Plusieurs fois reportée, la présentation du projet de loi HPST devrait intervenir prochainement au conseil des ministres. La première lecture à l’Assemblée nationale est prévue début décembre et la discussion au Sénat début 2009. Les décrets d’application de la loi devraient être publiés d’ici l’été 2009. Roselyne Bachelot prévoit également de présenter début 2009, un nouveau projet de loi consacré à la santé publique, (révision quinquennale de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique).


Ce texte devrait intégrer des mesures qui figuraient dans une première version du projet HPST (notamment la réforme du dépistage en milieu scolaire recentrant les visites médicales obligatoires à l’école pour les enfants de 6 ans et de 12 ans et l’expérimentation des consultations à 9 ans et à 15 ans pour les élèves en situation de précarité, notamment dans les zones franches urbaines). Il pourrait également inclure un renforcement du contrôle de la présence de radon et d’amiante dans les bâtiments, et des actions contre l’obésité.

Le projet de loi HPST comprend 31 articles répartis en quatre titres: modernisation des établissements de santé ; accès de tous à des soins de qualité ; prévention et santé publique ; organisation territoriale du système de santé.

Reprenant les principales propositions des différents rapports (Larcher, Ritter, Valencien), il s’inscrit dans une politique de changement profond de l’organisation et du pilotage du système de santé, comme de celui de la sécurité sociale. Cette nouvelle organisation a pour but essentiel de contenir les dépenses, qui seront contrôlées par l’état, alors que le budget de la sécurité sociale est plombé par la faiblesse des recettes et le poids des exonérations de cotisations, dans un contexte de croissance économique quasi nulle.

S’il affiche des objectifs de santé que l’on peut partager, le projet de loi HPST ne s’en donne les moyens ni financiers, ni humains, ni organisationnels en refusant de prendre de vraies décisions sur l’installation des médecins, la permanence des soins ou la rémunération à l’acte. On est donc loin d’une modernisation du service public de santé. Plus encore, l’hôpital est sommé de fonctionner comme une entreprise, et de larges pans de ses activités vont être attribués au secteur privé.

L’hôpital et sa gouvernance: le projet modifie considérablement l’organisation actuelle.

L’hôpital, accusé de « rigidités » devient une entreprise dirigée par un « patron », le directeur, qui manage un « directoire » dont il nomme les membres, et n’a de compte à rendre qu’au directeur de l’ARS !

Un nouveau statut contractuel est créé pour les médecins hospitaliers: leur rémunération comprendra une partie fixe et une partie variable (pouvant aller jusqu’à 70% de la partie fixe), en fonction des « résultats ». Le statut des praticiens hospitaliers et de fonctionnaire de direction de la fonction publique hospitalière risque donc de disparaître, à plus ou moins long terme.

Les établissements sont très encadrés par l’ARS (contrats d’objectifs et de moyens avec sanctions ! )

En ouvrant la possibilité de confier des missions hospitalières publiques aux cliniques privées, (notamment la permanence des soins, les urgences, la recherche…), le projet supprime de fait la différence entre le secteur public et le secteur privé.

Si « favoriser les coopérations entre les établissements de santé » peut être une bonne chose, l’objectif des « communautés hospitalières de territoire » s’inscrit non dans l’objectif de coopération et de complémentarité, mais dans celui de faciliter les restructurations hospitalières ; quant aux groupements de coopération sanitaire (déjà actés dans la loi « hôpital 2007 »), ils permettent déjà aux cliniques privées de choisir les activités les plus rentables !

Sous le titre Modernisation de la recherche clinique, se cache par ailleurs l’unification des dispositifs publics et privés, ce qui va permettre au secteur privé de bénéficier de fonds publics pour la recherche et la formation médicale. L’hôpital pourra recourir à des fonds privés, ce qui pèsera évidemment sur ses orientations, notamment en matière de recherche, où le lien avec le « monde de l’industrie » est sollicité.

Les ARS: l’état prend la main

Les agences régionales de santé auront compétence en matière de politique de santé publique, de soins ambulatoires et hospitaliers, de prise en charge et accompagnement dans les établissements et services médico-sociaux, en matière de professions de santé, et assureront la réalisation de ces missions.

Ces agences seront pilotées par un exécutif fort (directeur nommé en conseil des ministres, sorte de préfet sanitaire) et dotées d’un conseil de surveillance. La conférence régionale de santé reste consultative.

La création des agences régionales de santé réduit considérablement le périmètre de la sécurité sociale puisqu’elles géreront le risque. De ce fait, la sécurité sociale sera réduite au rôle de payeur. Les Caisses régionales de l’assurance maladie, sont menacées de disparition, comme le sont également les DDASS et DRASS, le médico-social passant sous la tutelle de l’ARS. Les personnels, dont les statuts sont de nature différente, sont placés sous l’autorité des ARS.

La démocratie sanitaire risque d’être la grande absente…

Au niveau national, un conseil stratégique, présidé par les Ministres concernés,et comprenant des représentants de l’Etat et des établissements publics, dont la CNSA, et des organismes nationaux d’assurance maladie (UNCAM), est chargé du pilotage, de la coordination et de l’évaluation des ARS.

L’Etat, logiquement responsable en matière de santé, se donne désormais les moyens de gérer le système à la place de la Sécurité Sociale, même si l’on évoque un bicéphalisme au conseil stratégique.

A la fin du chapitre 4, l’article 30 permet l’utilisation des ordonnances (pas de débat sur la disparition des ARH, des CRAM, des DDASS et des DRASS…).

Par ailleurs, avec la réorganisation du système, et même si le gouvernement reste prudent, la question centrale est celle du partage des risques. L’objectif est de transférer des pans entiers de la Sécurité sociale sur les organismes complémentaires (et particulièrement les assurances privées, dont le lobbying est intense): le rôle de l’assurance-maladie en serait complètement transformé, assurant le risque lourd et renvoyant sur le financement privé les « petits risques ». Pour l’instant, ce que l’on sait du PLFSS, encore en arbitrage à cette date, c’est que les transferts envisagés (de l’optique par exemple) n’ont pas été actés. D’une certaine manière, le protocole signé entre R. Bachelot et la Mutualité*, qui dessine un partenariat contestable, confirme à cette date que l’optique reste dans le champ de la sécurité sociale, le bouclier sanitaire semblant pour l’instant également écarté. La taxation des complémentaires (un milliard d’euros) est quant à elle clairement décidée.

Des négociations engagées avec les syndicats de médecins pour la mise en place d’un secteur optionnel visent à généraliser (sous couvert d’encadrement) les dépassements d’honoraires, ce qui signifie à terme la disparition du secteur 1.

* une note sur ce sujet sera diffusée prochainement, après la rencontre entre la FSU et la FNMF