Pour la réussite de tous les élèves ?
Nous pourrions à priori nous dire, mais quelle évidence, qui pourrait bien penser le contraire ?
Et pourtant, certains ne s’en cachent pas et ils disent même ouvertement que tous les jeunes « ne sont pas faits » pour l’École, qu’ils n’y ont pas leur place, que cela coûte bien cher à la société pour pas grand-chose….
C’est pour cela que nous avons organisé ce colloque. Pour redire que tous les jeunes ont leur place à l’École, que tous peuvent et doivent y réussir mais que pour que cela soit possible, c’est au système éducatif de se transformer !
Le sondage que l’institut Harris Interactive nous présentera cet après midi montre que cette conviction portée par la FSU est partagée par les français. Et que nous partageons du coup aussi la nécessité qu’il y a à lutter contre les inégalités.
Notre système éducatif fait les frais de crises qui se sont multipliées ces dernières années avec des conséquences lourdes et il est clair qu’aujourd’hui un malaise profond s’est installé dans la société. Dans ce contexte, il est plus difficile, et particulièrement pour les jeunes, d’imaginer et de croire en des perspectives nouvelles, porteuses d’espoir. Les défis d’un monde à venir sont trop souvent vus comme des problèmes et non pas comme des opportunités, porteuses de progrès potentiels.
Mais si nous regardons bien, quels que soient les sujets à traiter pour sortir de ces crises, pour faire face aux multiples défis (technologiques, culturels, la révolution numérique…) il y a toujours une même clé qui ouvre des portes essentielles. Cette clé, c’est celle de la Formation. On ne développera pas l’emploi, on ne fera pas la transition écologique, on ne fera pas triompher la démocratie sans un engagement sans faille et un investissement dans l’Éducation. On ne permettra pas non plus à tous les jeunes de se construire un avenir personnel et professionnel sans une éducation de qualité.
Disant cela, il ne faudrait pas laisser croire que l’École n’a rien réussi depuis des décennies. Tout d’abord, il y a des élèves qui y réussissent très bien… Et puis les jeunes possèdent un niveau d’études plus élevé que le reste de la population. Même si ce n’est pas le sentiment qu’en ont les français, les jeunes sortent mieux armés du système éducatif aujourd’hui qu’hier : 40 % en 1970 de jeunes sortants sans formation ni diplôme, 15 % à la fin des années 1990.
Certes le temps éducatif est un temps long.
Mais aujourd’hui, alors que de nombreux français pensent que le système éducatif fonctionne mal, qu’ils ont le sentiment que si le monde autour de l’École a changé, le système éducatif lui n’a pas tellement changé, il est clair qu’il reste du chemin à parcourir pour que la priorité au primaire, une réforme utile au collège comme au lycée, la démocratisation de l’université soient une réalité.
S’il y a eu au début de ce quinquennat un discours réel sur l’éducation et une volonté de rompre avec la politique précédente qui menait à une impasse éducative et démocratique, si des moyens ont été engagés, si la formation initiale a été remise en route, s’il y a aujourd’hui une reprise des recrutements, si le protocole « PPCR » permet une première revalorisation des personnels, évidemment il y a eu aussi de sérieux loupés, comme par exemple avec les rythmes scolaires et la réforme du collège, et il reste encore beaucoup à faire.
Alors autant le dire, il faudra créer – n’en déplaisent aux pourfendeurs de la dépense publique – de nouveaux postes, prévoir de nouveaux crédits sinon l’essai ne sera pas confirmé. Car le système éducatif reste très fragile aujourd’hui. Les conditions d’exercice du métier d’enseignant, mais aussi celles de l’ensemble des personnels, n’ont pas beaucoup changé sur le terrain. Sans compter ce sentiment d’être au milieu du gué, de ne pas avoir été suffisamment entendu, cette difficulté qu’il y a exercer un métier difficile sur lequel repose tant d’espoir et de destin…
Le premier défi à relever aujourd’hui est celui de la lutte contre les inégalités.
Aujourd’hui 14 % des français vivent sous le seuil de pauvreté. 20 % de nos élèves. Faut-il rappeler que la France est la 5ème puissance mondiale…
Les inégalités continuent de se creuser dans notre société, les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, et les jeunes sont les premiers à en souffrir. La forte corrélation entre inégalités sociales et inégalités scolaires est connue. Le système éducatif parfois crée lui même des inégalités et ne permet pas suffisamment à tous les jeunes de sortir de l’école avec une qualification, ni de poursuivre leurs études.
L’insertion professionnelle reste difficile pour nombre d’entre eux et jalonnée d’obstacles avec une précarité toujours trop longue après l’obtention d’un diplôme.
Il faut pour autant redire que le diplôme reste protecteur face au chômage. Selon l’INSEE, 82% des jeunes sortants diplômés du supérieur sont en emploi contre 31% des non diplômés. D’une année sur l’autre, lorsqu’ils quittent un emploi temporaire, les jeunes diplômés du supérieur accèdent deux fois plus fréquemment que les non diplômés à l’emploi stable.
Ce constat nous conforte dans la nécessité d’en finir avec les sorties sans qualification et d’élever le niveau pour tous.
Notre colloque tombe donc au bon moment.
Un projet éducatif à mettre en perspective pour les années à venir, une campagne pour les élections présidentielles qui est lancée… et nous pouvons déjà voir que la Fonction publique est sur la sellette : suppression de postes de fonctionnaires, augmentation du temps de travail sans compter tout un programme pour l’École allant de l’autonomie des établissements à la régionalisation, notamment de l’enseignement professionnel… un air de déjà vu qui a été destructeur pour la Fonction publique et tout particulièrement pour l’Éducation nationale… des rapports et des études qui pleuvent sans toujours nous aider à y voir clair.
Ainsi, aujourd’hui l’étude PISA est publiée !
Il semblerait que les résultats ne soient pas meilleurs que lors de la précédente étude et évidemment cela n’est pas fait pour nous rassurer. Car si nous connaissons les limites de telles études, elles signifient que nous n’avons pas les résultats escomptés compte tenu des investissements faits et des efforts des personnels.
Il nous faut donc affronter la réalité telle qu’elle est si nous voulons la transformer.
La question est donc, là où nous en sommes, comment fait-on ?
Tout d’abord il faut avoir un regard lucide sur l’état de l’éducation et de la formation, ensuite il nous faut faire partager nos convictions et nos idées.
Il n’y a pas de solution simple. Et attention aux réponses démagogiques qui, sous couvert de bon sens, peuvent séduire une opinion inquiète pour l’avenir des jeunes.
C’est pourquoi nous avons pris le parti de dépasser les constats lors de ce colloque. D’où nos invitations faites aux chercheurs et experts du système éducatif pour échanger et débattre. Nous avons besoin de ces regards extérieurs pour réfléchir et avancer sur les propositions à construire. Mais la FSU et ses syndicats ont tenu aussi à donner le signal que rien ne se fait sans les personnels, les acteurs de terrain, d’où une série de témoignages de collègues tout au cours de nos deux journées de colloque. Je les en remercie toutes et tous.
Nous avons aussi invité tous les partenaires de l’école et nous les remercions aussi de leur présence.
Je veux aussi enfin remercier les camarades de notre secteur Éducation de la FSU qui préparent depuis plusieurs mois ces travaux.
Ils ont préparé cela avec beaucoup de conviction et d’espoir aussi.
L’Éducation crée du sens commun. Nous en avons tant besoin aujourd’hui. Construire une École qui permette à chacun de trouver sa place et qui fasse société ? Cela n’a rien d’impossible. Un projet pour l’École est indéniablement un projet de société. Il s’agit donc de trouver la voie d’une société qui fait sienne l’émancipation de chaque individu, l’égalité, la liberté, la laïcité, qui cherche le progrès dans la justice sociale, une société qui fasse réellement de la jeunesse sa priorité. Qui place pour cela l’éducation et la formation au cœur des enjeux actuels.
Le programme de ce colloque va nous permettre de traiter et échanger sur toutes ces questions. Nul doute que nous en ressortirons plus riches pour construire de nouvelles propositions, mieux armés aussi pour poursuivre les batailles à mener. Plus rassemblés peut-être pour préparer l’avenir.
Je vous souhaite à toutes et à tous un très bon colloque.