La FSU a rencontré les représentant-es des candidat-es de : Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Fabien Roussel sur la question de la fonction publique et des services publics.
Cet échange avec les candidat-es de la gauche et de l’écologie avait une double ambition, à fois de fond et de forme : mettre en débat les propositions sur la fonction publique et les services publics mais aussi échanger sur la meilleure manière que ces propositions soient portées.
Bien entendu, la FSU rencontrera l’ensemble des candidat-es et fera valoir ses propositions sur l’ensemble des sujets. Mais il nous a semblé qu’à ce stade de la campagne, il était de notre responsabilité de mettre en débat nos propositions devant les forces qui peuvent être le plus en capacité d’en reprendre une partie, et de le faire dans un cadre multilatéral, permettant mieux de voir les convergences et les éventuels points de débat.
La FSU a commencé par dire qu’elle souhaitait insister, car il lui semble que cela relève de sa responsabilité, sur quelques éléments de bilan négatif des mandatures précédentes : le gel de la valeur du point d’indice, la loi de transformation de la fonction publique et l’austérité budgétaire. Nous avons souhaité aussi interroger les candidat-es sur la décentralisation et les enjeux des services publics de proximité. Cela ne fait évidemment pas le tour de la question mais nous avons volontairement ciblé quelques questions.
– Sur la loi TFP, nous avons insisté sur son extrême gravité tout en reconnaissant une grande difficulté à mobiliser pour son abrogation et à en faire appréhender les enjeux par les agents eux-mêmes, et encore plus par l’opinion. Nous avons demandé aux représentant-es des candidat-es, s’ils avaient comme nous la volonté de revenir sur cette loi, et nous nous sommes dits disponibles pour poursuivre les échanges pour discuter de la meilleure façon de porter ce sujet dans le débat public. Rôle de la démocratie sociale (CAP), recours accru à la précarité, régression dans la FPT sur le temps de travail et sur le droit de grève, etc.
– Sur les rémunérations : le gel de la valeur du point d’indice n’est pas inédit mais d’une part il aura duré sur l’ensemble des 5 années dans un contexte de reprise de l’inflation à la fin ; nous avons insisté sur le développement de l’indemnitaire inégal, porteur d’inégalités en particulier entre les femmes et les hommes, d’accroissement des tâches et de mise en concurrence des agent-es entre elles et eux.
– Sur la décentralisation : nous n’en rejetons évidemment pas le principe et il faut sans doute réfléchir sur ce qui relève du national / du local, etc. La FSU a un mandat d’opposition à « toute nouvelle phase de décentralisation » avant un bilan des phases précédentes. Ce n’est pas un mandat de blocage, mais si parfois on peut avoir le sentiment que les personnels se braquent contre la décentralisation, c’est qu’elle est le plus souvent le laboratoire ou le premier acte de mauvais coups… Elle prépare les externalisations, les privatisations, les dérèglementations, et elle se fait dans des conditions qui ne permettent plus l’égalité sur le territoire.
– Question globale des services publics : selon la FSU ce quinquennat aura été de nouveau une mandature d’austérité renforcée, même s’il n’y a pas eu les suppressions de postes à hauteur de ce qu’avait annoncé le candidat Macron… La crise sanitaire a montré les difficultés des services publics, mais ils ont tenu le coup, et cela grâce à l’engagement et à la culture de service public des agent-es.
Cependant, le discours anti-fonctionnaires continue, sur leurs coûts supposés exorbitants, la plus en pointe sur la question étant Valérie Pécresse qui de nouveau donne un chiffre de postes à supprimer. Les services publics permettent à la société de fonctionner, de faire du commun. Nous avons évidemment pris l’exemple de l’école publique dont la situation s’est détériorée.
• Propositions de la candidate Anne Hidalgo
La conception de la Fonction Publique définit aussi le projet de société et le Service Public est un outil pour réduire les inégalités.
