Pourquoi une Société des Rédacteurs du Monde?

La société des rédacteurs est née en 1951, sept ans après la fondation du Monde par Hubert Beuve-Mery et huit autres associés en 1944. Leur projet commun, après avoir vécu l’effondrement moral de la France et d’une grande partie de la presse face aux nazis, était de défendre l’indépendance du journal à l’égard de tous les pouvoirs politiques, idéologiques ou financiers. Dans cet objectif, la SRM a donc d’emblée été détentrice de la minorité de blocage du capital de  l’entreprise. Soixante-dix ans plus tard, la presse s’est considérablement transformée. Le Monde est désormais le nom d’un groupe qui réunit le quotidien  mais aussi Télérama, Courrier International ou La Vie, mais la raison d’être de la SRM n’a pas varié. Même en 2010, lorsqu’à la suite de pertes financières  importantes, le Groupe Le Monde a dû faire appel à des actionnaires extérieurs. La SRM, au sein du Pôle d’indépendance dont elle est l’un des plus puissants piliers, a ainsi négocié avec Pierre Bergé, Xavier Niel et Mathieu Pigasse, un certain nombre de droits afin de préserver la liberté éditoriale de ses journaux et magazines. En outre, Pierre Bergé, a permis au Pôle d’Indépendance d’avoir la capacité d’obtenir une minorité de blocage.

Est-elle efficace?

En vérité, nous n’avons de cesse de renforcer nos droits et donc notre efficacité ! Historiquement, la SRM siège dans les différentes instances de direction du groupe et dispose à travers le Pôle d’indépendance d’une minorité de blocage. Elle dispose aussi d’un droit de veto sur le nom du directeur que lui propose le Conseil de surveillance. Depuis 2019 et la mauvaise surprise qu’avait été la vente inopinée par Mathieu Pigasse de la moitié de ses parts, soit 12,5 %, à  l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky, le Pôle d’indépendance dispose également d’un droit d’agrément : aucun actionnaire ne peut monter dans le capital du Groupe sans son accord. Enfin, la SRM participe aux décisions éditoriales du journal en organisant régulièrement des comités de rédaction et veille au respect des principes déontologiques qui constituent l’identité du journal.

Quelles améliorations possibles ?

L’un de nos actionnaires, Xavier Niel, vient de décider de transférer sa part dans le capital du Groupe Le Monde au sein d’un Fonds de dotation. Cela signifie que cette part est sanctuarisée, impossible à vendre à l’extérieur si nous ne le souhaitons pas. C’est évidemment un progrès. Avec Xavier Niel, le pôle d’indépendance a négocié son entrée au conseil d’administration de ce Fond et un certain nombre de veto sur les décisions qu’il pourrait prendre. Cela fait partie de l’extension de nos droits et donc du renforcement de l’indépendance éditoriale du Groupe. Et nous espérons bien continuer sur ce chemin !

Interview issue de la revue POUR n°231, avril 2021; à lire ici!