Visionner le live
Introduction au live: Veronique et Matthieu vous présente la soirée
Véronique PONVERT:
Bonjour à toutes et à tous,
nous allons démarrer cette réunion qui est à l’initiative du Snuitam-FSU et que nous allons donc animer, Matthieu Leiritz et moi même : avant d’accueillir les différents intervenant-es, je vais dire quelques mots pour introduire le débat.
« Quelle police pour quelle société », c’est le titre du débat que nous avons choisi et il pose déjà plusieurs questions, et nous savons que le débat en lui-même en soulèvera encore davantage : en effet, la question de la Police, des missions qui lui sont imposées, ce sont des questions particulièrement vives, et elles le sont d’autant plus au moment où nous débattons, puisqu’elles induisent la dimension des violences et celle du racisme. Les dernières semaines ont été marquées par le mouvement puissant de manifestations aux Etats-Unis après le meurtre de Georges Floyd, et plus près de nous, par des manifestations également importantes à Paris à l’initiative du collectif Adama, et de façon plus générale en Province également, contre les violences policières. Cela fait suite également à la violente répression à l’encontre des Gilets Jaunes, avec des centaines de blessé-es, de mutilé-es, d’éborgné-es. Et ça fait suite également aux manifestations contre la loi travail qui ont connu également leur lot de violence. Et enfin, les rapports difficiles entre la jeunesse des quartiers populaires les plus discriminés et les forces de police.
La FSU a dénoncé et elle dénonce toujours les violences policières qui sont inacceptables : pour autant, le débat d’aujourd’hui a pour objectif d’essayer d’aller plus loin, c’est-à-dire de prendre à bras le corps la question des rapports entre la population et la police, sans esquiver cette question importante, en essayant au contraire d’apporter des réponses en accord avec notre objectif de transformation sociale. Par ailleurs, notre fédération compte aussi des policiers syndiqués, eux aussi agents du service public : des agents qui partagent les valeurs de la FSU, qui sont donc opposé-es aux violences et à l’impunité policière, et pour lesquels il est nécessaire de porter des propositions sur leur mission de service public, leur formation, leurs conditions de travail…
L’objectif de notre débat de ce soir c’est de dresser un état des lieux de la situation, de voir ce que ça révèle de l’état de notre société, de ses rapports avec la police : il s’agit donc de tenter d’apporter un éclairage ainsi que quelques pistes syndicales. Nous tentons ce soir un premier débat ouvert, en sachant qu’il ne fera pas à lui seul le tour de la question, et donc qu’il appellera évidemment d’autres débats…
Je passe maintenant la parole à Matthieu.
Matthieu LEIRITZ:
Véronique vient de rappeler les raisons et les objectifs pour lesquels la FSU et le SNUITAM FSU Intérieur avaient souhaité organiser cette table ronde et comme elle l’a laissé entendre, nous avons souhaité avec les intervenantes et les intervenants, en lien avec notre secrétaire général Benoît TESTE, organiser la discussion, le débat, les échanges, autour de deux axes principaux que je vais rappeler avant de donner la parole au premier de nos intervenants.
Le premier axe, en effet: un état des lieux, qui sera évidemment loin d’être exhaustif, sur l’état des relations difficiles – on le sait bien- entre la police et la société française. Véronique vient de nous rappeler des éléments d’actualité extrêmement douloureux.
Le deuxième axe, ce sont les pistes de réponses syndicales- parce que cette table ronde est l’émanation d’une réflexion syndicale – mais pas seulement syndicale; politique, sociale, sociétale… pour apaiser les relations entre la police et la société, renforcer la culture républicaine dans la police, donner les moyens aussi à cette police pour assurer et améliorer ainsi le service nécessaire rendu aux citoyennes et citoyens.
Plusieurs intervenantes et intervenants -et on les remercie vraiment chaleureusement- ont répondu à notre demande de participer à cette table ronde; ils le font en tant que militants syndicaux, y compris de la FSU, on les présentera au fur et à mesure. Mais aussi en tant que responsables d’organisations qui sont bien sur en lutte aux questions soulevées par les rapports entre la police et la société -là encore, nous les présenterons au fur et à mesure.
