Lancée en 2002 dans le cadre des lois Perben, la construction de 7 établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) a dès l’origine été combattue par des syndicats de la FSU, au premier rang desquels le SNPES-PJJ. 5 établissements ont été ouverts, à grand renfort de communication médiatique et de banalisation de l’incarcération : ainsi l’ancien Garde des Sceaux se plaisait à présenter les EPM comme « des salles de classe entourées de murs aux couleurs vives ». Depuis 2002 les opposants ne cessent de dénoncer l’imposture de ce programme, dont le financement exorbitant se fait au détriment de la prévention et du travail en milieu ouvert, seules réponses effectives aux problématiques des jeunes délinquants. Les EPM ne sont au final que la concrétisation d’une logique répressive de « tout sécuritaire » et d’exclusion sociale dès le plus jeune âge traduite dans les textes par l’abaissement de la majorité pénale à 10 ans.

Après 7 mois un bilan calamiteux

Le suicide d’un adolescent à l’EPM de Meyzieu en février 2008 est venu rappeler dramatiquement qu’un EPM restait une prison avec son cortège de violence subie et de loi du silence.

Malgré le peu d’information qui franchit leurs murs d’enceinte, on recense 72 tentatives de suicide pour 160 jeunes incarcérés. On note aussi l’intervention des ERIS (1) au moins à Meyzieu et Lavaur, des conditions de travail déplorables pour les personnels éducatifs, sociaux ou de soins qui reçoivent les parents sur les parkings, ou qui n’ont pas de bureau en détention… Quant aux jeunes détenus, il n’est pas anodin de rappeler qu’un grand nombre le sont au titre de la détention provisoire et donc présumés innocents !

Malgré ce constat, les EPM sont présentés par le Ministère de la Justice et la direction de la PJJ comme un modèle destiné à améliorer les conditions de détention. Pourtant, la plupart des quartiers pour mineurs ont été conservés et servent à trier les jeunes, en orientant les plus difficiles en quartier mineur et les autres en EPM, ces prétendues « prisons éducatives », selon la DPJJ.

Le Ministère de la Justice fait peu de cas des conditions de détention, ainsi l’administration pénitentiaire n’hésite pas à prévoir des transferts punitifs de jeunes condamnés de la région de Marseille vers la prison de Borgo en Corse, après avoir décrété qu’ils n’avaient pas beaucoup de visites de leur famille. Le quotidien dans les EPM c’est le risque permanent de l’explosion des jeunes confrontés à une vie collective brutalement subie et sans issue, rendant impossible tout travail d’éducation ou de réinsertion sociale. En contradiction avec les décrets sur la détention des mineurs, certaines unités d’EPM, « des unités strictes », sont utilisées dans une logique disciplinaire- à des fins d’isolement des jeunes jugés ingérables en collectif. L’écart est immense entre une ambition proclamée et la réalité des faits !

La pression est telle qu’à Meyzieu la totalité des surveillants de l’administration pénitentiaire demandent leur mutation après 6 mois, alors même qu’ils étaient volontaires pour cet établissement. Chez les enseignants recrutés sur profil pour travailler en EPM, nombre ont déjà démissionné, et d’autres enchaînent les arrêts maladie. Quant aux éducateurs-PJJ, qui dans leur grande majorité sont des jeunes récemment formés, la plupart expérimente le fait qu’il n’y a pas de travail éducatif possible en détention, et qu’ils sont au mieux des agents de pacification sociale à l’usage de l’administration pénitentiaire.

Aujourd’hui, l’habillage éducatif des EPM vole en éclats, les mineurs subissent l’angoisse de la situation carcérale et trouvent un exutoire à celle-ci pendant les temps collectifs en s’engouffrant dans des rapports de violence. La prégnance du système disciplinaire carcéral ne permet ni la parole libre, ni les espaces de négociation. L’éloignement des jeunes et de leur familles est encore accentué. C’est sur la base de constats semblables que, dans le passé, de tels établissements ont été définitivement fermés, que les éducateurs de la PJJ sont sortis des prisons et que le suivi des mineurs incarcérés a été organisé de l’extérieur et que la prévention a été privilégiée. Car la place des enfants n’est pas en prison, et aucun travail éducatif n’y est possible.