– Dans l’éducation après 5 années de JM. Blanquer, le système éducatif est agressé sinon menacé dans ses fondements mêmes…
– Recul du Service Public de proximité. Propositions de la candidate A. Hidalgo : quelques propositions avancées et d’autres en discussion. Création de la proximité « zéro désert public », gel de la politique de fermeture. Très sensible à ce que dit la FSU sur l’éducation, notamment sur le public et le privé (scolarisation à partir de 3 ans pour faire financer la maternelle privée par les Collectivités Territoriales). Et contre l’intégration d’établissements privés dans le financement public (sans obligation de carte scolaire), opérée au travers de l’obligation de scolarisation dès 3 ans. Sur l’apprentissage, il y a potentiellement un risque de déséquilibre, ce n’est pas un levier qui règle tout en effet.
– Question des emplois.
– Sur les rémunérations : le gel de la valeur du point d’indice est une mauvaise chose. Cela aboutit à un tassement des grilles indiciaires. Anne Hidalgo souhaite augmenter les salaires, pas seulement des enseignant-es mais avec la volonté de pointer ce sujet en début de campagne avec la proposition de « doublement » qu’il faudra affiner avec les organisations syndicales.
– Sur la loi TFP : brèche dans le statut, réforme de manière négative.
– Décentralisation : le PS conteste l’approche critique absolue, les lois de décentralisation ont été des avancées intéressantes, mais elles présentent un danger aujourd’hui en effet. Donc avancer oui, mais il faut des gardes fous. La loi 3DS pose problème dont la double tutelle sur les adjoint-es gestionnaires d’EPLE.
– Le combat est aussi lexical : par exemple « autonomie », derrière ce mot on ne met pas tous la même chose. Exemple « budget autonomie » de V.Pécresse en Ile-de-France.
• Propositions du candidat Yannick Jadot
Importance de travailler la question du sens des métiers, il faut que les agent-es retrouvent du sens. On est passé des « patient-es » aux « client-es » par exemple, ce n’est pas une évolution positive.
Question également de comment retrouver une équité, dans le cadre de la décentralisation par exemple… En tout cas, l’État doit être garant sur l’éducation, la santé, la culture, l’environnement, etc. pour résorber les inégalités territoriales. Entreprise de démantèlement des Services Publics comme des acquis sociaux… Il faut arrêter cette purge.
Reconnaissance du travail, revalorisation salariale, etc. Les dégradations subies par les agent-es des services publics sont à inscrire dans une logique libérale qu’il faut condamner pour donner de la force aux Services Publics sur le terrain.
La loi TFP s’inscrit dans ce cadre en ciblant la fonction publique pour dire qu’elle est moins performante que le privé, sans argument. La contractualisation doit être endiguée, embaucher des titulaires, ne pas précariser.
Débat soulevé en réflexion dans l’équipe de Y.Jadot : la retraite qui ne tient pas compte des primes, comment faire car cela dégrade fortement les pensions aujourd’hui. (pour la FSU, la question n’est pas tant de « prendre en compte les primes » que de les intégrer au traitement, ce qui avait été initié dans PPCR)
• Propositions du candidat Jean-Luc Mélenchon
Il faudra en effet revaloriser, conforter le statut, financer les services publics à hauteur des besoins.
On assiste depuis plusieurs décennies à un démantèlement progressif de la Fonction publique. Donc l’intérêt général est assuré par de moins en moins de fonctionnaires. Il faut défendre et conforter le statut, car il préserve des pressions, des intérêts privés, et permet au contraire l’intervention dans le cadre de l’intérêt général.
Il faut dénoncer la précarisation et la logique de sous-traitance. Par ailleurs, la manière d’attaquer la Fonction publique a été aussi de transformer les ministères en guichets. Exemple du MTE (environnement) et de ses opérateurs (augmentation des crédits, mais moins de postes). Délégation de services publics ou logique de marchés publics.
De la même manière, on peut s’inquiéter de ce que dit l’ADEME, qui n’a plus les moyens de contrôler l’argent qu’elle distribue.
