Y a-t-il deux cinémas en France ? Un commercial et un art et essai ?
Dans les grandes villes, il y a à la fois des salles de grands circuits, les multiplexes de plus de 8 écrans, et des salles indépendantes, privées, associatives, municipales, dont la programmation est largement tournée vers l’art et essai. Mais c’est oublier les plus de 5 000 salles généralistes en France qui, dans un même lieu, peuvent servir un public jeune venant voir le dernier Marvel dans un cinéma de qualité et un public cinéphile qui veut voir des films en version originale, des films d’auteur, présentés dans les grands festivals. Il n’y a donc pas deux cinémas. Commercial et art essai peuvent être programmés au sein d’une même salle et même au sein d’une même.
N’y a-t-il pas par contre deux publics ?
Je suis plutôt d’accord. Selon les classes d’âge. Un public jeune qui va plutôt aller voir des films commerciaux, de franchise, plus marketés, et un public plus âgé, peut-être plus cinéphile, qui va voir des films d’auteur, des films art et essai. C’est une généralité parce qu’on trouve des jeunes de 25 ans absolument fan de films d’auteur et grands cinéphiles. Mais, dans les grandes masses, les 15-25 ans vont plus voir des films commerciaux, et les plus de 50 ans des films Art et essai.
Les salles Art et essai sont-elles menacées ?
La moyenne des pertes d’entrées en ce moment sur toute l’exploitation française est de -29 %. Ça s’explique, post-Covid, inflation, perte des habitudes, on ne va pas revenir en trois mois aux niveaux passés. Il va falloir trois ans de travail. Mais les salles Art et essai sont à 20 %. Le public de la salle Art et essai est fidèle et investi avec sa carte d’abonnement. Les factures énergétiques sont désormais jusqu’à sept fois supérieures à l’année précédente, mais nos salles, qui sont plus petites, coûtent moins cher à chauffer. Non les salles Art et essai ne sont pas en danger. Bien au contraire, ce sont celles qui ont résisté le mieux à la crise et elles ont tous les outils pour se différencier des sites de streaming, de plateformes. Ce n’est pas sur Netflix ou sur Amazon que vous pourriez voir Mauvaises filles et discuter après avec la réalisatrice. Le voir ensemble se fait dans les salles Art et essai, ça ne se fait pas ailleurs.
Interview issue de la revue POUR n°245, décembre 2022; à lire ici!