPS et le service public du sport scolaire, et ne répondent en rien aux enjeux de santé et d’héritage des JOP. L’EPS est pourtant le seul lieu de pratique physique et obligatoire pour tous les élèves.

Pour les personnels administratifs et ITRF des services et établissements, cette rentrée scolaire se place sous le signe du « Toujours plus »… de tâches et de missions sans qu’elles ne soient assumées par une politique ministérielle de renfort des équipes, par des recréations d’emplois à la hauteur des besoins. A fortiori dans un contexte où les nouveaux applicatifs que sont RenoiRH et Op@le sont en train de déstabiliser gravement des équipes complètes de collègues entré.es désormais en galère professionnelle. Vous allez devoir, monsieur le Ministre, prendre vos responsabilités sur ce terrain, pour lutter contre ce contexte de sous administration qui se retourne aujourd’hui contre les agents publics et leurs conditions de travail.

Il en est de même pour les personnels sociaux. Les moyens insuffisants et une charge de travail qui explose génèrent des conditions de travail très difficiles source de souffrance professionnelle. A ceci s’ajoute les derniers signaux amplifiant l’impression d’une méconnaissance institutionnelle sur les missions exercées : proratisation de la prime REP et REP+ alors même que la réalité de terrain témoigne d’une mobilisation quotidienne pour ces établissements, menace de plus en plus prégnante d’une restructuration en équipe médico-sociale voire d’une décentralisation alors qu’il faut au contraire renforcer la présence au sein des établissements ; exclusion toujours confirmée du CTI sans que rien ne puisse le justifier. Les besoins de l’école aujourd’hui ne passent par la décentralisation mais par la réaffirmation de la place au sein de l’Education nationale des personnels de santé. Enfin, il est temps de mener à bien la politique éducative sociale et de santé par l’application des textes de 2015

Le harcèlement en milieu scolaire tue, c’est insupportable et inacceptable. Ces drames ébranlent les équipes qui doivent souvent alors faire face, seules. L’Ecole prendra sa part dans la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire, elle jouera son rôle éducatif envers tous les jeunes, mais c’est bien l’ensemble de la société qui doit se mobiliser. Les propriétaires des réseaux sociaux ont une responsabilité particulière dans la lutte contre le cyberharcèlement. Dans l’Education nationale, la lutte contre le harcèlement en milieu scolaire nécessite des moyens humains, des équipes formées et de temps de concertation suffisant. L’actualité le démontre, c’est bien avec des équipes pluriprofessionnels complètes et faisant partie intégrante des établissements que l’école pourra permettre la réussite de toutes et de tous.

Le dialogue social que nous revendiquons ne peut consister à mettre en œuvre les mesures de la Conférences Nationale du Handicap  sans entendre les oppositions qui s’expriment majoritairement voire unanimement de la part des organisations représentatives des personnels. Pour fonctionner et prendre en compte tous les types de difficultés des élèves, l’École inclusive nécessite un plan ambitieux, concerté avec les organisations syndicales. La transformation des PIAL en PAS dégradera encore les conditions d’accompagnement en renvoyant l’évaluation des besoins aux acteurs chargés de leur mise en œuvre. La création des ARE est une manœuvre d’évitement du vrai sujet qu’est la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B accueillant toutes et tous les AESH. De plus, c’est une menace pour les vie scolaires déjà exsangues. L’École ne peut être inclusive en mettant les personnels en difficultés. La FSU continuera à porter ses revendications pour une École réellement inclusive. Elle sera mobilisée avec les AESH le 3 octobre pour les salaires et contre la précarité.

La FSU souhaite enfin aborder la thématique de la santé au travail des personnels. Les sujets pourraient être nombreux et nous ne souhaitons pas dessaisir la FSSCT de ses prérogatives, mais nous ne pouvons pas attendre la première réunion de cette instance prévue le 23 novembre pour porter une alerte sur la crise de l’eau à Mayotte, Nous attirons l’attention sur la nécessité de permettre aux personnels de faire face, quelques mesures pourraient être prises dans l’immédiat.

Nous resterons attentifs pour que les représentants du personnels soient entendus dans leurs demandes.