Nadia Ghedifa, directrice des Relations Institutionnelles au Groupe Alpha(*), revient pour la FSU sur le projet de loi « Travail ».
Le projet de loi dite « Travail » inquiète les salariés et les jeunes…
A l’heure où nous parlons le texte peut encore bouger. C’est une réforme d’ampleur qu’un gouvernement conduit en principe en début de mandat. Il n’y pas eu suffisamment de négociations préalables avec les partenaires sociaux. Ils ont disposé d’éléments trop parcellaires, et la maladresse du recours éventuel au 49.3 a contribué à durcir le ton.
La négociation au plus près des collectifs de travail n’a rien de choquant en soi. Fallait-il pour autant invoquer une inversion des normes alors même qu’il est de la responsabilité de l’Etat et du Parlement de fixer ce qui relève de l’ordre public avec l’appui d’une majorité qualifiée de partenaires sociaux ?
Ce projet est encore trop déséquilibré ; pour les salariés en particulier les plus jeunes et aussi pour les entreprises et surtout les plus petites : là où les moyens de la négociation sont les plus manquants. La faiblesse des implantations syndicales en est un facteur explicatif. Et l’éloignement des centres de décisions comme le jeu des contraintes économiques offrent peu de marges de négociations au sein des PME.
Le gouvernement affirme que cette loi va permettre de créer des emplois ?
Au début du quinquennat, il fallait desserrer les contraintes sur les entreprises tout en sécurisant les salariés pour relancer l’économie et aujourd’hui, faciliter les licenciements pour créer de l’emploi ! Or les licenciements économiques ne représentent que 3 à 4 % des entrées à Pôle Emploi, et les ruptures conventionnelles explosent. En parallèle, les contrats courts se multiplient et ont tendance à toucher les mêmes catégories de personnes.
Avant de légiférer à nouveau, ne fallait-il pas dresser le bilan des nombreuses lois qui se sont succédé : loi de sécurisation, Rebsamen, QVT, réforme de la formation professionnelle, CICE… sur ce dernier point, les économies n’ont pas forcément favorisé l’emploi !
Une loi peut-elle à elle seule faire baisser le chômage. Cela me semble excessif et les économistes sont partagés.
Des évolutions sont-elles cependant nécessaires ? On accuse le Code du travail d’être trop complexe.
Le code du travail est effectivement complexe pour le salarié aussi. Si on peut le simplifier, ne nous en privons pas. Mais il faut trouver un équilibre entre l’accord de branche et la négociation d’entreprise et entre la loi et la négociation de branche ; et promouvoir une véritable sécurisation de l’emploi, surtout pour les plus fragiles et les plus jeunes, face à des évolutions majeures qui impliquent plus de mobilité et nécessitent des dispositifs de formation et d’accompagnement robustes.
L’idée d’un Compte Personnel d’Activité (le CPA) recensant tous les droits est une bonne chose ; mais il faut lui donner de l’ambition en matière de sécurisation des parcours et aller plus loin : conseils en formation et orientation, aide à la construction du projet professionnel, préparation aux entretiens, logement… et les financer. A partir du Conseil en Evolution Professionnelle, pourquoi ne pas créer des « guichets uniques », au niveau des territoires, pour les salariés et les petites entreprises, et ainsi traiter de l’ensemble des problématiques liées aux évolutions du monde du travail : innovations technologiques, mobilités professionnels, numérique… ? … et les financer.
Quant au niveau de négociation, l’État doit garantir les grands principes, les branches professionnelles peuvent définir le cadre, et les spécificités se discuter au niveau de l’entreprise ou de l’établissement. Cela suppose des moyens, de la formation, de l’accompagnement des partenaires sociaux. Or aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies partout pour un dialogue social à armes égales.