Que peut-on dire aujourd’hui de l’impact de la crise sanitaire sur les enfants et les jeunes?
La crise sanitaire a mis en exergue des difficultés déjà existantes. Le recul de la pédopsychiatrie sur notre territoire par exemple. Des départements entiers en sont dépourvus et si dans les grandes agglomérations, médecins et centres médico-psychologiques existent, ils sont en nombre insuffisant avec des délais d’attente d’au moins 18 mois. Or on sait que tout retard de prise en charge psychologique des enfants a des conséquences non seulement sur son épanouissement mais aussi sur ses apprentissages. Les études le disent, le mal-être dans lequel sont des enfants privés d’activités, de loisirs, de culture depuis plus d’un an peut avoir un impact à long terme sur leur développement. D’un point de vue éducatif ce sont les enfants les plus vulnérables qui ont été les plus touchés. Sans ordinateur, sans connexion internet ils n’ont pas pu suivre les cours à distance, ont décroché et on assiste à un recul dans l’acquisition d’un certain nombre d’apprentissages. Cela aussi, impacte leur santé mentale. Mais les enfants ont vécu également les conséquences du confinement sur les relations familiales et notamment pour les familles vivant dans des logements exigus. Enfin, on ne peut ignorer non plus que les violences faites aux enfants et adolescents ont fortement augmenté pendant cette crise.
Comment lutter contre ces violences ?
Les violences faites aux enfants le sont à l’abri des regards, et pendant le premier confinement la fermeture des écoles a nettement compliqué leur détection. Les enfants doivent bénéficier d’une vigilance accrue de chacun et chacune d’entre nous. Mon prédécesseur et la Défenseure des enfants avaient appelé en mars 2020 à la responsabilité collective et à signaler au numéro d’urgence, toutes les situations préoccupantes concernant les enfants. Il est indispensable qu’une grande campagne nationale, visible dans tous les lieux publics, dans les établissements scolaires pour alerter sur les violences faites aux enfants et leurs conséquences dramatiques soit engagée. Nos jeunes ambassadeurs qui présentent la convention internationale des droits de l’enfant dans les établissements scolaires nous disent que très souvent un enfant vient leur signaler qu’il est concerné par le non-respect de ses droits. Informer l’enfant sur ses droits devrait se faire de façon systématique en milieu scolaire. Cela doit faire partie des connaissances fondamentales. Parler de ces situations, sans aucun doute, libère la parole. On est toujours très étonné que les enfants parlent très tardivement des violences qu’ils subissent, mais qu’a-t-on mis en place comme dispositif pour qu’ils puissent le faire? La question du soutien, de l’accompagnement à la parentalité est aussi très importante. Il faut que les parents, quand ils sont en difficulté, puissent faire appel à quelqu’un.
La crise sanitaire a renforcé les difficultés des services et des personnels en charge de la protection de l’enfance pour mener à bien leurs missions. Que pouvez-vous nous en dire ?
Lors du premier confinement nous avons alerté sur des situations difficiles. Celles des mineurs non accompagnés qui, du fait de la fermeture des centres d’accueil, ont été traités comme des étrangers adultes au lieu d’être protégés et mis à l’abri. Celles des mineurs détenus qui ne pouvaient plus recevoir de visites ni avoir accès à l’éducation, les plaçant dans un grand isolement. Celle des enfants de détenus qui n’ont pas pu voir leur(s) parent(s) pendant très longtemps. Je crois que nous avons appris de ces situations. Mais il est encore trop tôt pour savoir ce que l’on aura retenu des bonnes pratiques de cette crise. Nous ferons dans notre rapport annuel, en novembre prochain, qui portera sur la santé mentale, des constats et des recommandations à destination des pouvoirs publics parce que le bien-être de notre jeunesse doit être au cœur de la politique nationale de santé publique. Nous
en ferons le suivi parce qu’il est indispensable de savoir ce qui est appliqué, ce qui ne l’est pas et pourquoi. N’oublions jamais que l’enfant doit être considéré d’abord comme un enfant et que son intérêt passe avant tout autre. Le respect de ses droits doit être ce qui nous guide à chaque instant.
Interview issue de la revue POUR n°233, mai 2021; à lire ici!