La surenchère répressive : un prix exorbitant, un coût humain dramatique, et l’aggravation des problèmes comme résultats.

L’Etat a choisi de consacrer 90 millions d’euros à la construction de ces nouvelles prisons pour mineurs de 60 places chacune. Ce sont donc 420 places qui viennent s’ajouter pour partie à celles des quartiers pour mineurs existant déja dans les Maisons d’Arrêt, portant la capacité de détention de mineurs à 1147 places alors que la moyenne des jeunes incarcérés ces dernières années tourne autour de 700 jeunes par an pour un séjour moyen en détention inférieur à 3 mois. La construction de ces EPM, c’est aussi un risque de surenchère de la justice expéditive qui fait de l’enfermement la réponse à tout délit. Les EPM suivent aussi en celà la logique inflationniste du système carcéral français : à chaque construction de nouvelle place de prison l’on constate une augmentation des incarcérations.

La construction d’un seul établissement équivaut au fonctionnement de 6 foyers éducatifs de 10 places, 8 services d’insertion professionnelle, soit 250 mineurs pris en charge, 10 services de milieu ouvert, soit 1500 jeunes suivis. Et tandis que la direction de la PJJ transfère près de 300 éducateurs en EPM, on déplore la fermeture de foyers d’accueil et la suppression de postes en milieu ouvert. Soit une baisse de la prévention qui ne manquera pas d’avoir pour corollaire une augmentation des passages à l’acte. Des moyens considérables sont attribués à de nouvelles prisons au détriment de toutes les mesures éducatives qui peuvent contribuer à la prévention.

Obtenir la fermeture des EPM

Les mouvements d’opposition à la construction de ces nouvelles prisons pour enfant n’ont malheureusement pas abouti, malgré des oppositions déterminées. Depuis l’ouverture du premier EPM à Lavaur (Tarn) en juin 2007, les oppositions se maintiennent : rassemblements et tables rondes ont eu lieu à l’initiative du SNPES-PJJ assistés d’autres syndicats de la FSU (Porcheville 77 et Orvault 44). Le 9 février, un rassemblement se tenait à Meyzieu suite au suicide du jeune Julien. Par ailleurs rendu public en février, le Manifeste “Nous ne travaillerons pas en EPM” a maintenant gagné une audience nationale.

La dynamique crée de 2002 à 2007 contre la construction des EPM doit trouver un nouveau souffle et pouvoir converger autour d’un double mouvement de refus de ces établissements et de soutien à celles et ceux qui refusent d’y travailler. La transformation des collectifs anti EPM en “Observatoire” des EPM pour faire connaître ce qui s’y passe réellement serait une première façon de faire tomber au moins le mur du silence qui entoure ces prisons pour enfants.

Nous devons refuser la banalisation de l’incarcération des enfants, et obtenir la fermeture de ces établissements. La FSU doit y contribuer en sensibilisant les personnels des différents secteurs concernés : PJJ bien sûr, mais aussi personnels du premier et du second degré, travailleurs sociaux, personnels de santé, et de l’administration pénitentiaire, pour faciliter la convergence des différentes initiatives qui vont toutes dans le sens de la fermeture de ces monstruosités carcérales. Elle soutient les personnels qui refusent d’y travailler.

Car si selon le mot de Victor Hugo “Quand on ouvre une école on ferme une prison”, on constate que l’époque est plutôt à l’ouverture des prisons gagnée sur la fermeture des écoles et des structures éducatives, ou la suppression des postes d’enseignants. Et cela ne devrait laisser indifférent aucun personnel de la culture, de l’éducation, de l’insertion ou de la formation.

Note

1) ERIS : Equipes Régionales d’Intervention et de Sécurité, soit des surveillants de l’administration pénitentiaire qui interviennent cagoulé et en tenue anti-émeute pour remettre ponctuellement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires.