M. le président, Mme la conseillère sociale, Mme et M. les membres du CSE

Lors de votre prise de fonction, M. le Ministre, vous vous êtes à la fois inscrit dans la continuité des ministres qui ont participé aux avancées majeures de notre système éducatif mais aussi dans la continuité des ministres choisis par le président E. Macron pour mettre en place sa vision de l’Éducation Nationale. Permettez à la FSU d’y voir une contradiction majeure, puisque pour notre fédération, rien depuis l’élection du président en 2017 n’a permis réellement d’améliorer le fonctionnement de  l’École et de répondre aux nombreux défis qui s’ouvrent à nous.

En cette rentrée, vous axez votre discours sur l’ordre, le respect des valeurs de la République et sur les fondamentaux mais vous faites l’impasse sur les questions éducatives de fond.  L’École ne peut être respectée que si elle s’adresse à toutes et tous, de façon égalitaire, en donnant plus à ceux et celles qui en ont le plus besoin. Les besoins éducatifs sont énormes dans une société qui se fracture. L’École a un rôle central pour faire société en formant les citoyennes et citoyens de demain. Elle doit permettre à l’ensemble des élèves d’accéder à  une culture commune construite sur des savoirs disciplinaires diversifiés et progressivement spécialisés, leur permettant de s’épanouir et de réussir tout au long de leur scolarité. Les élèves et les personnels doivent redevenir le centre de l’action de ce ministère pour l’instruction et l’émancipation de toutes et tous, pour la formation et la qualification de tous les jeunes dans une scolarité repensée jusqu’ à 18 ans.

Aujourd’hui, après des décennies de transformations qui ont malmené les personnels et les élèves, l’École va mal. Le système éducatif est de plus en plus inégalitaire alors que les réformes souvent mises en œuvre sans le consentement des personnels prétendaient diminuer ces inégalités. Notre système éducatif n’est plus la promesse d’avenir pour un nombre de jeunes de plus en plus important, souvent les jeunes issu·es des milieux les plus pauvres, les jeunes des quartiers. Ce n’est pas le plan 1 million d’apprenti·es qui répondra aux attentes de ces jeunes. Derrière les chiffres flatteurs de la croissance de l’apprentissage, la réalité est moins élogieuse.  Ce système de formation est pour partie inefficace et très coûteux. Il reste inégalitaire et discriminant. La qualité de ses  contenus et de son encadrement est peu contrôlée et il instaure de fait une concurrence déloyale des systèmes de formation en permettant de développer massivement les formations privées. Il produit aussi de nombreuses ruptures de contrat et plus de 200 000 abandons de formation, et donc de qualification pour un financement en 2021 au total de près de 22 milliards dont 16,8 milliards d’argent public. Nous l’avons bien compris, ce plan n’est pas là pour répondre aux besoins de formation des jeunes mais bien pour satisfaire les besoins de recrutement des entreprises à court terme. Comme la Cour des comptes qui appelle à « Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l’apprentissage » et qui rappelle sa recommandation faite dans un rapport précédent sur la formation professionnelle des salariés de « mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants », la FSU, redemande en urgence au gouvernement de mettre fin à ces aides exceptionnelles.

La FSU demande plus globalement de revoir l’orientation et le financement des politiques pour l’ensemble de la jeunesse et d’ouvrir rapidement des discussions, pour mettre en œuvre une réelle politique de qualification de toute la jeunesse par le renforcement du service public de l’Éducation passant par la relance d’une politique d’Éducation prioritaire ambitieuse.

Après des mois de mobilisation des personnels, et bien que tout ne soit pas réglé, la FSU se félicite du report des épreuves de spécialité en juin et demande au ministre d’en tirer les conclusions qui s’imposent quant à la pertinence pédagogique d’envisager une réorganisation du calendrier des épreuves du Baccalauréat professionnel pour la session 2025. Plus globalement, la FSU reste opposée à la réforme en cours des LP. Certains des moyens consacrés au Pacte LP devraient au contraire être pérennisés dans les DHG pour faciliter les dédoublements des classes par exemple, ou pour financer l’existence même des Certificats de spécialisation. Par ailleurs, l’usage de données tronquées pour justifier de futures fermetures de sections est une aberration dans laquelle le ministère devrait refuser de s’enferrer, comme en atteste les difficultés de gestion de flux d’élèves sortant de 3ème cet été dans un certain nombre d’académies. Pour la FSU, former les jeunes aux métiers d’avenir ne passe pas nécessairement par la disparition de formations qui restent socialement insérantes.

M. le ministre, les personnels sont malmenés par l’institution, et ce phénomène s’est accéléré ces dernières années, créant perte de sens et sentiment de dévalorisation des métiers chez de nombreuses et nombreux collègues. Ce n’est pas la politique salariale menée actuellement qui améliorera la situation. Pour de nombreux personnels notamment administratifs et techniques, cette rentrée se déroule sous le signe accru d’une dégradation des conditions de travail avec une sous administration de l’éducation nationale et un manque d’emplois, et dans un contexte où l’inflation constatée attaque la valeur salaires qui pour beaucoup plafonnent trop souvent au niveau du SMIC.

Ce ne sont pas non plus les nouvelles injonctions faites aux enseignant·es à remplacer les absences de courte durée ou encore vos annonces sur la formation continue en dehors du temps de travail qui participeront à apaiser la situation. Non, les personnels ne sont pas responsables des carences du système. Non, ce n’est pas à eux de pallier les insuffisances organisées par votre politique. Les orientations voulues par le président de la République et mises en œuvre par votre prédécesseur concernant la mise en œuvre du Pacte enseignant sont nocives pour l’École. Elles ne répondent en rien aux attentes de la profession. Le « plus et mieux d’École » passe par des moyens humains supplémentaires et mieux rémunérés, par la reconnaissance de la professionnalité de tous les actrices et acteurs de la communauté éducative, par la co-construction avec les personnels de réformes à même de faire progresser l’École et d’améliorer la réussite des élèves.

