Communiqué FSU
Les Lilas, le 17 novembre 2010
Les graves incidents survenus dans les ERS de Portbail et de Craon dans les premiers jours qui ont suivi leur ouverture, relancent plus clairement le débat sur l’efficacité de ces structures mises en place dans la précipitation, sans consultation de la communauté éducative.
C’est en réponse à la demande présidentielle, en mai dernier, de créer des Etablissements de Réinsertion Scolaire pour accueillir de manière spécifique les élèves « perturbateurs », que le ministère de l’Education nationale a rédigé, dans l’urgence et sans aucune concertation, une circulaire portant sur le fonctionnement de cette nouvelle structure, le public visé et a annoncé l’ouverture d’une dizaine d’établissements dès cette année.
Les jeunes de 13 à 16 ans pris en charge dans ces établissements au sein d’internats spécifiques y suivent une scolarisation au rabais : cours le matin limités à l’acquisition du socle commun, activités multiples l’après-midi et accompagnement éducatif en début de soirée… Ceci afin de leur permettre un apprentissage du vivre ensemble et l’appropriation des règles avec « la nécessité d’y obéir». Au final, c’est la mise au pas disciplinaire qui prend le dessus sur le sens des enseignements et des activités proposés.
Ces ERS illustrent la volonté d’exclure les élèves les plus en difficultés du système éducatif. Il faudrait a priori éloigner les « perturbateurs » de leur milieu d’origine pour les « rééduquer ». Niant l’autorité parentale, et en cas de refus des parents, le procureur de la République peut décider d’une orientation vers cette structure. Cela fait furieusement penser, sous une forme modernisée, aux anciennes maisons de correction dont la pertinence n’a pas été démontrée.
L’exemple de l’ERS de Craon, où 5 des 14 pensionnaires ont été renvoyés dès le lendemain de leur arrivée pour avoir molesté des élèves du collège de rattachement alors qu’ils n’auraient pas dû les croiser, montre bien les limites de ce dispositif. Comment prétendre apprendre à vivre ensemble, en concentrant dans un même lieu, loin de chez eux, des élèves qui sont tous en rupture scolaire, mais en leur interdisant de rencontrer leurs « pairs » ?
Alors que sont remis en cause des réseaux de soutien scolaire aux élèves en difficulté et les services sociaux de prévention, ce programme d’ERS institue le principe de la mise à l’écart comme réponse à l’échec scolaire et à l’absentéisme, éludant les causes et ne prenant pas en compte des contre-indications éventuelles à un éloignement familial. Pour la FSU, l’éloignement de mineurs en difficultés éducatives et sociales ne peut être une réponse adaptée. Cela ne peut que stigmatiser des jeunes qui sont retirés de leur ghetto urbain pour se retrouver enfermés dans un ghetto à la campagne, produisant ainsi un effet « cocotte minute » !
Quant à l’ERS de Portbail, où les 8 pensionnaires ont été renvoyés dans leur département d’origine moins d’une semaine après leur installation, tout le monde semble reconnaître aujourd’hui que le projet était mal pensé et que l’encadrement était particulièrement indigent avec notamment trois jeunes issus du service civique sans aucune formation particulière.
La lutte contre la violence en milieu scolaire mérite mieux qu’un affichage sécuritaire et des dispositifs bricolés dans l’urgence. Les élèves en situation d’échec scolaire doivent bénéficier d’une politique éducative autrement plus ambitieuse. Il faut renforcer, notamment à Education nationale, le travail de prévention et d’accompagnement des jeunes en difficulté au sein des établissements par des personnels formés et qualifiés (Assistants Sociaux, CPE, COPsy…).
Or, les suppressions massives de postes à l’Education nationale comme dans l’éducation spécialisée ne vont pas dans ce sens. Tout comme les moyens alloués à la Politique de la Ville, à l’aide au logement…
La FSU demande solennellement au ministre de l’Education nationale, de surseoir à l’ouverture de ces ERS et d’initier un débat sur les réponses collectives et éducatives à apporter aux élèves en rupture scolaire.