Et cette table ronde sera donc clôturée par notre secrétaire général Benoit Teste.
Le débat
Les faits de violences policières sont au cœur de l’actualité, partout dans le monde et donc aussi en France. La distance ainsi créée entre la population, particulièrement la jeunesse, et les forces de l’ordre n’est pas saine dans une démocratie: quelles pistes peuvent être proposées pour en sortir?
La branche intérieur du SNUITAM-FSU est un syndicat de policier-es qui demande des évolutions profondes des métiers de la police, en lien avec des valeurs progressistes et républicaines: quelles sont ses propositions ?
Plus généralement, quelles sont les conditions d’une police républicaine au service de l’intérêt général et de la population?
La FSU vous donne rendez-vous en visio lundi 29 juin de 18h à 19h30 pour un débat avec :
– Flavien Bénazet, branche intérieur du SNUITAM-FSU
– Malik Salemkour , LDH
– Mélanie Luce, UNEF
– Rachel Schneider, enseignante 1er degré – FSU
– Thierry Novarèse, membre de l’Institut de recherche de la FSU, professeur de philosophie et lieutenant-colonel de gendarmerie
– Julien Fonte, FSU Territoriale
– Olivier Sillam, FSU
– Geneviève Legay, militante altermondialiste – ATTAC
Poser ses questions en direct
Contribution de Jean Louis ARAJOL
Jean Louis ARAJOL, ancien S.G. du SGP et de la FASP, Président du Collectif « POLICE REPUBLIQUE ET CITOYENNETE », Auteur du livre « Police en Péril » aux éditions du Cherche Midi , paru le 25 Juin 2020
Mon cher Flavien, Mesdames, Messieurs , chers collègues ,
Permettez moi tout d’abord de vous féliciter pour cette heureuse et louable initiative. Critiquer est aisé. Construire est plus difficile et je pense qu’il est grand temps qu’une réflexion de fond s’engage sur le Service Public de Sécurité. Une réflexion similaire a été entamée par Unité SGP POLICE PARIS il y a deux ans. Il est important pour le policier comme je le dis toujours, de « sortir de son véhicule de patrouille »
Je vais bien sûr tenter d’être assez bref et de dresser ici seulement quelques pistes de réflexion que j’évoque dans mon ouvrage
La première de ces réflexions est la suivante : Triste constat :depuis des années, le Service Public de Sécurité a été comme tous les Services Publics paupérisé. Quelles que soient les politiques publiques qui se sont succédées, elles ont privilégié un modèle qui n’est pas le notre. A un modèle Républicain privilégiant un Service Public fort et garant du principe d’égalité pour tous les citoyens, elles ont peu à peu substitué un modèle ultra libéral : décrépitude du Service Public, multiplication des polices, privatisation. Ce que je nomme dans mon livre « le médiocre exemple Américain », son échec, encore récemment illustré par l’affaire Floyd et les incidents qui en ont découlé, se concrétise chez nous comme ce fut le cas il y a peu à Dijon ou pendant trois jours, en l’absence de toute intervention d’ Etat. La résurgence des communautarismes et l’affrontement entre deux communautés ont provoqué les incidents que l’on sait. A Dijon, ce sont deux Imams qui à la barbe de la République ont réinstauré la Paix publique dans le quartier des Grésilles. Voilà un triste exemple de ce qu’il advient dans les territoires perdus de la République ou les Services Publics ont déserté . Ces zones de non droit devenues aujourd’hui zones d’un autre droit. Ce modèle ultra libéral a été gravé dans le marbre au sein de la Maison Police avec la Réforme des Corps et des carrières de 2004 qui a entériné en situation de Droit, une situation de fait : La Culture du résultat et la notion de rentabilité sont désormais les pierres angulaires du Service Public de Sécurité
La première des propositions que je soumets au débat est donc d’en finir avec ce modèle et de revenir à un modèle Républicain qui privilégie le Service Public de Sécurité
D’abord , il faut mettre un terme aux réformettes et au saupoudrage en matière de sécurité, basé sur les échéances électorales rétrécies du fait du quinquennat . A défaut d’une grande réforme de fond et avec pour pierre angulaire les restrictions budgétaires, la communication et les effets de manche masquent aujourd’hui un abandon flagrant par l’ Etat de ses prérogatives régaliennes.
Ensuite, il est grand temps de mettre tout sur la table. De dresser un Etat des lieux précis de la situation sécuritaire de notre pays en engageant un débat public, dépassionné, sur ce sujet sensible et ce en dehors de toute considération partisane et (ou ) politicienne . La sécurité, c’est l’affaire de tous.
Enfin, une Loi d’Orientation et de programmation sur la sécurité intérieure doit très vite être soumise au parlement . Elle doit s’appuyer sur les trois principes suivants :
- Rapprocher la police de la population et de la jeunesse
- Engager un plan massif pour le Service Public de Sécurité
- Instaurer l’ Ordre Républicain partout et en tous lieux
- Rapprocher la police de la population et de la jeunesse :
D’abord, Il faut réinstaurer « le rêve perdu de la proximité » en multipliant les postes de Délégués Police à la Cohésion. Ils sont 151 aujourd’hui seulement pour 718 zones urbaines sensibles définies par la Politique de la Ville. Ces derniers doivent avoir pour tâche, sous l’autorité du Préfet, entre autres, de mettre en place des Comités Consultatifs de Citoyens, nouvelles instances de démocratie participative. Par ailleurs, les « Q.R.R », quartiers de reconquête républicaine instaurés par Gérard Colomb sur lesquels ont été initié la fameuse « Police De Sécurité au Quotidien » (P.S.Q.) actuellement au nombre de 60 doivent être étendus immédiatement à l’ensemble des Zones Urbaines sensibles . Il ne s’agit pas ici de revenir à la période que j’appelais dans mon premier livre, la période des « flics nounous ». Deux dérives font obstacle à la mise en place d’une Police Républicaine. La dérive ultra répressive et la dérive laxiste. En matière de sécurité, c’est aussi la doctrine du juste milieu qui doit prévaloir.
En matière de maintien de l’ Ordre, il faut également changer de doctrine. Nous ne sommes pas en guerre et le Président n’est ni Clémenceau, ni le Général de Gaulle. En tout cas , pour l’instant. Les manifestations légitimes fussent elles parfois ternies par des actes de violence inadmissibles ne sont pas la bataille de Stalingrad ! A une doctrine de guerre impulsée par le Préfet Lallemand , qui privilégie le matériel à l’humain, il faut substituer une doctrine de Paix . Cette dernière doit consister à privilégier la gestion démocratique des mouvements sociaux. La force publique, instituée pour l’avantage de tous, ne doit pas apparaître comme un garde prétorienne permettant à un Etat d’imposer des mesures illégitimes au peuple de France. La Police n’a pas à se dissocier du peuple dont elle est issue. Les forces de sécurité publique ont le monopole de la violence légitime. Cette dernière doit être graduée, proportionnée.
