Pour la LDH, quels sont les enjeux des débats actuels ?
En plus de la réforme constitutionnelle et la prolongation de l’état d’urgence, il y a aussi le projet de réforme de la procédure pénale qui inclut dans le droit commun des mesures spécifiques à l’état d’urgence. Il étend les possibilités de détention et d’assignation à résidence sur décision du préfet. Il s’installe ainsi une forme pérenne d’état d’urgence, illustrée par une logique commune de contournement du juge judiciaire.
Quel rôle pour la LDH dans un tel contexte ?
C’est un contre-pouvoir indispensable à la démocratie. La LDH entend de continuer à peser dans le débat pour faire obstacle à des projets qui portent germe la division de la société. Son action porte d’abord dans le champ judiciaire. Nous avons déposé un référé liberté et apporté un soutien aux QPC (Questions prioritaires de constitutionalité). Il y a plus généralement la volonté d’informer largement la société, de manifester notre opposition et de continuer à faire pression sur les parlementaires pour convaincre que l’état d’urgence n’apporte rien de plus sauf à contourner le juge. La France dispose déjà de l’arsenal législatif le plus développé d’Europe avec la loi sur la sécurité intérieure et une vingtaine de lois anti-terroristes. Les prises de position du Conseil de l’Europe et des commissaires européens aux droits de l’homme constituent d’ailleurs en la matière des points d’appui importants.
Comment peut-on qualifier la situation?
C’est la question du fonctionnement de la démocratie qui est posée. Il ne faut pas oublier que la loi sur le renseignement était antérieure aux attentats de janvier et visait aussi le mouvement social et les lanceurs d’alerte. La loi du 20 novembre qui a modifié celle de 1955 ne vise plus seulement les activités suspectes mais aussi les comportements. Dans le même temps, le débat parlementaire, réduit à des arguments sécuritaires jouant sur la peur, a occulté les questions de la politique internationale française et du fonctionnement des services de renseignement. Il faut désormais que le débat démocratique reprenne ses droits et ne pas chercher à sacrifier les libertés sur l’autel d’une hypothétique sécurité.