Lettre ouverte UNEF, SNESUP, SNES, SNEP, SNUIPP, SNUEP à Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Luc Chatel, Ministre de l’Education Nationale

Madame la Ministre,

Monsieur le Ministre,

Nous tenons à attirer votre attention sur la situation injuste dans laquelle sont placés les étudiants titulaires du seul diplôme de Licence qui ont déjà passé un concours de recrutement d’enseignants, qui ont échoué et qui risquent de ne pas pouvoir le tenter à nouveau. Conséquence de votre réforme dite de « mastérisation », à la rentrée 2010, ces étudiants ne peuvent repasser le concours qu’à la condition d’avoir un Master2, un titre équivalent ou d’être inscrit en Master2. Or, nombre d’entre eux n’ont qu’une licence puisque c’était le diplôme requis jusqu’à présent, ou des équivalences d’Unité d’Enseignement de Master1. Ces étudiants risquent – alors qu’ils ont déjà passé le concours – de ne pouvoir le tenter à nouveau, parce que les règles du jeu ont changé brutalement. C’est totalement injuste. Ces étudiants – qui pour beaucoup ont fait des études pour devenir enseignants – n’ont pas à faire les frais d’une réforme que tous les acteurs contestent depuis maintenant 2 ans.

Sans être exhaustifs, citons différents cas.

Pour les étudiants n’ayant pas le Master1 mais ayant préparé le concours à l’IUFM ou dans une autre composante (UFR) cette année, leur première année d’IUFM (PLC1 et PE1) peut être validée ou donner des équivalences puisque le gouvernement a considéré cette année comme une année transitoire (circulaire Hetzel du 14 mai 2009 n°2009-0108). Cependant, le problème de la sélection pour entrer en Master2 fait qu’aucun étudiant ne sait encore s’il pourra y être inscrit. En effet, les universités fixent des capacités d’accueil en fonction de la politique adoptée par leur Conseil d’Administration et des moyens dont elles disposent. Les étudiants, qui ne connaissent ni ces capacités d’accueil ni les critères qui les régissent, ne peuvent anticiper sur leur choix d’inscription.

De plus, cette inscription en Master2 risque d’être impossible pour de nombreux candidats, notamment pour ceux qui préparent les concours de certaines disciplines pour devenir professeur de lycée professionnel, CAPET ou de l’enseignement agricole ou pour les disciplines à petits effectifs (philosophie, certaines langues vivantes, …) car beaucoup de Masters propres à la préparation de ces concours n’existeront pas en septembre prochain.

Pour les étudiants qui ont déjà été inscrits à l’IUFM ou dans une UFR sans l’être cette année, et qui sont titulaires uniquement d’une licence, la seule solution est de demander une « validation d’acquis d’études supérieures » pour pouvoir entrer en Master2 (dont le coût peut varier fortement d’une université à l’autre), mais là encore sans la moindre assurance d’être acceptés. Récemment, une étudiante s’est adressée à la FSU : L’année dernière j’étais à l’IUFM et j’ai été admissible au concours. Cette année je n’ai pu redoubler car le centre de formation qui m’a été proposé était trop éloigné de chez moi et je me suis inscrite au CNED. Je ne suis pas admissible au concours 2010 et je souhaiterais savoir s’il y a une possibilité d’intégrer le Master2 à la rentrée et quelles en sont les modalités ?

Pour les candidats qui n’ont jamais été inscrits à l’IUFM ou en Master dans une UFR, la validation de leur acquis risque d’être encore plus difficile. Il ne restera plus que la solution de s’inscrire en Master1 et recommencer un cycle complet de Master ! Là aussi, c’est très injuste. Exemple : Je suis titulaire de deux Licences différentes. Je n’ai pu entrer à l’IUFM l’an dernier. J’ai malgré tout préparé le concours PE (CRPE) en candidat libre. Étant boursier, je n’ai pu entrer à l’IUFM cette année parce que je ne pouvais pas me permettre de quitter mon emploi. J’ai donc préparé une nouvelle fois le concours en candidat libre, et je suis une nouvelle fois admissible. Cependant, et suite à la réforme en cours, si par malheur je ne valide pas ce concours, je serais dans une situation embarrassante, car l’IUFM n’est en mesure de donner d’équivalence qu’aux étudiants sortis de leur établissement. Dès lors, il faudrait que je m’inscrive en Master1 l’an prochain, sans avoir droit de passer le concours, puis de faire le Master2 l’année suivante (2011/2012), pour pouvoir postuler une nouvelle fois aux épreuves du CRPE. Cette situation est très inconfortable et angoissante dans la mesure où je ne sais vraiment pas comment va se passer l’année prochaine. La dérogation obtenue l’an dernier peut-elle se prolonger ?

Autre exemple : J’ai une Licence. Je fais des remplacements à l’Education Nationale, alternés avec des emplois à temps très partiel dans le milieu associatif depuis 3 ans ; j’ai été admissible deux fois au CAPEPS, mais pas cette année. Que puis-je faire pour repasser le concours ?

Enfin, les étudiantes ayant attendu un enfant au cours de l’année universitaire 2009-2010, les étudiants en congé parental ou en congé longue maladie rentrent aussi dans ces cas de figure. Contrairement à ce qui avait été affirmé l’an dernier dans les groupes de travail des ministères en 2009, ces étudiants ne sont pas des « épiphénomènes » !

Quelles solutions nationales pour ces étudiants inscrits au concours qui ne sont pas des cas isolés ? Les syndicats de la FSU (SNESUP, SNES, SNUipp, SNEP, SNUEP) et l’UNEF vous demandent à nouveau l’abandon de cette réforme et sa remise à plat.

Ils demandent en urgence :

 des mesures pour que tout(e) étudiant(e) qui a déjà passé le concours avant 2009 puisse se réinscrire au concours par équivalence de titre, pour cela, il est possible de modifier l’arrêté du 31 décembre 2009 fixant la liste des titres équivalents pour concourir,

 qu’en outre des moyens soient accordés aux universités pour qu’elles soient en capacité d’accueillir en M2 tous les étudiants qui ont déjà passé le concours et dont les études ont été validées.

Par ailleurs, des solutions doivent être trouvées pour que les étudiants déjà titulaires d’un Master2 puissent préparer le concours au sein d’une université dans le cadre d’une préparation aux concours reconnue par l’État. L’inscription dans une préparation aux concours ne doit pas engendrer de frais supplémentaires pour un étudiant inscrit par ailleurs à l’université. Les frais d’inscription des préparations non diplômantes doivent être fixés nationalement et ne pas dépasser le montant des frais d’inscription d’une licence.

Les IUFM doivent poursuivre cette mission inscrite dans le code de l’éducation (L 625-1) et avoir les moyens de le faire. Pour cela, l’État doit continuer de financer ces années et allouer les moyens (en personnel, financiers, logistiques, …) correspondant aux universités.

Par ailleurs, pour les candidats qui bénéficient d’une dérogation de titre et qui ont besoin de préparer un concours dans certaines disciplines professionnelles, l’État doit encourager et aider les universités à proposer des préparations.

Veuillez croire, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, à notre haute considération.