Logiques d’ouverture à la concurrence, privatisation, détérioration des moyens : la crise du Covid a un peu freiné ces ardeurs, les libéraux ont été forcés, pour un temps seulement, de reconnaître que les services publics permettent de faire face !
Il faut en finir avec la précarité dans les 3 versants de la fonction publique, embaucher des personnels sous statut. C’est important aussi pour la bifurcation écologique.
Missions sous-payées, ou sous-traitées : augmentation des salaires et en finir avec la logique de sous-traitance.
Dans l’éducation, par exemple renforcer et relancer les politiques d’éducation prioritaire, et de manière générale mettre le paquet sur la question de l’égalité.
Revalorisation des métiers enseignants, AED, AESH, infirmiers, médecins scolaires…
Plan pluriannuel de recrutement.
En finir avec l’autonomie des Universités, en finir avec la sélection à l’œuvre par exemple dans Parcoursup.
Inquiétude sur la survalorisation de l’apprentissage alors qu’il faut relancer les lycées professionnels publics, rétablir les CFA sous l’autorité des régions. Renforcer les enseignements généraux dans toutes les voies.
• Propositions du candidat Fabien Roussel
Développement des services publics dans l’ensemble de la société. Exemple de l’éducation : la crise a révélé les inégalités sociales de réussite scolaire… Il faut désormais aller vers un allongement de la scolarité jusqu’à 18 ans, pour garantir l’élévation du niveau de connaissances.
Création 90000 postes enseignants.
Abrogation de la LTFP car elle renforce le processus de précarisation des personnels et la casse du statut… Ce qui sous-tend ces politiques, c’est une logique de baisse des dépenses publiques. S’agissant de l’éducation, Fabien Roussel entend lutter contre les inégalités scolaires et développer l’enseignement professionnel public, redonner une offre de formation pour répondre aux égalités territoriales mais pour répondre aux besoins de la société et aux développements de nouveaux métiers.
Dégel de la valeur du point d’indice et rattraper le pouvoir d’achat perdu : de l’ordre de 25 à 30 %.
Propose le pré-recrutement des enseignant-es au niveau bac et jusqu’à la licence et au niveau master.
L’égalité professionnelle est une question à part entière, elle concerne aussi la fonction publique…Plusieurs leviers d’action : revenir sur la politique des primes inégalitaires, mixité des métiers, revaloriser les filières féminisées.
Décentralisation : établir un bilan. Pour le PCF : retour à la Fonction publique de l’Etat de tous les métiers de l’éducation.
Ce qu’il faut retenir
– Une grande convergence de vues sur l’objectif d’avoir de bons services publics et sur la manière de porter les sujets, en insistant sur l’intérêt général derrière chacune des propositions. De petits débats existent, comme par exemple sur le calcul de la retraite des fonctionnaires (voir ci-dessus) mais ils apparaissent à ce stade comme des nuances.
– les services publics ont donc besoin de financements, chacun l’a mis en avant. Nous avons peu abordé la question fiscale même si elle est centrale. Le représentant de Jean-Luc Mélenchon a fait remarquer que des choix budgétaires courageux nécessiteraient de se poser la question de désobéir aux traités, ce qui n’est pas, chacun le sait, consensuel parmi les 4.
– La FSU a noté avec intérêt que tous les candidats mettent en avant la nécessité d’avoir des plans de recrutement et de donner de la visibilité sur les revalorisations salariales, en programmant des choses dans le temps.
– Nous avons insisté sur la nécessité de porter dans le débat public la question de l’abrogation de la loi TFP, ce n’est pas forcément repris tel quel par les 4, cela dit l’attachement au statut a été évoqué par tous. Par exemple, le fait que les propositions de la FSU concernant la création d’un corps pour les AESH recueille l’accord général, en témoigne. Mais il reste à porter ces questions avec force et à dire comment on refondera les instances de représentation du personnel, comment on traitera les questions de temps de travail et de droit de grève dans la fonction publique territoriale, etc.