Pour les infirmières, les assistantes sociales et les psychologues de l’Éducation nationale, chaque rentrée est plus lourde que la précédente. Elle se fait à moyens constants et sous la menace de plusieurs rapports ayant en commun une vision passéiste de la santé à l’École, et faisant passer au dernier plan les réponses que ces professionnel·les apportent chaque jour aux besoins des élèves.  Depuis des années, la FSU ne cesse d’alerter sur le manque structurel de moyens, aggravé par des départs en cascade et une souffrance professionnelle croissante alors que les besoins sociaux et de santé des élèves explosent. Amorcée en 2020 la fuite des infirmières se poursuit, plus de 10% de postes infirmiers sont non pourvus et entre 10 à 20% d’infirmières sont en arrêt maladie selon les académies. Quand comptez-vous agir ? Le détricotage de la politique éducative, sociale et de santé en faveur de l’Élève et la fragilisation de la place des professionnel·les qui y concourent, poussés par une orientation  médico-centrée avec l’idée de revenir à un service comme « au sortir de la guerre », ne sont pas une solution.  Pour masquer la pénurie et la désaffection des personnels dans les professions de l’Éducation nationale, le ministère table sur la confusion des missions, voire envisage la création d’un service de santé scolaire réunissant infirmier·es, assistant·es de service social, PsyEN (EDA et EDO) sous la direction de médecins de l’Éducation nationale, ce que tous les personnels refusent. Cette structuration en service départemental n’améliorera pas la réussite scolaire de chaque élève, loin de là. L’histoire a déjà prouvé que cette organisation descendante et médicalisante de la santé dilue les expertises et les professionnalités autant que les responsabilités. Sous couvert « d’améliorations », cette gestion à la petite semaine organise la pénurie en ressuscitant un service reconnu comme « obsolète, inadapté et inefficace ». Ce service, dont les objectifs sont revus à la baisse, signerait l’abandon d’une véritable politique éducative de Santé à l’École au service de la réussite scolaire. C’est une réponse bien peu ambitieuse à la pénurie de moyens qui aboutira à la dégradation du service rendu aux élèves. Parce qu’il n’est pas acceptable de faire passer la réduction des inégalités sociales et de santé au second plan pour des logiques budgétaires réductrices, la FSU revendique des créations de postes à la hauteur des besoins des élèves et des étudiant·es et le maintien des missions des personnels dans le service public d’éducation. La FSU défend le développement de collectifs de travail, dans le respect des qualifications et des métiers, prenant appui sur des équipes pluriprofessionnelles au complet, formées et disposant de temps de concertation.

Le traitement des AESH est aussi bien révélateur du peu de reconnaissance qu’a l’institution envers ses personnels. La FSU avec la CGT, Sud Education, FO, le SNALC, le SNCL appellent  dans l’éducation et dans l’enseignement agricole à une journée de mobilisation  et de grève des AESH, le mardi 3 octobre 2023 pour obtenir : la création d’un véritable statut de la Fonction publique d’État, de catégorie B, l’augmentation réelle et significative des rémunérations de toutes et tous sur  l’ensemble de la carrière,  la garantie de pouvoir travailler à temps complet sur la base d’un accompagnement élève à 24 heures, l’abandon des PIAL et de la politique de mutualisation des moyens et l’abandon du projet de fusion des AED et des AESH en ARE.

Après votre prédécesseur et vous-même, c’est au tour du président de la République, lors d’un déplacement le 1er septembre, d’annoncer une énième réforme de la formation des enseignant·es.  Les contours et les modalités ne sont pour l’heure pas encore connus, mais le président évoque « une formation dès l’après-bac, professionnalisante, plus visible, qui va nous permettre de mieux planifier nos besoins, et en quelque sorte de revenir à un système qu’on connaissait par le passé, qui fonctionnait, qui est un peu celui des Écoles normales ». A la FSU, nous pensons que le métier d’enseignant·e est un métier de haute qualification. C’est un métier complexe, fondé sur la capacité à analyser ce qui chez les élèves fait obstacle aux apprentissages et la capacité pédagogique et didactique à les prévenir et à y remédier. Cela suppose un solide bagage de gestes professionnels et de savoirs universitaires. Pour cela, il faut une solide formation passant notamment par l’université, condition sine qua non pour outiller professionnellement à des gestes pédagogiques, didactiques et disciplinaires complexes a contrario de ce qui est mis en place avec les PPPE. Pour la FSU, la formation des enseignant·es nécessite des moyens pour proposer une formation des personnels à la hauteur des enjeux éducatifs et sociaux auxquels doit répondre l’École publique, une formation pensée pour faire réussir toutes et tous les jeunes. Il s’agit donc, et plus que jamais de garantir, à tous et toutes les enseignant·es, une formation qui repose sur des savoirs scientifiques au service d’une liberté pédagogique éclairée.

M. le ministre, comme chaque année, la FSU, première fédération de l’Éducation, sera dans l’ensemble des écoles et établissements pour défendre les collègues et le service public d’Éducation. Cette année, elle fêtera ses 30 ans d’existence et elle compte bien, plus que jamais, continuer à faire entendre sa voix et à être force de propositions pour l’amélioration de l’École dans l’intérêt des élèves et des personnels.