Enfin, il faut opposer à la culture du résultat, de l’immédiateté et de la suspicion permanente, la culture de la qualité et de la transparence. A l’image de ce qui se fait dans certains pays d’Europe,, comme en Belgique ou en Angleterre , une instance transparente, indépendante , impartiale et responsable devant le Parlement doit se substituer à l’I.G.P.N. et au défenseur des Droits. Cette instance, composée de policiers bien entendu mais aussi d’autres personnes « ressources » doit être décentralisée comme le sont aujourd’hui les sept actuelles antennes territoriales du R.A.I.D. (anciens Groupements d’Intervention de la Police Nationale ) Elle doit pouvoir intervenir dans les plus brefs délais sur le terrain, enquêter comme il se doit et rendre leurs conclusions lesquelles seront rendues publiques . Tout fonctionnaire de Police doit pouvoir s’il fait l’objet de fausses accusations être dans de brefs délais être blanchi grâce à cette instance plutôt que d’être jeté en pâture aux médias et à la vindicte populaire . Tout policier a le droit en tant que citoyen à la présomption d’innocence. Cette instance permettra donc de lever le doute sur toutes les situations complexes qui pourraient mettre en cause les fonctionnaires de Police mais aussi de la Gendarmerie. Les partenaires sociaux qui siègent dans les commissions administratives paritaires, pourront évidemment se prononcer sur les conclusions de cette nouvelle instance. Ils pourront aussi saisir ce nouveau Service de sécurité publique, s’ils considèrent que l’un de leurs délégués, par exemple, fait l’objet d’une mesure injuste et discriminatoire à son endroit dans le cadre de son mandat syndical . Ainsi, qu’il s’agisse des citoyens , des forces de sécurité ou des partenaires sociaux, tout le monde doit gagner à la création de cette nouvelle structure décentralisée. Cette dernière, garantie du respect des Droits et des Libertés, sera dirigée par un Directeur Général, proposé par le Président de la République, une nomination qui devra recevoir l’approbation du parlement . L’actuel Directeur de l’ I.G.P.N (directrice) est nommée par le Premier ministre.
Autorité Indépendante pour la Déontologie des Forces de Sécurité, Défense des Droits de l’enfant, relations avec les services publics, luttes contre les discriminations, relations avec les professionnels de la sécurité, orientation et protection des lanceurs d’alerte, garantie des Droits fondamentaux dont celui inhérent à l’exercice du Droit syndical sont autant de domaines de compétences qui pourront être confiés à cette nouvelle Instance
Bien entendu, les services de Police ou de gendarmerie devront traiter eux-mêmes la majorité des réclamations contre leurs agents sur lesquels ils auront été eux-mêmes et directement saisis mais ils seront tenus d’informer systématiquement l’Autorité Indépendante et de lui référer les cas les plus sérieux
- Privilégier le Service Public de Sécurité
Comme ce fut le cas pour le Segur de la Santé, il faut un plan massif pour le Service Public de Sécurité : Plus d’effectifs et une meilleure répartition des tâches, plus de moyens, et une revalorisation salariale conséquente.
Plus d’effectifs : Le maintien de l’ordre est une affaire de professionnels et ne doit pas être confié à des effectifs de sécurité publique. Pour ce faire, il faut des recruter des personnels au sein des Compagnies Républicaines de Sécurité . De même pour élargir les Quartiers de Reconquête Républicaine aux Zones Urbaines Sensibles, il faut des effectifs . Pour mettre en place des horaires plus adaptés à la vie de famille de chaque fonctionnaire, là encore, il faut des effectifs. Enfin, pour redonner aux services judicaires et de renseignement les moyens de faire leur travail, il faut toujours et encore des effectifs Emmanuel MACRON avait promis l’embauche de 10 000 Gardiens de la Paix. Entre 2017 et 2020, 1000 Gardiens ont été embauchés, et la Police Nationale a perdue 32 commissaires et 408 officiers. Nous sommes donc loin du compte.
Pus de moyens : les nouvelles technologies et les moyens adaptés aux nouvelles formes de violence, doivent être mis à la disposition de la lutte contre l’insécurité
Revalorisation salariale : Une augmentation immédiate de 300 Euros par mois pour tous les policiers sans distinction de grade ou d’emploi doit être octroyée
- Faire respecter l’Ordre Pubic partout et en tous lieux
Nul territoire de la République ne doit être abandonné au communautarisme, à la ghétoïsation et aux trafics A titre d’exemple, la culture du résultat privilégiant la quantité du travail fourni à la qualité du travail fourni n’a enrayé en rien le trafic de drogue ( un marché de 3 à 4 milliards par an ) Cette culture du résultat n’a pour seul « résultat » que d’attiser les tensions et d’induire une politique à la fois inefficace et plus répressive
Les Centres de Coopération Police et Douanes ( C.C.P.D.) doivent être multipliés et avoir plus de moyens. AL CAPONE n’est pas tombé à cause des problèmes de Police. Il est tombé sur des problèmes fiscaux et financier.